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L’énergie dans le bâtiment - Vers quoi allons nous avec le Grenelle de l’Environnement ?

vendredi 22 février 2008, par Patrice Cottet (ECP 74)

"Je ne veux pas isoler les combles, car je ne sais pas si je vais rester longtemps dans cette maison". Ou encore "Je ne veux pas qu’on isole la maison, car mon mari frileux pousse le chauffage au maximum, et j’ai trop chaud ! Alors si on isole, ce sera pire"
Ces situations vécues nous montrent le chemin qu’il reste à faire pour baisser la consommation d’énergie du bâtiment en France ; car quoi qu’on en dise, tous les efforts effectifs d’aujourd’hui portent sur l’amélioration des caractéristiques thermiques du neuf. Or, comme dirait Monsieur de la Palice, 100% de l’énergie dépensée aujourd’hui est le fait de bâtiments existants ! Et les bâtiments actuellement en cours de construction, au rythme de 1% du parc renouvelé par an, sont presque du même tonneau, et seront considérés comme dépassés dès leur mise en service...
Mais pour bien comprendre les orientations futures dévoilées lors du Grenelle de l’environnement, il est important de comprendre et d’illustrer l’actuelle règlementation thermique ; pour cela, la présentation sera volontairement simplifiée, les spécialistes pourront se tourner vers les règlements complets.
La base, c’est de comprendre ce qu’on appelle la CEP - la Consommation en Energie Primaire - et quelles en sont les composantes. En effet, cette base des règlementations thermiques consiste à dire "qu’importe les moyens, seul le résultat compte" : on fixe une valeur de Cep max, qu’un bâtiment neuf ne doit pas dépasser. A titre d’illustration, pour l’Ile de France, cette valeur vaut actuellement 130 kWh par mètre carré habitable et par an. Pour déterminer cette valeur :

  • on calcule l’énergie nécessaire pour équilibrer les déperditions qui fuient par l’enveloppe - les parois, ponts thermiques, ouvertures, plafond, plancher - par l’aération, donc l’air frais qu’on fait rentrer par la ventilation et qu’il faut réchauffer, pour l’eau chaude, pour l’éclairage (dans le cas du tertiaire), et pour la climatisation
  • on calcule cette énergie en tenant compte de la température extérieure au cours d’une année moyenne, d’une température intérieure maximale fixée, et du moyen de chauffage choisi.
  • cela donne une énergie consommée annuelle, énergie que l’on divise par la surface habitable.

La réglementation thermique RT2000 imposait 150 kWh/m²/an ; pour la RT2005, la valeur est de 130, et on allait probablement à 115 pour la RT2010.
Un train de sénateur, donc, sans révolution, car il suffisait de rajouter 1 cm d’isolant sur les murs et plaisanteries du même acabit sur les autres caractéristiques, pour passer d’une règlementation à l’autre.
Avec le Grenelle, on donne un sérieux coup d’accélérateur pour la règlementation thermique du neuf : on passe des 130 actuels à 50 kWh/m²/an pour 2012, soit un rapport de 1 à 2,6... et 15kWh/m²/an ou même 0 en 2020. Bel effort, mais comme on l’a constaté plus haut, l’énergie gaspillée l’est aujourd’hui dans l’existant ; la moyenne du parc français est de 250 kWh/m²/an et même d’avantage pour les bâtiments tertiaires. Et les objectifs de réduction globale à 220 pour 2012 et 155 pour 2020 laissent, pour le parc existant, un reliquat de production de CO2 très important.
Car la rénovation n’est pas une affaire facile ; il faudra passer en masse par une large utilisation de l’isolation par l’extérieur, de ventilation double flux, de pompes à chaleur, de solaire thermique… autant de domaines pour lesquels la France manque cruellement de spécialistes, handicapée par les habitudes catastrophiques d’isolation par l’ intérieur, l’échec du programme PERCHE (pompe à chaleur en relève de chaudière) des années 1980, la ventilation forcenée imposée depuis 1983…
Si on reprend un à un les composants de la CEP, il faudra :

  • Isoler sérieusement les murs, en supprimant les ponts thermiques, donc adopter une isolation par l’extérieur pour la rénovation ou le neuf, ou par l’adoption de matériaux constructifs isolants pour le neuf, comme c’est d’usage courant en Europe
  • Isoler en sous-face le plancher sur cave, isoler les combles
  • des vitrages performants et des encadrements sans ponts thermiques
  • des ventilations à double flux, couplées à des pompes à chaleur et puits canadiens ; donc gros chantier dans la maison !
  • des chauffe-eaux solaires, et des récupérateurs de chaleur sur eaux usées, technologie inexistante aujourd’hui
  • des pompes à chaleur en remplacement ou en complément de la chaudière existante…

A l’énoncé de cette liste, évidemment partielle, on se rend compte de la difficulté qu’on rencontrera pour rénover le parc existant, notamment les immeubles Hausmanniens, les résidences des années 70, les tours de bureaux, les pavillons individuels de propriétaires aux revenus modestes...Il y a 1,1 millions de logements sans le confort de base, et plus de 60% des 30 millions de logements actuels ont été construits avant le premier choc pétrolier et n’ont pas été rénovés.
Le rapport complémentaire du Grenelle de l’Environnement, paru début janvier 2008, est, heureusement, davantage rentré dans le détail de l’hétérogénéité du parc français ; il propose 44 mesures, dont 9 applicables dans l’année, et met en évidence l’insuffisance du système incitatif actuel. Elle propose, entre autres, de rendre obligatoire la réglementation thermique qui, un comble, ne l’est pas actuellement ; propose de régler les problèmes de répartition "propriétaires-bailleurs" ; autorise le débord sur le domaine public pour permettre l’isolation par l’extérieur mais sans apporter de solution pour le domaine privé ; suggère des prêts bonifiés ; incite puis contraint aux rénovations, notamment dans le tertiaire. Tout cela sera publié, c’est maintenant certain, car le gouvernement est déterminé à avancer maintenant que les intervenants sont arrivés à un consensus.

Dans le secteur du bâtiment, on se trouve actuellement dans une situation analogue à celle de l’énergie : Les énergies renouvelables ont le vent en poupe, mais ne représentent qu’un pourcentage faible du total national. Les projets Bâtiments Basse Consommation sont des projets vitrine, mais il faudra de nombreuses années avant que le parc tout entier atteigne ces niveaux.

Retrouvez cet article dans le Flash N°3

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