Les Rencontres de la Performance Énergétique (RPE 2012) et perspectives 2020
samedi 1er décembre 2012, par
Chaque année, organisées par le journal Le Moniteur et l’Ademe, les Rencontres de la Performance Énergétique (RPE) font le point sur l’état d’avancement du Grenelle dans le domaine du Bâtiment, présentant des projets de construction ou de rénovation, et donnent les grandes tendances pour les années à venir. Ce congrès a permis, sur deux jours, d’écouter une quarantaine d’intervenants, présenter réalisations et projets et débattre sur 8 grands thèmes. Aussi cet article n’a pas pour vocation de faire un résumé exhaustif de la manifestation, mais de préciser les quelques points clés et d’élargir la discussion à divers sujets.
Le premier thème portait sur la question « Peut-on garantir la performance ? ». L’avis majoritaire des inter-locuteurs est négatif : tout le monde trouve une bonne raison pour ne pas s’engager ! Il est vrai que, comme l’a rappelé un des conférenciers, « le but d’un bâtiment basse consommation n’est pas de faire faire des économies aux futurs occupants, mais d’être conforme à la réglementation » (sic !). Pour beaucoup, les comportements des utilisateurs ne permettent pas de disposer de bases de comparaisons objectives. En revanche beaucoup s’accordent sur le fait que ce serait plus facile dans le tertiaire, du fait du management centralisé de la gestion technique du bâtiment. Cependant pour le résidentiel en rénovation, on dispose pourtant, avant travaux, d’un référentiel qui inclut les habitudes des utilisateurs présents, donc la comparaison des mesures avant et après est plus représentative des progrès apportés par les travaux.
En ce qui concerne la rénovation, on nous a présenté l’exemple spectaculaire d’un bâtiment de bureau, dont la CEP (Consommation en Energie Primaire) est passée de 878 kWh/m²/an à 40, soit 95% de gain. Dans une telle rénovation, les difficultés à traiter sont de plusieurs ordres : en particulier, étanchéité à l’air des ascenseurs et des baies vitrées pour lesquelles les fenêtres coulissantes ne sont possibles que si elles sont munies d’un système à frappe. D’autres projets présentés n’ont pas atteint de telles performances, souvent d’ailleurs limités dans leurs tentatives par les exigences des architectes des bâtiments de France même si les conférenciers prétendent avoir eu avec eux une approche constructive. A contrario, un projet de rénovation en Angleterre a eu toute liberté pour agir efficacement.
Tous ces projets impliquent que les entreprises acquièrent le savoir-faire nécessaire. Force est de constater qu’elles sont rares à vouloir faire partie de l’avant-garde, et la plupart, comme l’indique un conférencier, se contentent de « rester dans le groupetto de queue où, grâce au nombre, elles ne peuvent être ni sanctionnées ni écartées ». Un gros travail reste à faire pour revoir les DTU (Documents Techniques Unifiés), dont certains vont a contrario des améliorations de performance énergétique, et mettre au point de nouvelles règles de l’art.
Pour financer les travaux de rénovation énergétique, une piste va probablement se dégager, car pour la nouvelle période d’établissement des règles pour les Certificats d’Economie d’Energie (CEE), la rénovation pourrait être davantage prise en compte. En revanche, on ne peut que regretter l’abandon trop rapide du principe d’augmentation du droit à construire, par exemple par le rehaussement d’un immeuble collectif, au cours duquel les travaux d’amélioration énergétique seraient pris en charge par la vente des surfaces nouvellement construites (conventions souvent mises en œuvre en Allemagne, ceci expliquant cela...).
Pour la rénovation chez les particuliers, il ne faut pas négliger que de nombreux occupants vivent avec des ressources qui ne leur permettent pas d’envisager le moindre travail d’amélioration de l’habitat. On constate aussi que les espaces Info-Energie ne sont pas suffisamment sollicités par les particuliers : ils fonctionnent en guichet, alors que pour une partie de la population il faudrait faire du porte à porte. Une idée intéressante consiste, pour des particuliers avec peu de moyens, d’envisager un espace de vie plus restreint en hiver, qui serait plus facile à isoler et à chauffer.
Pour les copropriétés, de nombreux freins existent encore : même si le syndicat des copropriétaires est maintenant susceptible d’emprunter pour les travaux, les banques sont réticentes, notamment parce qu’en cas d’insolvabilité du syndicat, les parties communes ne peuvent être saisies. Autre facteur : le PTZ (Prêt à taux Zéro) n’est pas encore adapté aux copropriétés.
Une construction neuve a attiré l’attention des congressistes : une école à Pantin, construite en utilisant les techniques du Passif, mais devant suivre les habitudes françaises, pour arriver au paradoxe suivant : un bâtiment conçu pour fonctionner sans chauffage, mais équipé d’un système de chauffage inutile et surdimensionné ! Ces bizarreries découlent pourtant d’une certaine logique : les moteurs de calculs français ne sont pas adaptés aux très faibles consommations ; à titre d’exemple, lors du calcul, la ventilation double flux, avec récupération de chaleur, donne des résultats équivalents à la ventilation simple flux, qui rejette sans la récupérer toute l’énergie dehors ! Et les conventions utilisées ne sont pas comparables. Le BBC français n’est pas l’équivalent du Passif allemand ni du Minergie suisse, bien que beaucoup déclarent le contraire.
Pour l’avenir, une victoire à la Pyrrhus semble se dessiner entre le ministère, les constructeurs et les énergéticiens. Son nom ? « Le bâtiment à énergie positive » : il pourra, à l’horizon 2020, consommer 50 kWh/m²/an car on pense qu’on sera capable de produire une quantité d’énergie équivalente en été à celle consommée en hiver ! Avec cette définition, tous les corps de métiers pourront continuer le « business as usual », on pourra construire des bâtiments médiocres avec la conscience tranquille : isolation par l’intérieur, double vitrage, VMC simple flux, et surtout une belle et grosse chaudière avec de nombreux radiateurs sous les fenêtres ! On fera appel à l’électronique, pour mesurer le gaspillage, et s’assurer que l’énergie gaspillée en hiver a bien été récoltée en été ! Il y aura malgré tout un grand perdant : l’utilisateur, quand il s’apercevra qu’on s’est moqué de lui, et qu’on le fait payer cher, via la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité) - une lapalissade : on a besoin d’énergie en hiver et très peu en été ; malgré cela les opérateurs devront acheter très cher l’été une énergie dont personne n’aura besoin, et seront forcés d’en vendre à un tarif dévastateur l’hiver. Et, pour compliquer le tout, en fermant un maximum de centrales nucléaires !
A l’issue de ces RPE 2012, il nous semble important de réexpliquer les bases d’une réflexion indépendante et uniquement basée sur le bon sens et l’intérêt primordial de nos concitoyens. Nous nous permettons d’émettre ainsi quelques propositions pour la prochaine Réglementation Thermique (RT2020).
A notre avis, et parfois a contrario de ce qui s’est dit au cours du congrès, nous pensons que si l’on veut vraiment aboutir à de réelles économies d’énergie dans le bâtiment (mais le veut-on ?), il faut s’attacher à promouvoir les mesures essentielles suivantes :
Urbanisme et gouvernance :
– Un urbanisme essentiellement basé sur l’existant : aucun permis de construire accordé sur une parcelle agricole, sauf pour des besoins agricoles. Les PLU doivent conduire à une densification des surfaces urbaines déjà construites. Les pavillons neufs, construits sur des parcelles existantes, doivent être mitoyens. Les immeubles déjà construits peuvent être rehaussés d’un étage de construction légère, mais fortement isolée, idem pour les centres commerciaux des zones urbaines et périurbaines.
– La fonction d’Architecte des Bâtiments de France doit évoluer : à force d’interdire des rénovations économiques en centre ville, on va voir se développer une génération de taudis qu’il sera impossible d’habiter. Le pragmatisme et la discussion, avec comme critère essentiel la performance énergétique, doivent pouvoir l’emporter sur les querelles académiques.
– L’obligation de ravalement doit s’accompagner d’une obligation d’isolation ; remarquons que cette obligation de ravalement est un héritage du passé ; autant à l’époque du chauffage au charbon et aux véhicules polluants il était concevable que les ravalements soient régulièrement planifiés, autant ces mesures sont maintenant dépassées et doivent être aménagées pour faciliter l’isolation des bâtiments.
– Porter la température légale de 19°C à 20°C, plus proche de la réalité et plus proche des règlements des autres pays européens. Ainsi la consommation conventionnelle calculée sera plus proche de la consommation réelle. Pour les immeubles à chauffage collectif, demander aux syndics de faire respecter cette consigne ; l’appoint pour des températures supérieures devrait être à la charge de l’occupant.
Constructions, résidentiel et tertiaire :
– Constructions sans ponts thermiques, et, pour cela, ajout d’une obligation de moyens, et évolution des moyens constructifs traditionnels : isolation par l’extérieur, balcons autoportés, ossature centrale des bâtiments collectifs en poteau poutre, et cloisons périphériques préfabriquées, avec menuiseries pré-intégrées en usine. Le triple vitrage doit devenir le standard dans la plupart des régions de France. De plus, isolation par l’extérieur, qui contribue grandement au confort d’été, en emmagasinant dans les parois intérieures la fraîcheur nocturne.
– Constructions étanches à l’air, car l’air est contrôlé par le système aéraulique interne en double flux avec récupération de chaleur. Ces systèmes apportent autant d’air frais, sinon plus, que le principe d’ouverture des fenêtres en hiver cher à nos grand-mères, et qui restera possible malgré tout.
– Appoint énergétique pour les grands froids : réalisé par petites chaudières, gaz à condensation, à pellets ou granulés de bois, pompes à chaleur. La chaleur est distribuée par le réseau aéraulique, ce principe de distribution étant rendu possible grâce au respect des deux paragraphes précédents. Les industriels français devront mettre au point ces petites unités, actuellement disponibles à l’étranger.
– Pour l’eau chaude sanitaire, qui, du fait de l’amélioration du bâti, devient un poste de consommation très important : recours systématique à des systèmes de récupération de chaleur sur eaux usées, qui sont globalement plus efficaces que l’appoint par énergie renouvelable, car le rendement est identique tout au long de l’année.
– Les énergies renouvelables sont soit consommées sur place, soit obligatoirement stockées pour être appelées par le réseau électrique uniquement en cas de besoin. La notion de « bâtiment à énergie positive » doit se référer à une production supérieure à la consommation tous usages confondus et cela à tout moment de l’année. Elle ne doit pas être dévoyée au bénéfice des uns et des autres : c’est toute la crédibilité des professionnels du bâtiment qui en pâtira et cela durablement ! La notion de « bâtiment à énergie quasi nulle » (EPBD recast 2010 - Energy Performance of Buildings Directive) est probablement plus raisonnable.
Ces mesures ne sont pas utopiques ; nous construisons maintenant systématiquement en respectant l’accessibilité, la sécurité, l’amiante, etc. Pourquoi ne pas être aussi dirigiste dans le domaine de l’énergie ? Aujourd’hui on raisonne encore trop souvent à l’envers : exemple de suggestion - le cas de la prime à la cuve de fuel, alors que, si on arrive à dégager les budgets correspondants, il serait plus intelligent de donner une prime à l’isolation ! Les techniques évoquées plus haut sont couramment utilisées chez nos voisins, et des mesures volontaristes devraient être à la portée d’un gouvernement soucieux du destin du pays.
Retrouvez également cet article dans le Flash n°32.