Accueil > Publications > La capture et la séquestration du CO2

La capture et la séquestration du CO2

mardi 22 avril 2008, par Frederick Lockwod (ECP01)

La capture et la séquestration du C02 (dioxyde de carbone) est un sujet dont on entend de plus en plus parler. Pourtant, il reste relativement peu connu du grand public. De quoi s’agit-il et pourquoi serait-il nécessaire ?

L’incontournable énergie fossile
Aujourd’hui, environ 80% de notre énergie primaire provient des sources fossiles. Pourtant, les énergies renouvelables telles que l’éolienne et le solaire font de plus en plus parler d’elles. Cela signifie-t-il que l’ère des énergies fossiles sera bientôt terminée ? Selon l’Agence Internationale de l’Énergie la réponse est non. Son World Energy Outlook 2007 prévoit en effet que la dominance des énergies fossiles se poursuivra pendant les décennies à venir. La capture et la séquestration du CO2 apparaissent comme une façon de réduire les émissions de CO2 dans ce contexte énergétique.

Le principe

Qu’est-ce que la capture et la séquestration du CO2 ? Réduit au plus simple, il s’agit de séparer le CO2 d’un flux de gaz sortant d’une installation industrielle (centrale électrique, cimenterie, haut fourneau, etc) et de le transporter ensuite vers une formation géologique où il est injecté pour stockage définitif. Attardons-nous sur chacune de ces étapes.

La capture
Il existe trois « familles » de procédés de capture de CO2 : la post combustion, la pré-combustion et l’oxycombustion.

Dans la post-combustion, une unité de séparation de CO2 est placée sur l’effluent gazeux d’une installation industrielle sans qu’elle soit modifiée. L’unité de séparation consiste en général en un lavage par un solvant chimique. Le CO2 réagit chimiquement avec la solution et par conséquence est séparé des autres espèces, principalement le N2 (azote), qui provient de l’air utilisé pour la combustion. Puis, une opération de chauffage permet de régénérer le solvant et de libérer le CO2.

La première étape d’un procédé de pré-combustion est la gazéification du charbon pour produire un mélange de CO et de H2 (hydrogène) sous pression. Puis, le CO est transformé en CO2 par réaction avec de l’eau. Ce mélange est ensuite séparé en CO2 et H2 par un solvant physique dans lequel le CO2 se dissout de manière préférentielle. Le H2 est brûlé dans une turbine pour produire de l’électricité.

La troisième famille est l’oxy-combustion. Le combustible y est brûlé à l’oxygène pur. Les fumées produites sont riches en CO2 car il n’y a pas d’effet de dilution par le N2. L’étape de séparation de CO2 est ainsi largement simplifiée et moins coûteuse.

Le transport
Il est envisagé de transporter le CO2 vers son lieu de stockage soit par bateau, soit par pipe. Les deux méthodes s’emploient d’ores et déjà dans l’industrie. Il existe déjà un réseau important de pipes aux Etats-Unis ( 2500 km) pour acheminer du CO2 ( 50 Mt/an) vers les puits où il est utilisé pour extraire davantage de pétrole. Les bateaux sont utilisés pour transporter le CO2, dit « marchand » qu’on trouve par exemple dans une bouteille de Perrier.

Le déploiement massif de la capture et de la séquestration du CO2 nécessiterait une infra-structure importante pour le transport qui ne serait pas sans défis. Cependant, les technologies nécessaires sont déjà bien connues.

La séquestration
Pourquoi le CO2 pourrait-il être stocké définitivement sous terre dans des formations géologiques ? D’abord, il convient de savoir qu’il existe déjà des gisements de CO2 naturels où le CO2 reste piégé depuis des millions d’années. Deuxièmement, avant leur exploitation, les hydrocarbures ont pu être retenus pendant des millions d’années par les formations géologiques. La Terre a ainsi déjà démontré qu’elle est capable de piéger des gaz et des liquides pendant des périodes très longues. Le défi concernant le stockage est de comprendre suffisamment bien le comportement du CO2 dans le sous-sol pour repérer les endroits où il restera piégé par une roche de couverture très étanche.

Trois types de stockage sont actuellement à l’étude. Le stockage dans les champs de pétrole/gaz épuisés (avec éventuellement une récupération assistée par le CO2 injecté), dans les aquifères salins et dans les veines de charbon profondes. Des trois, le premier est de loin le plus connu. En effet, on injecte déjà le CO2 dans les puits de pétrole pour améliorer le taux de récupération. Les deux autres sont à l’étude et ont fait l’objet de pilotes.

En termes de capacité, on estime à au moins 2000 Gt le potentiel de stockage au monde et certaines estimations sont beaucoup plus élevées. En comparant ce chiffre avec les émissions mondiales de CO2 actuelles, de l’ordre de 27Gt, on voit que la capacité ne devrait pas poser de problème. De plus, les sites de stockage sont souvent près des grands émetteurs.

Les projets dans le monde
Des efforts importants de recherche sont actuellement menés pour comprendre le comportement du CO2 dans le sous-sol et développer des procédés de capture efficaces et fiables. En particulier, il existe aujourd’hui trois grands projets pilotes dans le monde (et d’autres à moins grande échelle) : Sleipner en mer du nord (Norvège), Weyburn (Canada) et In Salah (Algérie). Dans chacun environ 1 Mt de CO2 est injecté par an. A Sleipner, il s’agit d’un aquifère salin, à Weyburn d’un champ de pétrole et à In Salah d’un champ de gaz. En France, un pilote de démonstration est prévu à Lacq dans le Sud-Ouest. Il s’agit d’un procédé d’oxy-combustion (30 MW) avec stockage de CO2 dans un champ de gaz épuisé. Le projet est mené par TOTAL, avec Air Liquide en tant que partenaire.

Perspectives
La capture et la séquestration du CO2 se présentent comme une façon prometteuse de réduire les émissions de CO2 dans le monde, malgré le rôle important que les énergies fossiles vont continuer de jouer dans les décennies à venir. Concernant la partie capture, en passant par des unités pilotes, il reste à démontrer la faisabilité de la technologie à l’échelle industrielle et à réduire son coût. Pour la séquestration, il faudra s’assurer du comportement du CO2 dans le sous-sol à travers les nombreux tests en cours et à venir. Avec des moyens de plus en plus importants mis en œuvre à ses fins, nous pouvons espérer que la filière finira par contribuer de manière significative à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

n.d.l.r. : La commercialisation d’un tel processus devrait vraisemblablement être possible aux alentours de 2020, alors que la part des émissions mondiales de C02 dues au charbon, sont déjà, dès aujourd’hui, en nette progression.

Retrouvez cet article dans le Flash N°4

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.