L’amont et l’aval du cycle nucléaire dans le monde
mercredi 1er juillet 2009, par ,
Devant les problématiques liées au dérèglement climatique, à la sécurité des approvisionnements énergétiques dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles, le nucléaire reste une des composantes incontournables du « mix » énergétique des pays industrialisés et émergents. Dans ce contexte de relance du nucléaire au niveau mondial, il paraît important de rappeler les différentes étapes du cycle de gestion du combustible nucléaire et d’en préciser les faits marquants et les perspectives.
Le cycle du combustible nucléaire va de l’extraction du minerai (uranium) jusqu’à la gestion des déchets engendrés par l’exploitation des centrales.
Il existe aujourd’hui dans le monde deux grandes typologies de gestion du combustible nucléaire :
sans recyclage, dit cycle ouvert : le combustible irradié est considéré comme un déchet ultime
avec recyclage, dit cycle fermé : les matières valorisables (uranium et plutonium) sont recyclées dans la fabrication de nouveaux combustibles comme le combustible MOX pour le plutonium.
L’uranium, un minerai présent sur la surface du globe, mais dont les réserves connues nécessitent d’être ré-estimées
L’uranium est un métal lourd radioactif, présent un peu partout sur terre, dont l’isotope 235 est fissile. 40 à 45 000 tonnes de ce minerai sont extraits chaque année dans le monde, notamment au Canada (25% de la production mondiale) et en Australie (19%).
Après extraction, le minerai est transformé en « yellow cake » pour permettre de réaliser l’opération de conversion en vue de la fabrication des combustibles.
Le coup de frein donné à la filière nucléaire dans les années 80 suite à la catastrophe de Tchernobyl, a également naturellement ralenti les études de prospection approfondies des réserves d’uranium. La relance du nucléaire dans le monde nécessitera à court terme de mieux estimer les réserves d’uranium disponibles.
Des procédés industriels d’enrichissement de l’uranium aux mains d’un nombre limité de sociétés
Pour être utilisé dans les réacteurs à eau légère REP et REB, il est nécessaire d’enrichir au préalable l’uranium. Seule la filière des réacteurs à eau lourde (CANDU) développée par le Canada ne nécessite pas d’enrichissement préalable.
L’étape d’enrichissement consiste à faire passer la proportion d’isotope 235 fissile d’environ 0,7% à une proportion comprise entre 3 et 6%. Cette étape se fait aujourd’hui selon deux procédés industriels :
diffusion gazeuse (ex : Usine Eurodif en France) qui a l’inconvénient d’être très énergivore ;
ultracentrifugation (ex : Usine Georges Besse II en France, qui vient d’être inaugurée) qui consomme 50 fois moins d’énergie que la précédente.
D’autres procédés d’enrichissement sont en cours d’étude.
Les capacités d’enrichissement d’uranium sont principalement réparties en Russie (37%), aux USA (28%) et en France (27%). Les sociétés leaders dans l’enrichissement d’uranium sont : AtomEnergoProm/TENEX (Russie), USEC (USA), AREVA (France), URENCO (Allemagne, Pays-Bas et UK).
La préparation du combustible nucléaire
L’uranium enrichi est ensuite traité pour fabriquer le combustible nucléaire. Il s’agit de donner aux matières nucléaires la forme physico-chimique adéquate pour l’exploitation en réacteur (constitution des crayons, mis en réseau dans des assemblages combustibles).
L’entreposage intermédiaire
Une fois utilisé, le combustible irradié est entreposé environ un an dans la piscine dédiée du bâtiment combustible de la centrale. L’eau assure les rôles de radioprotection et de dissipateur thermique. Le combustible est ensuite entreposé pendant une période de quelques années (3 à 7 ans en moyenne à la Hague) en piscine avant d’être traité. Le combustible peut faire également l’objet d’un entreposage à sec (châteaux dont les parois épaisses protègent des radiations) pendant des périodes plus longues (cas notamment des USA, de la Suisse, de la Belgique et de l’Allemagne).
Le traitement du combustible irradié : des capacités concentrées dans quelques pays uniquement
Le traitement du combustible irradié consiste à séparer les matières valorisables (uranium faiblement enrichi et plutonium) des déchets ultimes (produits de fission et actinides mineurs). Pour ce faire, le procédé PUREX est généralement utilisé. Cette extraction liquide-liquide permet de séparer les matières valorisables des déchets qui sont alors calcinés puis vitrifiés. D’autres procédés sont actuellement en cours de développement.
Pour les réacteurs à eau légère, les capacités mondiales de retraitement sont concentrées en France (la Hague, 1700 t/an), au Royaume-Uni, en Russie et au Japon, soit environ 3000 tonnes de combustibles recyclables par an.
L’entreposage à long terme
Une fois traités, les déchets radioactifs conditionnés sont entreposés dans des ouvrages en surface ou sub-surface pour une durée pouvant être de l’ordre du siècle voire de plusieurs siècles, en attente d’un stockage définitif.
Des recherches sont actuellement en cours pour stocker les déchets au sein de couches géologiques profondes, solution retenue notamment par la France. Par ailleurs, des travaux sont en cours pour permettre de signaler de manière universelle et « intemporelle » aux générations futures la présence de ces sites.
Les différentes stratégies pour la gestion du combustible irradié
Des pays comme la Suède et le Canada ont opté pour le cycle ouvert, c’est-à-dire qu’ils ne retraitent pas le combustible usagé. La filière choisie est dès lors structurante sur les déchets produits : un réacteur REP produit plus de déchets de faible activité mais moins de déchets de haute activité qu’un réacteur REB ou CANDU.
D’autres, comme la France, ont fait le choix de recycler le combustible irradié (recyclage du plutonium lors de la fabrication du combustible MOX).
Les réacteurs REP actuels peuvent fonctionner avec 30% de MOX. Le réacteur EPR est quant à lui conçu pour fonctionner avec 50% de MOX.
Le MOX irradié doit néanmoins être entreposé pendant une durée un peu plus longue que les autres combustibles.
Enfin, de nombreux pays (Royaume-Uni, France, Russie…) mettent en place des programmes de recyclage de l’uranium retraité : l’uranium est extrait du combustible irradié et ré-enrichi ou non pour la fabrication de nouveaux combustibles. Ceci est d’autant plus intéressant lorsque les prix de l’uranium sont élevés.
La gestion du combustible nucléaire comporte des risques connus de tous notamment de prolifération. Ils font l’objet de dispositions particulières (traité de non prolifération, contrôles des autorités de surveillance…). Par exemple, un pays qui souhaite produire de l’énergie d’origine nucléaire en achetant la technologie auprès des pays la détenant doit s’engager à respecter des usages strictement civils et à se soumettre aux contrôles de l’AIEA.
Les perspectives sur l’amont et l’aval du cycle nucléaire
A moyen terme (2030-2040), les générateurs de génération IV devraient notamment permettre d’optimiser les ressources d’uranium utilisées, de diminuer significativement les déchets produits et d’éviter la prolifération. D’ici là, le stockage au sein de couches géologiques profondes sera développé.
A l’horizon du siècle prochain, une nouvelle source industrielle d’énergie pourrait être disponible : la fusion nucléaire, réaction qui, sur le principe, ressemble à celle existant au cœur du soleil. Le projet ITER, en cours, réunit 34 pays autour d’un programme de R&D de plusieurs décennies destiné à démontrer la faisabilité technique et scientifique d’utiliser l’énergie de fusion comme une future source de production d’énergie. Les premières bases seront alors posées pour démontrer la faisabilité industrielle de la production d’électricité par fusion.
En attendant ces évolutions, l’opinion européenne évolue en faveur du nucléaire (44% d’opinions très favorables et favorables en 2008 [1], soit +7% en deux ans), notamment parce qu’elle ne produit pas de CO2. Toutefois, la gestion des déchets nucléaires est un sujet qui continue à préoccuper l’opinion publique européenne et sur lequel il est nécessaire de communiquer.
Cet article est aussi disponible dans le Flash n°12
Notes
[1] Eurobaromètre Spécial « Attitude à l’égard des déchets radioactifs » de juin 2008 »
[1] Eurobaromètre Spécial « Attitude à l’égard des déchets radioactifs » de juin 2008 »