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Climat et économie – Copenhague 2009

dimanche 1er novembre 2009, par Christiane Drevet (ECN 65), Emmanuel Meneut (ECM 90)

Cet article reprend le thème du débat du 30 septembre 2009 de Centrale-Energies sur le sujet (planches d’A. Bonduelle du RAC-F et de J. Ch. Hourcade du CIRED à disposition à www.centrale-energies.fr) , en l’enrichissant d’une analyse rapide du contexte actuel des négociations.

Rappel préalable sur les résultats du GIEC

Les évaluations du changement climatique à 2100, selon divers scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (GES), compilées dans le dernier rapport du GIEC 2007 (cf flash n°9), ont servi de base aux diverses propositions en vue des discussions de l’ONU du 8 au 17 décembre prochain à Copenhague (COP 15). L’objectif est d’établir un accord « climat » international ambitieux et contraignant de réduction des émissions de GES, devant prolonger le protocole de Kyoto, à partir de 2012.

Pourquoi diminuer les GES

Au-delà des multiples effets du changement climatique, le scénario d’une augmentation admissible de +2°C à l’échéance 2100 de la température moyenne du globe est celui proposé par le GIEC dans ses recommandations. En effet, au-delà de ce seuil, il a chiffré les différents risques pour l’humanité, repris dans la figure ci-dessous, risques pouvant porter en germe de graves déstabilisations de la communauté internationale.

Ne pas dépasser +2°C à l’horizon 2100 (soit plafonner la concentration des GES, en eq CO2, à 450 ppm dans l’atmosphère à cette échéance), imposera un chemin mondial global des émissions annuelles de GES (courbe rouge « urgence 2°C » ci-contre), avec différents jalons en 2020, 2035, 2050, etc. On y relève en particulier, pour 2050, une baisse nécessaire de près de 85% des émissions mondiales annuelles de GES par rapport à 2000. Mais le bilan de la réduction des émissions de GES de quelques pour cents, obtenus par le protocole de Kyoto, montre bien que l’accord visé à la COP15 doit inclure maintenant les pays du Nord et du Sud. La trajectoire globale d’émissions annuelles a été ainsi « partagée » ci-dessous pour les pays du Sud et du Nord, selon les principes d’équité définis par l’ONU (capacité à agir et responsabilité selon les émissions cumulées antérieures de chacun des pays)

L’enjeu de la COP 15, c’est bien de rendre cette trajectoire contraignante pour tous. C’est une réalité politique que les pays du Sud ne peuvent accepter, car cette contrainte est ressentie comme une entrave à leur développement et à leur pression démographique. Il sera de l’intérêt des pays du Nord, comme gage de paix future, de les aider à ce développement « de façon vertueuse », en respectant un chemin de « GDR » (green development rights), avec des transferts de technologies propres, ne serait-ce que pour minimiser leur propre et nécessaire décroissance. C’est ainsi le sens de la trajectoire d’émissions du Sud plafonnant vers 2020, avant de décroître rapidement. C’est aussi la raison de la nécessité du soutien des pays du Nord aux efforts d’atténuation et d’adaptation des pays du Sud, sous des formes négociables, et c’est bien là tout le nœud de l’affaire. Il est clair, qu’en l’absence de telles aides, les pays du Sud tels que la Chine, continueront sur la lancée fulgurante de la croissance de leurs émissions de GES, avec les conséquences graves liées au dépassement des seuils énoncées ci-dessus en préalable, conséquences dont ces pays sont eux-mêmes complètement conscients. En effet, le risque le plus important pour eux en matière de crises liées à l’environnement est la remise en cause de l’autorité de leur Etat et de la légitimité de leur gouvernement

Et l’Europe dans tout ça ?

Le chemin qu’elle a entériné par un vote du paquet-climat-énergie en décembre dernier, par co-décision du Conseil de l’Union Européenne et du parlement Européen, constitue un jalon dans le parcours de la réduction des GES, pour ne pas dépasser les + 2°C en 2100. La visée d’une réduction en 2020 de 20% des émissions européennes domestiques par rapport à 1990, voire de 30% en cas d’accord international satisfaisant en fin d’année, est un signal fort qui devrait peser dans l’issue des négociations de Copenhague 09, mais aussi pour l’Europe elle-même, en lui permettant de minimiser à terme les coûts de lutte contre l’effet de serre par rapport à l’inaction, et en donnant aux acteurs économiques des incitations puissantes à respecter le critère environnemental, dans leurs choix d’investissements, de consommations ou de modes de vie. Notons que cet objectif est assorti à la même échéance d’une part de 20% d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale et d’une amélioration de 20% de l’efficacité énergétique. La difficulté a évidemment résidé dans la recherche de la mutualisation des efforts à 27 de manière équitable et réalisable.

Le graphique ci-dessus reprend le chemin déduit pour l’Europe, à partir des principes d’équité définis par l’ONU. On y voit que la réduction de 30% des GES en 2020 n’est pas très éloignée des efforts domestiques à faire, mais on peut y voir aussi l’ordre de grandeur de ceux que l’Europe devrait consentir également pour les pays du Sud, aussi important que le précédent.

Comment résoudre l’équation dans un contexte de récession économique mondiale ?

Si accord il y a, ou une base d’accords en perspective à Copenhague, la fixation d’un seuil d’émission global, puis d’un prix résultant de la tonne de C, seraient des signaux forts et nécessaires pour asseoir des stratégies de développement économique futur « vertueuses ». Cela concernerait les entreprises qui pourraient ainsi évaluer les externalités associées et les intégrer dans leur gestion, mais concernerait aussi, pour les pays en émergence et les PED, leurs propres investissements (infrastructures, équipements,…..) .

Selon Jean-Charles Hourcade du CIRED, il serait possible de s’appuyer sur le contexte actuel de crise financière pour réorienter l’épargne existante de ces pays vers ces investissements, de l’ordre de 200 à 400 giga dollars en 2030. Il s’agirait de substituer des produits « low cost » très polluants par des produits à consommation énergétique moindres. La combinaison dans ce cas de taxe carbone et fiscalité permettrait d’orienter dans ce sens leur épargne. Au centre de ce dispositif, se situerait la diffusion des progrès des technologies au Nord vers les pays du Sud, avec les droits actuels de propriété intellectuelle à rénover, pour faciliter ces transferts.

Selon Jean Tirole de l’Université de Toulouse, la réussite de la COP 15 serait la construction d’un système de quotas de GES mondial permettant un prix unique du carbone, ce qui minimiserait pour tous les coûts de transaction. La persuasion des pays réticents à participer à ce marché unique pourrait passer par l’allocation initiale de larges quotas, dont une part pouvant être attribuée gratuitement. Cependant, pour chacun des acteurs, c’est bien l’intérêt national qui resterait dominant, cela devrait donc nécessiter la mise en œuvre de mécanismes de sanctions juridique et financière, tels que la suspension des permis d’émissions et leur transformation en créances recevables par le FMI, avec un couplage des accords de l’OMC et environnementaux.

La Chine, premier émetteur de GES en 2007, avait déjà décidé, dans son 11ème plan quinquennal 2006-2011, d’un objectif de réduction de son intensité énergétique (consommation énergétique par unité de PIB) de 20% par rapport à 2005 ; avec cependant des difficultés d’application au niveau local, par manque de financement du gouvernement à la hauteur des sacrifices demandés aux populations, mais aussi au niveau des entreprises, du fait de leur compétitivité et des interdépendances liées à la mondialisation. La Chine revendique actuellement : des possibilités de financement par les pays développés, des droits de propriété intellectuelle rénovés pour faciliter les transferts de technologie, et le maintien de mécanismes de développement propres (MDP). Mais, surtout, elle pose comme un pré-requis l’engagement des USA .

Le système énergétique des USA, quant à lui, est pour l’instant, largement tributaire des énergies fossiles. Ils ont en effet la place de premier, en termes d’émissions annuelles de CO2 par tête, soit 20 tonnes, l’UE en étant à 10 tonnes, et la Chine à 5 tonnes. La nouvelle administration lance maintenant une politique environnementale ambitieuse avec le National Recovery Act concernant 150 milliards de dollars d’investissement sur la prochaine décennie. Au centre de cette politique se trouve la prééminence du progrès des technologies et leur transfert vers les pays du Sud. Cependant, les USA refusent pour l’instant de baser les objectifs de réduction sur les niveaux de richesse, ils souhaitent affirmer leur souveraineté nationale dans l’adaptation de leur propre système économique, les transferts de technologie et la réforme des MDP. L’engagement de la Chine est également pour eux un pré-requis incontournable.

Ces deux acteurs majeurs préparent activement la COP15, et l’accord qui pourra s’établir traduira la réalité du rapport de force économique et politique entre ces deux puissances, au moins pour la prochaine décennie.

Parallèlement, d’autres pays, tels la Russie, le Mexique, le Brésil et l’Inde ont eux-même mis en route ou proposé des programmes d’action. Un fonds mondial dédié aux actions d’atténuation et d’adaptation a été proposé par le Mexique. Récemment, le Brésil et la France se sont associés pour proposer un plan d’action vers les pays les plus pauvres, en particulier l’Afrique.

Vous pouvez retrouver cet article dans le Flash n°14

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