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L’énergie au Danemark

samedi 1er janvier 2011, par Sébastien Delpont (ECLi 05)

Le Danemark a une empreinte carbone par habitant parmi les plus élevées de l’Union Européenne et pourtant le Danemark est souvent cité comme un modèle dans le développement des technologies vertes : pourquoi ? Comment a évolué la politique énergie/climat danoise ces dernières années et quelles sont ses perspectives ? Quelles différences majeures avec la situation de la France ?

Un contexte délicat

Le Danemark est un petit pays de 5 millions d’habitants, grosso modo grand et peuplé comme le Nord Pas de Calais et la Picardie réunis et qui pourtant arrive à faire entendre sa voix sur les sujets énergie / climat dans le concert des nations.

Cet intérêt particulier du pays pour ces sujets date du 1er choc pétrolier. Ce pays s’est alors découvert particulièrement fragile. Le mix énergétique de ce pays, sans ressources hydroélectriques, était constitué à 99% d’énergies fossiles importées : charbon et pétrole.

Des changements énergétiques

Comme dans beaucoup de pays, le choc pétrolier a bouleversé la stratégie énergétique nationale mais le virage énergétique danois a alors été différent de celui pris par la France. Ses points clés ont été :

  • Un grand programme d’économies d’énergies dans l’industrie et le secteur du bâtiment
  • Le développement de réseaux de chaleur, notamment en cogénération, en maximisant la part de la biomasse et de l’incinération (de 15% en 1980 à 45% aujourd’hui) aux dépends du fioul et du charbon
  • Le développement de projets d’exploitation de pétrole et de gaz dans la mer du nord comme les hollandais, britanniques et norvégiens (mais à une moindre échelle)
  • Le refus de développer l’énergie nucléaire en misant sur le développement de l’éolien, de la biomasse (paille, bois et biogaz) et de l’incinération à haut rendement

Une réglementation forte

Le déploiement de cette nouvelle politique énergétique est passé par un certain nombre de réglementations fortes :

  • Réglementation thermique des bâtiments
  • Réglementation pour limiter les consommations des équipements électriques
  • Raccordement obligatoire des bâtiments aux réseaux de chaleur urbains s’ils existent
  • Interdiction du chauffage électrique dans les bâtiments neufs

Une fiscalité énergie climat

Le programme énergétique danois a aussi bénéficié de la mise en place d’une fiscalité énergie / climat adaptée :

  • Taxation forte des combustibles fossiles utilisés pour le chauffage. Cette taxation lancée dans les années 70 a été maintenue, même pendant le contre choc pétrolier et alors que le Danemark est depuis devenu un producteur pétrolier (au contraire de nombreux pays producteurs, le Danemark taxe fortement le pétrole)
  • Taxation des automobiles à hauteur de 180% du prix au moment de l’achat et taxation annuelle variable selon la consommation du véhicule : à 3l/100 km c’est 20€/an et à plus de 19l/100 km c’est 3300 €/an. Le lobby automobile est faible car il n’y a pas de constructeur de voiture danois, ce qui a permis à l’Etat d’agir pour limiter la place de la voiture de façon sereine. (Le taux d’équipement automobile est parmi les plus bas d’Europe, 338 pour 1000 hab., en France : 491 pour 1000 hab.)
  • Taxation carbone de l’énergie de l’industrie avec une différence faite entre industrie lourde (moins taxée) et l’industrie légère (plus fortement taxée car moins soumise à la compétition internationale). Avec dans les 2 cas un abattement important de cette taxe si les entreprises participent à un programme d’efficacité énergétique volontaire
  • Taxation de l’électricité pour financer des tarifs d’achat pour l’éolien et la cogénération

Investissement public et citoyen

La réussite du programme énergétique tient aussi à une transparence sur les coûts et une implication des citoyens dans le financement de celui-ci.

Le succès du développement de l’éolien et de son acceptation par la population tient, entre autres, au développement de l’investissement par des citoyens dans des parcs éoliens sur leur commune. Les citoyens trouvent les éoliennes plus belles dans le paysage lorsqu’ils en sont actionnaires et que les revenus des tarifs d’achat leur reviennent à eux aussi et pas seulement à des développeurs privés (la voie inverse a été suivie en France, la loi ne permet que de développer de très grands parcs, ce qui exclut de fait le développement de petits projets à échelle locale finançables par les citoyens).

La plupart des réseaux de chaleur ont été développés par des coopératives citoyennes ou des municipalités avec une grande transparence sur les coûts réels facturés, ce qui a contribué à créer une adhésion du public sur le sujet.

Emergence de leaders industriels

L’orientation de la politique énergétique a été claire et constante depuis les années 70, ce qui a permis à des filières industrielles de se développer sereinement. Rockwool (isolants), Danfoss (valves), Grundfos (pompes) ont surfé sur le programme d’efficacité énergétique. Les leaders mondiaux de l’éolien que sont Vestas, Nordex, LM Windpower et Siemens Wind sont danois (c’est par le rachat du Danois Bonus Energy que Siemens est entré dans l’éolien). Novozymes et Danisco sont les N°1 et N°2 mondiaux des enzymes industrielles nécessaires au développement des biocarburants de 2e génération. Le soutien sur le marché intérieur de ces acteurs leur a permis de prendre de l’avance et ils font désormais l’essentiel de leur business à l’export.

On peut noter que dans le « Cleantech index », indice de référence des entreprises Cleantech cotées, on trouve autant d’entreprises Danoises que Françaises et que dans le dernier top 100 des start-up Cleantech fait par le Guardian il y avait 2,5 fois plus d’entreprises Danoises que Françaises, ce qui peut sembler surprenant au vu des poids respectifs des économies des deux pays.

Etat des lieux aujourd’hui

Si la part des énergies renouvelables est passée de 0 à 30% depuis les années 70 (dont les 2/3 du fait de l’éolien), le mix électrique danois reste à 70% d’origine fossile. Si les Danois consomment en moyenne 20% d’énergie de moins que les Français (cf. tableau suivant), les émissions de CO2 par habitant des Français sont inférieures de 35% à celles des Danois, pénalisés par leur électricité encore très carbonée. Si l’on raisonne en émissions de CO2 par unité de PIB (PIB danois par habitant supérieur de 40% au PIB français), l’écart n’est plus que de 10% en faveur de la France. Il n’est reste pas moins que le Danemark n’est pas encore au bout du chemin. Il est intéressant de noter que malgré une production de pétrole et de gaz désormais supérieure à ses besoins énergétiques intérieurs, le développement des énergies renouvelables s’est poursuivi de façon significative.

Perspectives

La commission climat mise en place par le gouvernement a estimé que le pays devait et pouvait devenir 100% ENR ou au moins zéro carbone, avec ENR et CCS (capture et stockage du CO2) en 2050.

Pour atteindre cet objectif, au côté des efforts continus en termes d’efficacité énergétique, les grands chantiers énergie/climat sur lesquels le Danemark se concentre aujourd’hui sont :

  • Eolien offshore : les sites « sur terre » étant tous occupés, la poursuite du développement éolien se fera, et se fait déjà, en mer.
  • Biocarburant de 2e génération : production d’éthanol lignocellulosique ou de biodiesel à partir de résidus agricoles sous l’action notamment d’enzymes
  • Voiture électrique : le déploiement à grande échelle de véhicules électriques est en préparation avec Renault et Better Place. Non soumis à la taxe automobile de 180%, ces véhicules seront vite compétitifs. (Ça n’est évidement intéressant d’un point de vue climat qu’avec une électricité bas carbone)
  • Capture et stockage du CO2 (CCS) : c’est un sujet majeur pour un pays gros consommateur d’énergies fossiles pour sa production électrique
  • D’autres filières comme les énergies marines, la gazéification de biomasse, les piles à combustible et systèmes smart grid font aussi l’objet d’efforts de R&D importants

Synthèse

La réputation d’excellence du Danemark en matière énergie / climat n’est pas usurpée : c’est le pays européen aux performances les meilleures en termes d’efficacité énergétique par unité de PIB et il a réussi à augmenter la part des ENR de 0 à 30% dans son mix électrique depuis les années 1970. Partant de loin (99% fossile) et ayant refusé le nucléaire, le pays est pénalisé dans ses performances climat par son électricité très carbonée, du moins en attendant que leur vision 2050 : « électricité zéro carbone » ne prenne forme.

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