Accueil > Publications > Les déchets radioactifs en France : -Bilan actuel et perspectives

Les déchets radioactifs en France : -Bilan actuel et perspectives

lundi 1er mars 2010, par Jean-Claude Bordier (ECLy 69), Sébastien Charreire (ECLi 01)

Les enjeux actuels liés au dérèglement climatique débattus lors du sommet de Copenhague positionnent l’énergie nucléaire, sobre en émission de CO2, comme une source d’énergie incontournable. La relance des projets de construction de centrales nucléaires est d’ailleurs en cours : 30 réacteurs sont en construction dans le monde et 200 sont en projet ! Cependant, l’énergie nucléaire, comme toute industrie, génère des déchets qu’il est indispensable de gérer afin de maîtriser leurs impacts sur l’homme et l’environnement. Il nous semble donc nécessaire de nous intéresser au bilan et aux perspectives en matière de gestion des déchets radioactifs. Dans cet article nous nous intéresserons à la situation en France.

Rappel : Qu’est qu’un déchet radioactif ?

La loi stipule qu’un déchet est un résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon. Certains déchets sont dits « ultimes » lorsque qu’ils ne sont plus susceptibles d’être traités dans les conditions techniques et économiques du moment.

Un déchet radioactif est une substance dont aucun usage n’est prévu, et dont le niveau de radioactivité ne permet pas la décharge sans contrôle dans l’environnement.

Les producteurs de déchets radioactifs en France

Les déchets radioactifs proviennent essentiellement de centrales de production d’électricité, des usines de traitement des combustibles usés et des autres installations nucléaires civiles et militaires qui se sont développées au cours des dernières décennies. En France, les principaux producteurs de déchets radioactifs sont EDF, AREVA et le CEA. On compte néanmoins également plus de 1000 petits producteurs tels que les laboratoires de recherche, les hôpitaux, des entreprises du secteur industriel…

Les différents types de déchets nucléaires

Les paramètres de classification des déchets radioactifs diffèrent d’un pays à l’autre. En France, les déchets radioactifs sont classés selon deux paramètres :
- Le niveau de radioactivité (ou activité) :
généralement exprimé en Becquerels (Bq) par gramme ou par kilogramme, il correspond à la quantité de rayonnements émis par les éléments radioactifs (radionucléides) contenus dans les déchets. On distingue 4 niveaux d’activités différents : Haute Activité (HA), Moyenne Activité (MA), Faible Activité (FA) et Très Faible Activité (TFA).
- La période radioactive :
exprimée en années, jours, minutes ou secondes, elle correspond au temps au bout duquel une matière radioactive perd naturellement la moitié de sa radioactivité. Cette période est très variable, d’une fraction de secondes à des milliards d’années. On distingue ainsi les déchets à Vie Très Courte (VTC, période radioactive inférieure à 100 jours), à Vie Courte (VC, période comprise entre 100 jours et 31 ans) et ceux à Vie Longue (VL, période supérieure à 31 ans).

- Les déchets HA proviennent pour l’essentiel de l’industrie électronucléaire : ils correspondent aux éléments radioactifs non valorisables isolés lors du retraitement des combustibles usés.
- Les déchets MA-VL sont majoritairement issus des structures qui entourent le combustible usé (coques et embouts) ou des résidus liés au fonctionnement des installations nucléaires (déchets issus du traitement des effluents, des équipements…).
- Les déchets FMA-VC (Faible et Moyenne Activité à vie courte) sont principalement des déchets liés à la maintenance (vêtements, outils, filtres…) et au fonctionnement des installations nucléaires (traitements d’effluents liquides ou filtration des effluents gazeux). Ils peuvent également provenir d’opérations d’assainissement et de démantèlement de telles installations.
- Les déchets FA-VL sont des déchets dits « radifères » (présence de radium et/ou de thorium) et « de graphite ». Ils sont principalement issus d’opérations de recherche et de traitement chimique de minerais pour les déchets radifères (exemple : métallurgie fine) et du démantèlement des réacteurs nucléaires de première génération U.N.G.G. (Uranium Naturel Graphite Gaz) pour les déchets de graphite. D’autres déchets FA-VL existent tels que les paratonnerres, détecteurs d’incendie….
- Enfin, les déchets TFA sont des déchets inertes (béton, gravats, terres) provenant essentiellement du démantèlement des installations nucléaires ou d’industries classiques utilisant des matériaux naturellement radioactifs.

Les volumes de déchets radioactifs en France

En France, environ 2 kg de déchets radioactifs, toutes catégories confondues, sont produits par an et par habitant. Pour mémoire, les déchets industriels et ménagers représentant respectivement 2 500 kg et 306 kg par an et par habitant.
À la fin de l’année 2007, étaient entreposés ou stockés en France environ 1.153.000 m3 de déchets radioactifs. Les déchets HA et MA-VL ne représentent respectivement que 0,2% et 3,6% du volume des déchets représentant 94,98% et 4,98% de la radioactivité. Ci-dessous la répartition en volume des déchets HA par secteur économique à fin 2007 :

Les solutions pour gérer les déchets

Le traitement des déchets radioactifs consiste à transformer le déchet initial en un déchet présentant des caractéristiques plus appropriées pour sa gestion à long terme tout en réduisant autant que possible son volume. On peut citer par exemple le compactage et la vitrification.

Le conditionnement consiste à incorporer le déchet dans un matériau permettant d’assurer une protection du déchet ou un meilleur confinement de sa radioactivité : la « matrice ». L’ensemble (matrice et déchet) est placé dans un conteneur adapté, qui peut lui aussi présenter des propriétés de rétention des éléments radioactifs.
Pour réaliser le conditionnement, on utilise :
- des matrices de verre pour les déchets les plus radioactifs (produits de fission et actinides mineurs provenant des combustibles usés),
- des matériaux à base de ciment, des résines polymères ou du bitume pour les déchets moyennement ou faiblement radioactifs.

Les conteneurs sont en béton ou en acier (acier ordinaire ou inox). Dans certains cas, les déchets ne sont pas conteneurisés avant stockage (en cas de très faible activité par exemple).

Les déchets conditionnés sont appelés colis.
Deux centres de stockage de surface existent actuellement dans l’Aube pour les déchets de TFA et FMA à vie courte. Un troisième centre de stockage dans la Manche a reçu son dernier colis de déchets FMA en 1994 et est actuellement sous surveillance. A ce jour il existe des solutions pour le stockage des déchets FA-VL, MA-VL et HA mais les centres correspondant ne sont pas encore opérationnels. Ces déchets sont entreposés sur leurs sites de production, à La Hague (AREVA), à Marcoule (CEA) et à Cadarache (CEA) et sur les sites des anciennes centrales UNGG. A la différence d’un centre de stockage, les lieux d’entreposages de déchets radioactifs ne sont pas conçus pour assurer des fonctions de sûreté à très long terme sans surveillance.

Les progrès réalisés pour réduire le volume des déchets

Les traitements opérés sur les déchets FMA-VC ont permis de faire baisser la quantité de déchets livrés annuellement d’une moyenne de 30 000 m3 à la fin des années 1980 à environ 13 000 m3 dans les années 2000. Pour les déchets MA-VL, le super compactage mis en œuvre par AREVA dans l’usine de La Hague, a réduit d’un facteur 4 les volumes de déchets de structures du combustible usé. Globalement, le volume annuel des déchets HA et MA-VL a été divisé d’un facteur supérieur à 6 en regard des paramètres de conception des usines de traitement : ils passent d’un volume attendu lors de la conception des usines, de l’ordre de 3m3 par tonne de combustible traité, à moins de 0,5 m3 actuellement. Ces réductions de volume ont été obtenues grâce aux recherches menées et permettent ainsi d’optimiser les ressources rares que sont les centres de stockage.

Des acteurs clés de la gestion des déchets radioactifs
- L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), établissement public indépendant des producteurs de déchets radioactifs, est chargée d’exploiter et surveiller les centres de stockage existants, mais aussi d’étudier et concevoir des solutions pour gérer les déchets qui n’ont pas encore de centres de stockage dédiés. L’Andra prend en charge les déchets radioactifs non électronucléaires (issus des hôpitaux, universités, …) et assure la réhabilitation d’anciens sites pollués par la radioactivité. Enfin, elle a une mission d’information et contribue à la diffusion de la culture scientifique et technique.
- Les producteurs de déchets radioactifs sont les industriels dont les activités (électronucléaire, recherche, défense nationale, hôpitaux, etc.), engendrent des déchets radioactifs. Ils sont responsables de la bonne gestion de ces déchets avant leur prise en charge par l’Andra. Ils doivent définir les modes de traitement et de conditionnement des déchets et conditionner leurs déchets. Ils assurent l’entreposage des déchets qui n’ont pas de filière opérationnelle à ce jour. Ils sont en outre responsables du transport des autres déchets conditionnés jusqu’aux centres de l’Andra. Seules exceptions à ce principe, les « petits producteurs », tels que les laboratoires de recherche hors CEA ou les hôpitaux, pour lesquels l’Andra assure elle-même la collecte, le traitement et le conditionnement des déchets.
- L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) contrôle les producteurs de déchets et l’Andra, dans leurs activités nucléaires. Elle instruit également les procédures d’autorisation des installations nucléaires de base (INB), y compris les installations de traitement et de conditionnement ou les centres de stockage de déchets radioactifs.
De nombreux autres organismes ont un rôle clé en France sur le sujet des déchets radioactifs, tels que la Direction générale de la prévention des risques (DGPR) et le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN).

Les perspectives sur les déchets radioactifs

Dans l’hypothèse d’une poursuite de la production électronucléaire, avec également des hypothèses spécifiques à chaque secteur d’activité à l’origine de la production des déchets, l’Andra estime que le stock prévisionnel de déchets radioactifs sera le suivant en 2020 et 2030 :

Volumes 2020 stockés ou entreposés Volumes 2030 stockés ou entreposés
TFA 629 217 869 311
FMA-VC 1 000 675 1 174 193
FA-VL 114 592 151 876
MA-VL 46 979 51 0009
HA 3 679 dont 74 de combustibles usés 5 060 dont 74 de combustibles usés
Total 1 804 142 2 251 449

D’ici là, des solutions complémentaires de stockage devraient être en service. La loi de programme du 28 juin 2006 charge en effet l’Andra d’étudier :
- Des solutions d’entreposage pour les déchets (FMA et TFA) tritiés. La plupart de ces déchets sont trop actifs ou trop dégazants pour pouvoir être stockés en l’état aux centres de stockage FMA et TFA de l’Aube (risque de marquage de l’environnement par le tritium, élément très mobile).
- Un projet de stockage à faible profondeur pour les déchets de faible activité à vie longue (FA-VL). Le stockage est étudié dans une couche argileuse. La mise en service du centre de stockage à faible profondeur est envisageable à l’horizon de 2019.
- Un projet de stockage profond pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA et MA-VL). Ce stockage doit être réversible pendant une durée d’au moins 100 ans. La mise en service d’un tel centre, sous réserve de son autorisation, est prévue en 2025. Les études sont actuellement en cours au sein du laboratoire souterrain de Meuse/Haute-Marne.
La gestion à long terme des déchets impose la constitution d’une mémoire à l’échelle plurimillénaire pour les centres de stockage de déchets à vie longue en vue de la transmettre aux générations futures. Des réflexions se poursuivent sur le sujet à un niveau international. Le patrimoine dont nous avons hérité, peintures rupestres, parchemins, ouvrages d’art, … prouve que la conservation de la mémoire pendant une très longue période de temps est possible et qu’elle pourrait prendre diverses formes. Reste néanmoins à savoir comment s’assurer que cette mémoire sera correctement interprétée par les générations futures.

Une grande partie de ces informations est issue du site de l’Andra et nous ne pouvons que conseiller au lecteur qui souhaite approfondir le sujet de le consulter

Retrouvez également cet article dans le Flash n°16

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.