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Construction d’un réseau de transport d’électricité en Europe

mercredi 1er octobre 2014, par Alain Argenson (ECN 62)

Chaque pays avait développé son propre système de transport[1] mais, dès l’après-guerre, un des premiers actes de reconstruction des pays européens fut d’interconnecter leurs réseaux nationaux.

Les réseaux sont connectés les uns aux autres dans un but :
 d’assistance mutuelle des gestionnaires de réseaux dans le cas d’une défaillance technique brutale ;
 de réglage commun de la fréquence dans le cas de réseaux synchrones.
Les interconnexions électriques sont aussi le vecteur de transactions commerciales transfrontalières :
 Historiquement aux frontières françaises, pour l’exportation de l’énergie nucléaire excédentaire d’EDF (contrats de long terme) ;
 Aujourd’hui elles sont au cœur de l’objectif de l’Union Européenne pour :

o développer la concurrence sur les marchés nationaux, bénéficier de la complémentarité de la demande et des parcs de production,

o palier la variabilité des énergies éolienne et photovoltaïque par le foisonnement et réduire les coûts liés à leur intégration en mutualisant les réserves et les sources de flexibilité.

L’objectif de l’Union Européenne, définit initialement dans la déclaration de Messine en 1955 a été précisé par la directive 96/92/CE puis la directive 2003/54/CE concernant des règles communes pour la production, le transport et la distribution du marché intérieur de l’électricité. Elles ont notamment contraint les états à progressivement ouvrir à la concurrence les activités de production et de fourniture d’énergie, et à accroître l’interconnexion et l’intégration entre marchés.

L’interconnexion, l’interopérabilité et le développement des réseaux transeuropéens de transport d’électricité sont un instrument indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur de l’énergie. C’est pourquoi la décision n° 1364/2006/CE[2] du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, établit des orientations relatives aux réseaux transeuropéens d’énergie. Ces nouvelles lignes directrices listent et hiérarchisent, selon les objectifs et priorités définis, les projets éligibles pour un financement communautaire. Elles introduisent notamment le concept de projet d’intérêt européen.

En 2007, un rapport de la Commission européenne sur les progrès réalisés en la matière soulignait que les exigences des différentes directives sur l’électricité n’avaient pas été respectées par certains États membres. Un nouveau paquet législatif, appelé « troisième paquet Énergie », a donc été adopté en juillet 2009. L’objectif était de renforcer les règles communes pour la production et la transmission (avec notamment la dissociation des réseaux de transmission et la production), la distribution et l’approvisionnement en électricité. Des autorités de régulation nationales ont été instaurées dans chaque État membre, ainsi qu’une Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) et un Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport de l’électricité (ENTSO-E).

ENTSO-E[3] regroupe 41 gestionnaires de réseaux de transport (305 000 km de lignes) de 34 pays (28 de l’UE et 6 autres interconnectés).

En novembre 2010 la présentation, par le Commissaire Européen à l’Energie pour la Commission, d’une stratégie pour atteindre les objectifs de 2020 (dont 33% de production brute d’électricité renouvelable) soulignait que la mise en œuvre souffrait de graves lacunes notamment dans le domaine des infrastructures. L’Europe ne dispose toujours pas d’infrastructure de réseau qui permettra aux sources d’énergie renouvelables de se développer et de concurrencer à armes égales les sources d’énergie traditionnelles.

La localisation excentrée des nouvelles sources d’électricité par rapport aux centres de consommation et leur intermittence, que seul un foisonnement à grande échelle peut atténuer, nécessitent de grandes transformations du réseau électrique européen. ENTSO-E est chargé de mettre en place un tel réseau.

D’ici à 2020, ENTSO-E a identifié la mise en place de 42 100 km de lignes électriques supplémentaires de transport (certains ouvrages contribuent à plusieurs objectifs) :
 26 000 km permettront d’améliorer la sécurisation d’approvisionnement des européens
 20 000 km faciliteront l’intégration des énergies renouvelables (ENR)
 28 500 km accompagneront le développement du marché électrique européen

Le tout représente un investissement de 23 à 28 milliards d’euros.

La capacité d’échange globale de la France est insuffisante par rapport aux volumes d’énergie que les acteurs de marché aimeraient s’échanger : les interconnexions forment des goulots d’étranglement.

En guise de conclusion :

La Commission européenne a lancé plusieurs initiatives visant à accélérer le déploiement d’infrastructures essentielles. Toutefois, dans la pratique, le rythme de développement des lignes de transport internes et transfrontalières prend bien plus de temps que prévu (jusqu’à 25 ans) et certaines ont été abandonnées. L’opposition locale constitue généralement un obstacle majeur pour ce type de projets d’infrastructures.

La Commission ne devrait-elle pas s’interroger sur le bien-fondé de sa politique énergétique ? Vouloir faire transiter l’électricité d’un bout à l’autre de l’UE en fonction strictement des prix du marché n’est-ce pas oublier les contraintes physiques du transport ?

La France, un centre d’échanges (source Commission Régulation de l’Energie)

[1] Réseau Transport= tension supérieure à 50kV

[2] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX :32006D1364:FR:NOT

[3] ENTSO-E = The European Network of Transmission System Operators for Electricity

Retrouvez également cet article dans le Flash n°41.

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