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Niveaux du séisme et du tsunami du 11 mars 2011 au Japon et sur la centrale deFukushima

jeudi 1er septembre 2011, par Jacky Rousselle (ECL 81)

Le Japon a subi le 11 mars 2011 le trem-blement de terre le plus intense depuis 140 ans d’enregistrements sismiques dans l’archipel. Il a été suivi par un tsunami qui a dévasté la côte nord-est de l’île de Honshu et a entraîné l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima Daiichi.

L’objet de cet article est de présenter d’après les données japonaises, globalement, puis sur la centrale de Fukushima Daiichi et Daini, le séisme et le tsunami du 11 mars, afin d’en tirer le retour d’expérience.

1.Séisme de Tohoku du 11 mars 2011 :

1.1 Caractéristiques du séisme

Le séisme a eu lieu le vendredi 11 mars 2011 à 14h 46mn 23s heure locale (5h 46mn 23s UTC). Son épicentre était situé à 130 km à l’est de Sendai, dans la région de Tohoku, au niveau de la fosse du Japon et à l’est de l’arc du Japon, zone de subduction entre la plaque Pacifique et la Plaque Eurasie. La faille active s’est rompue sur plus de 400 km et cette longueur est corrélée à la magnitude (1) de ce séisme estimée de 8,9 (source USGS- NEIC) à 9,1 (source Global CMT Project). Les japonais attendaient dans la région la répétition de séismes de magnitude 7,8 maximum (pour 8 dans la conception initiale) et avec des zones de rupture sur 50 à 100 km.
Les répliques sismiques nombreuses (par dizaines) qui se sont succédées ne sont pas présentées car elles étaient de magnitude moindre que l’événement du 11 mars. Il est seulement mentionné les deux plus fortes de ces répliques. Une première réplique très puissante s’est produite juste après le séisme du 11 mars au large de la préfecture d’Ibaraki, au nord-est de Tokyo et de niveau entre 7,4 et 7,7. Une seconde réplique de magnitude 7,4 a eu lieu le 7 avril 2011 à 23h 32 heure locale avec un foyer (38,2° N, 142,0° E) éloigné d’environ 40 km de la côte de la préfecture de Miyagi et sans tsunami (avec levées des alertes).

1.2 Enregistrement du séisme au niveau de la centrale de Fukushima

Le 1er avril 2011 l’exploitant TEPCO a communiqué via NHK News les accélérations mesurées par les sismomètres du site. Les valeurs sont les suivantes :

- Réacteurs du site de Fukushima Daiichi

Les valeurs communiquées pour l’ensemble des réacteurs du site de Fukushima sont résumées dans le tableau page précédente.
Le réacteur n°2 a subi la plus grande accélération horizontale de sol : 550 gals soit 5,50 m/s². Ce ni-veau est 26% plus élevé que la valeur de conception, soit 437 gals.

- Réacteurs du site de Fukushima Daini

Les enregistrements ont montré que les 4 réac-teurs ont subi des niveaux d’accélération sismique horizontale de sol proches ou en dessous du niveau de conception
L’exploitant TEPCO a précisé que les réacteurs avaient fait l’objet d’une réévaluation sismique par le gouvernement japonais il y a 5 ans et qu’ils avaient entrepris des travaux pour renforcer la résistance des réacteurs à un niveau d’accélération horizontale de 600 gals (6 m/s²) mais à la date du 11 mars 2011 ces travaux n’étaient pas achevés. La conception initiale était basée sur un séisme de magnitude 8 (437 à 453 gals d’accélération horizontale de sol selon les valeurs du tableau (2)).

2- Tsunami suivant le séisme du 11 mars 2011 (au moins 20.000 morts et disparus)

2.1 Caractéristiques du tsunami .

Le séisme du 11 mars a engendré à son foyer une élévation brutale du fond marin d’environ 5 mètres (3) puis le long de la faille rompue. Ce qui a généré le plus puissant tsunami au Japon depuis celui de 1896 sur la même côte. Les vagues deviennent de plus en plus hautes au fur et à mesure qu’elles se rapprochent des côtes et rencontrent des profon-deurs d’eau plus faibles. Ainsi, elles ont causé des vagues d’au moins 10 mètres de hauteur sur une grande étendue côtière. Une première estimation de la hauteur de vague la plus élevée de 37,9 m a été relevée à Miyako (préfecture d’Iwate) à 200 m à l’intérieur des terres (4) (5). Dans la même préfec-ture dans une autre ville côtière à Ofunato - région Ryouri, le tsunami de 1896 avait atteint la hauteur de 38,2 m suite au séisme de Meiji-Sanriku du 15 juin 1896 de magnitude estimée à 8,5. (6)

Une campagne d’investigation menée par le ‘2011 Tohoku Earthquake Tsunami Joint Study Group’ composé de 150 chercheurs et ayant relevé 5000 sites a montré que le tsunami du 11 mars 2011 avait atteint dans le district Omoeaneyoshi de Miyako environ la hauteur de 40,5 mètres au dessus du niveau de la mer. Une hauteur de vague de plus de 30 mètres a aussi été constatée dans les ports de la préfecture d’Iwate à Kamaishi, Ofunato, Kuji et Noda et aussi à Onagawa dans la préfecture de Miyagi. Le niveau dépassa aussi 10 mètres dans des zones des préfectures Aomori, Fukushima et Ibaraki.(7)

2.2 Enregistrement du tsunami au niveau de la centrale de Fukushima

Le 22 mars puis le 9 avril 2011 l’exploitant TEPCO a communiqué via NHK News l’enregistrement du tsunami au niveau de la centrale de Fukushima. Après inspection des murs coté mer des bâtiments réacteur et salles de machine des centrales de Daiichi , il a été trouvé que le niveau de l’eau avait atteint 15 mètres au dessus du niveau de la mer. La hauteur de vague de tsunami de conception est de 5,7 m pour les réacteurs de Daiichi et de 5,2 m pour Daini.

Les bâtiments réacteur et turbine sont installés sur une plate-forme de 10 à 13 m au dessus du niveau de la mer. TEPCO a confirmé que les 6 réacteurs de Daiichi ont été inondés par plus de 5 mètres d’eau de mer et ces centrales ont perdu les pompes d’eau de mer, les alimentations électriques externes et les diesels de secours, ce qui a entraîné les pertes de refroidissements de cœurs de réacteur et leur fusion.

Il faut rajouter l’effet éventuel d’une subsidence de la côte suite au séisme (pas évalué à Fukushima à ce jour mais estimé à 1 mètre à la centrale d’Onagawa).

Localisation du séisme Mw8.9 du 11 Mars 2011 (source CSEM) par rapport à la centrale de Fukushima.

3- Conclusions

Concernant la prise en compte du séisme pour la conception de la centrale de Fukushima, les japonais ont initié en 2005 une réévaluation sismique à la suite du séisme de Kobe de 1995 et sans doute à la suite du séisme de Sumatra de 2004. La région avait déjà subi des séismes d’au moins de magnitude 8 et il n’y avait pas de marge à cet égard dans la conception initiale. Néanmoins, les installations ont bien résisté aux sollicitations du séisme du 11 mars puisque malgré certains dépassements des niveaux de conception, les centrales en exploitation ont toutes été mises à l’arrêt avec les chutes de grappes.

Pour le dimensionnement au tsunami, il convient de ne pas utiliser les hauteurs maximales de tsunami historiques car il y a des effets amplificateurs dus à la géométrie locale (rias,…) mais il convient de prendre beaucoup de marges localement. Car il n’y a en fait pas forcément linéarité entre le niveau de magnitude et le niveau du tsunami. Les japonais justifiaient le dimensionnement de la centrale par l’application des règles de la méthodologie de 2002 de la JSCE (Japan Society of Civil Engineers) qui ont conduit à cette valeur de hauteur de 5,7 m du tsunami largement inférieure à la hauteur locale de 15 m du tsunami du 11 mars 2011.

(1) C’est une magnitude de moment sismique (Mw) Les sismologues évaluent non plus la magnitude de fort séisme selon la magnitude de Richter (calculée selon le logarithme de l’amplitude d’ondes sismiques) mais d’après la magnitude de moment sismique qui est corrélée à la longueur totale rompue de la faille et aussi à la durée du séisme. Elle est plus représentative de l’énergie globale sismique que la magnitude de Richter.

(2) Ces valeurs n’ont pas été communiquées par les japonais mais elles ont été calculées par l’auteur de ce présent article d’après les valeurs du tableau.

(3) Données collectées par un capteur de pression d’eau posé sur le fond marin à 5800 m de pro-fondeur d’eau et localisé à 200 km au large de la côte de la préfecture de Miyagi près du foyer du séisme - équipe de recherche conduite par Ryota Hino, professeur associé du Centre de Recherche pour la Prévision des Séismes et Eruptions Volcaniques de l’Université de Tohoku. - source NHK News 1/4/2011.

(4) Miyako au sein de la préfecture d’Iwate est à une distance de 270 km environ au Nord de Fukushima. La préfecture d’Iwate couvre la partie NNE de l’île Honshu, île principale du Japon. Miyako est situé presque à l’extrémité d’un long golfe très étroit de 2,5 km de largeur, à 5 km de la côte courante. Cette géomorphologie peut expliquer la hauteur locale du tsunami par des effets amplificateurs.

(5) NHK News 3/4/2011 - Equipe Professeur Associé Yoshinobu Tsuji - Université Tokyo - Earthquake Research Institute – Division of Disaster Mitigation Science
http://www.eri.u-tokyo.ac.jp/eng/disasterindex.htm

(6) source :
http://eost.u-strasbg.fr/Documents/seismeMw8.9-11mars2011-JV.pdf

(7) source : The Mainichi Daily News
http://mdn.mainichi.jp/mdnnews/news/20110716p2a00m0na018000c.html

Sources : NHK News, TEPCO Tokyo Electric Power Company, National Geographic hors-série numéro 10 – La Terre en colère, Pascal Bernard – sismologue Institut de Physique du Globe de Paris.

Retrouvez également cet article dans leFlash n°25

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