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Le nucléaire civil dans le monde : les réacteurs

vendredi 1er mai 2009, par Etienne Pesnelle (ECP 86)

Cinquante ans de R&D ont fait se succéder plusieurs générations de réacteurs : la plupart des tranches en construction aujourd’hui appartiennent encore à la troisième génération, tandis que la quatrième (réacteurs à neutrons rapides) attend son heure. Le premier réacteur nucléaire n’est pas celui construit par Enrico Fermi à l’Université de Chicago en 1942, mais le réacteur nucléaire naturel d’Oklo, qui fonctionna… il y a deux milliards d’années, et dont les produits de fission sont restés depuis confinés depuis dans les couches géologiques. Au-delà de la curiosité scientifique, ce site constitue un des arguments utilisés par les défenseurs du stockage géologique du combustible usé

Nucléaire dans le Monde

Filières de réacteurs nucléaires

Actuellement, six filières électronucléaires ont franchi le seuil de l’industrialisation :
- Graphite-gaz : modéré par le premier et refroidi par le second, les réacteurs de cette filière furent plébiscités dans les années 1960 car ils permettaient de produire également du plutonium de qualité militaire sans forcément enrichir au préalable l’uranium. Seul le Royaume-Uni exploite encore les 18 tranches de ce type en activité.
- Eau lourde (PHWR) : ce réacteur rustique – on peut ne pas enrichir l’uranium - produit également du plutonium, mais de qualité isotopique moyenne pour des usages militaires. L’Inde et le Canada en sont aujourd’hui les principaux utilisateurs. Le PHWR indien actuel, de puissance moyenne (200-500 MW) est le réacteur idéal pour un pays émergent. La France a exploité un prototype de PHWR à Brennilis, dont le démantèlement en cours, émaillé de joutes juridiques animées par les ONG antinucléaires, fait régulièrement parler de lui dans les journaux.
- Eau-graphite : c’est encore une autre filière conçue pour être militairement plutonigène, uniquement représentée actuellement par le modèle RMBK dont l’accident de Tchernobyl sonna le glas.
- PWR (Pressurized Water Reactor) : dérivé d’un modèle de réacteur conçu pour la propulsion navale par Westinghouse, elle nécessite un combustible enrichi, c’est aujourd’hui la filière la plus performante sur le plan technico-économique avec le BWR, et donc la plus répandue. Ce sont des modèles de grande puissance (1000-1600 MW), destinés à des puissances industrielles.
- BWR (Boiling Water Reactor) : filière concurrente de la PWR, principalement utilisée au Japon, aux USA, en Allemagne et en Suède
- Réacteurs à Neutrons Rapides Sodium : popularisé en France par la gamme Phénix, ils finissent de s’industrialiser en Russie et en Chine. Les autres filières de réacteurs civils à neutrons rapides ne sont pas encore sorties des laboratoires de recherche. Les réacteurs à neutrons rapides forment l’incontournable prochaine étape dans le développement de l’industrie électronucléaire, car ils permettent de réduire drastiquement la quantité de déchets ultimes et de « brûler » d’autres isotopes de l’uranium que le rare U235.

Les principaux constructeurs
Le gros de la compétition se joue évidemment autour de la filière PWR. S’y affrontent :
- Westinghouse, désormais filiale de Toshiba, mère de la filière PWR et qui propose aujourd’hui la famille AP600/1000.
- Areva, filiale du CEA, née du transfert de technologie de Westinghouse vers la France qui donna naissance au modèle REP, et qui en promeut maintenant une évolution, l’EPR
- Siemens, qui avait également acquis la licence PWR de Westinghouse, a récemment rompu sa collaboration avec Areva et a aussitôt annoncé une alliance avec
- Atomenergoprom, entité russe dépendant de Rosatom, commercialise la famille VVER

ainsi que quelques nouveaux entrants comme le chinois CGNPC, qui cherche à placer son modèle CPR-1000 dérivé du REP construit sous licence Areva à Daya Bay.

En BWR, le jeu est plus restreint : on retrouve Toshiba-Westinghouse et Siemens, ainsi que General Electric-Hitachi.

Enfin, sur la niche du réacteur à eau lourde, seuls les Indiens de NPCIL semblent aujourd’hui être actifs. L’Inde vient ainsi de promettre de construire des centrales nucléaires CANDU au Kazakhstan en échange d’une sécurisation de son approvisionnement en uranium.

Perspectives

Dans les prochaines années, on devrait voir le jeu concurrentiel s’intensifier sur le marché du PWR. Du point de vue des opérateurs électriques des pays industrialisés, l’offre y est en effet vaste et la compétition qui s’y livre laisse espérer des prix de vente optimisés.

Sur le segment du réacteur pour « pays primo-accédant émergent », la situation est plus confuse : en plus de l’offre CANDU, Atomenergoprom proposerait des centrales électriques flottantes – probablement des navires à propulsion nucléaire reconvertis – tandis que le CEA reste discret sur les projets qu’il mène actuellement sur le pourtour méditerranéen.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la Chine ne cherchera sans doute pas à s’imposer sur ces deux marchés à l’exportation : face aux Européens, aux Américains du Nord, aux Japonais… et même aux Indiens, son expérience en exploitation est beaucoup trop récente pour être crédible : en effet, mesuré en années.réacteurs par le CEA, l’expérience d’exploitation de la Chine est près de 4 fois inférieure à celle de l’Inde, 12 fois à celle de la Russie, 20 fois à celle de la France… et 43 fois à celle des Etats-Unis !

En terme de développement du nucléaire civil, la stratégie chinoise est probablement de s’équiper en PWR dans les prochaines années pour satisfaire sa soif inextinguible d’énergie en réduisant ses émissions de carbone, tout en se préparant une place au premier rang pour le futur marché du réacteur à neutrons rapides.

Vous pouvez retrouver cet article dans le Flash N°11

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