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Pourquoi avoir reporté la construction du démonstrateur industriel ASTRID ? - Flash 68

mardi 14 janvier 2020, par Jacky Rousselle (ECL 81)

Le journal Le Monde publie le 29 aout 2019 le « report » de la construction du démonstrateur de réacteur à neutrons rapides (RNR) refroidi au sodium ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration).

Le projet Astrid s’est inscrit dans le cadre du programme Generation IV pour un prototype RNR à caloporteur sodium de puissance électrique 600 MWe permettant du multirecyclage du plutonium , d’utiliser de l’uranium appauvri issu de la séparation isotopique et de réduire la quantité de déchets nucléaires à vie longue par la transmutation d’actinides mineurs. Développé par le CEA depuis 10 ans avec d’autres partenaires de R&D et industriels français et étrangers dont le Japon, le projet initialement conçu pour une puissance électrique de 600 MWe a fait l’objet en 2018-2019 d’une révision à la baisse de sa puissance nominale puis de l’annonce du report de sa construction au moins jusqu’à la deuxième moitié du siècle.

La dernière Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) confirme que « le besoin d’un démonstrateur et le déploiement de réacteurs à neutrons rapides ne sont pas utiles avant cet horizon ». En effet les ressources en uranium, combustible nucléaire des réacteurs à eau pressurisée (REP) du parc français sont estimées actuellement suffisantes. Il est demandé au CEA le report de l’avant projet détaillé d’Astrid et de rendre possible sa construction à terme.

Ces objectifs entraînent un challenge pour le maintien des connaissances et des compétences en R&D et en ingénierie pour la continuité du projet RNR-Na.

L’opportunité de maintien des compétences peut consister à appliquer des méthodologies de simulations numériques et d’expérimentations-qualifications développées pour Astrid pour d’autres projets du programme Generation IV (réacteurs à sels fondus, ..) ou d’autres concepts de réacteurs (réacteurs plus petits et modulables- Small Modular Reactors ou SMRs dont le programme français NUWARD,..) aussi bien pour la R&D que vers l’industrialisation avec les industriels du nucléaire. Cela nécessite des stratégies de propriété intellectuelle et de partage du savoir-faire adaptées à ces enjeux cruciaux aussi bien au niveau national qu’international.

Dans tous les cas, sans construction ni exploitation à court et moyen terme sur quelques décennies, il faudra préserver le savoir-faire et le Retour d’Expérience (REX) des RNR sodium acquis en France depuis Rapsodie (1957-1983), la centrale Phenix (1973-2010), Superphénix(1985-1998), les études du projet European Fast Reactor- EFR (1988- 1998) et les études d’Astrid (2010-2019) , soit plus de 62 ans d’expérience. D’autres pays vont eux poursuivre l’industrialisation et l’exploitation des RNR-Na : China Demonstration Fast Reactor CDFR600 de 600 MWe à Xiapu, construction de 5 CDFR600 pour 2030 , China Fast Reactor CFR1000, joint venture Terrapower et CNNC (China National Nuclear Corporation) depuis 2017 pour le projet Traveling Wave Reactor (TWR),..

En parallèle du développement des filières nucléaires du futur, doivent s’intégrer de manière indissociable les recherches et développement industriels sur le cycle du combustible pour l’utilisation de l’uranium appauvri pour le multirecyclage du plutonium, dont le multirecyclage en REP (avec ses limites), et pour la réduction par transmutation des déchets nucléaires à vie longue. Cela nécessite pour le nucléaire du futur d’avoir une vision multinationale pour partager les coûts et les risques, à l’exemple du projet ITER en fusion nucléaire.

Les méthodologies d’évaluation et de choix des projets nucléaires futurs pour leur développement et leur industrialisation sont cruciales pour assurer la sécurité future d’approvisionnement électrique de la France et aller au-delà des visions court terme du marché de l’électricité et des dogmes de la concurrence antagonistes de ces enjeux.

Article Le Monde 29/8/2019 : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/08/29/nucleaire-la-france-abandonne-la-quatrieme-generation-de-reacteurs_5504233_3234.html

PPE : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe

Contrat Stratégique de la Filière Nucléaire 2019-2022 : https://www.conseil-national-industrie.gouv.fr/sites/www.conseil-national-industrie.gouv.fr/files/files/csf/nucleaire/contrat-strategique-filiere-nucleaire-signe.pdf

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