COP21 : faut-il applaudir l’accord de Paris ?
lundi 1er février 2016, par
Préambule
Pendant un an avant la COP, les équipes du Ministères des Affaires Etrangères (MAE), mais également les autres ministères, ainsi que Nicolas Hulot ont parcouru la planète pour préparer le terrain et faire bouger les lignes.
Les négociations ont démarré le 30 novembre avec un ballet de chefs d’états venus donner le ton. La première semaine a été consacrée à des questions techniques dont seuls les diplomates débattaient. Tout le travail consistait à supprimer les différentes options présentes dans le texte. Les ministres sont arrivés en deuxième semaine avec comme mission de trancher les derniers points (lesquels étaient en réalité encore beaucoup trop nombreux).
Le 12 décembre, on se donne rendez-vous vers 17h pour l’approbation en assemblée générale. Après 19h, avec plus de deux heures de retard, la séance est ouverte pour la cérémonie d’adoption. Pendant les quelques minutes qui ont précédé le coup de marteau une liste de modifications « techniques » au texte est annoncée par le secrétaire exécutif adjoint de la CCNUCC (Convention Cadre des Nations-Unies sur le Changement Climatique). Parmi ces modifications, un shall est devenu should.
“Shall" in Art 4.4 was an error. Replace with “Should".
Si on avait laissé le mot « Shall » le texte aurait été considéré comme ayant un caractère contraignant et les Etats Unis ne l’auraient alors probablement pas ratifié et il y a fort à parier que la Chine non plus. Le texte ne pouvait alors mathématiquement pas entrer en vigueur, privé de deux pays représentant plus de la moitié des émissions mondiales.
Maintenant, que penser de cet accord ?
Le texte est composé de deux parties : une « décision d’adoption », non soumise à ratification par les Etats, qui a été formellement prise en assemblée générale de la COP et, en annexe, « l’accord de Paris » qui doit être signé par les pays au siège de l’ONU entre le printemps 2016 et le printemps 2017 et ratifié par au moins 55 pays représentant 55% des émissions pour entrer en vigueur. Tout ce qui est dans la « décision » est considéré comme moins contraignant que ce qui est dans l’accord.
La température à ne pas dépasser
Il faut retenir que le texte renforce l’objectif de 2°C pour la hausse des températures en 2100, tout en évoquant celui de 1,5°C. Ce chiffre de 1,5°C est en réalité une concession diplomatique à destination des pays insulaires qui ont déjà les pieds dans l’eau. Malheureusement pour eux, cet objectif est pratiquement inatteignable. Un rapport spécial sera cependant demandé au GIEC pour répondre à cette question.
La trajectoire des émissions
Pour ce qui est du contenu de l’accord, il n’est pas suffisant pour aller vers 2°C : le pic des émissions doit arriver « dès que possible » (sic), ce qui est un peu vague, et l’objectif ensuite est la « neutralité carbone » quelque part pendant la 2e moitié du XXIe siècle. Cette neutralité carbone est définie comme la compensation exacte des émissions par les puits anthropiques (comme la séquestration du carbone).
Certains regretteront cette porte ouverte à la séquestration du carbone mais le GIEC est formel sur le sujet : aucun scénario ne permet de faire le 2°C sans cette technologie !
Ces objectifs de long terme sont-ils compatibles avec les engagements des pays ?
Loin de là. L’ensemble des engagements des pays qui ont été déposés, avant fin octobre pour la plupart, nous mettent sur une trajectoire de 3°C. Ce qui est important, dès lors, c’est d’avoir un rythme de rencontres et de réajustements suffisamment soutenu.
Révision des engagements
Les engagements des pays seront revus tous les 5 ans, et cette révision sera toujours à la hausse. Le premier bilan interviendra dès 2018 et servira de base pour le cycle de révision de 2020 /2025.
L’accord prend acte qu’il y a un écart entre les objectifs et les trajectoires dessinées par les INDC des états (Intended Nationally Determined Contribution). Les pays ayant soumis une INDC à horizon 2025 sont invités à en proposer une nouvelle d’ici 2020 puis tous les 5 ans. Ceux avec INDC à 2030 y sont obligés.
Il semblerait cependant qu’une « coalition » de pays les plus ambitieux ait convenu hors accord d’une révision plus rapide des engagements.
Le financement
Nœud très sensible de la négociation : le financement. Objectivement, il ne peut pas y avoir d’accord sur le climat sans une contribution financière significative du Nord vers le Sud. Et cette contribution revêt plusieurs formes et plusieurs objets. Tout d’abord une aide à la transition car les pays émetteurs de demain ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui. On ne peut pas sauver le climat en mettant d’accord uniquement les 10 pays responsables de 70% des émissions. Les pays en développement vont leur passer devant très vite et il faut donc les aider à faire leur développement sur des bases propres. Ensuite, les pays du Sud sont plus victimes que le Nord des conséquences du changement climatique alors qu’ils n’en sont pas responsables. Ils peuvent légitimement demander à ce qu’on les aide à s’adapter pour faire face aux conséquences futures. Pour la même raison, ils demandent également (troisième point) à être indemnisés (d’où le terme « pertes et dommages ») pour les conséquences présentes et futures du dérèglement climatique.
Le texte évoque un chiffre qui a été proposé par le président Obama à Copenhague, un peu au hasard : 100 Milliards de dollars par an à partir de 2020. Mais ce qu’il recouvre n’est pas bien clair. Initialement, c’était un montant qui devait couvrir l’adaptation mais un glissement s’est produit et il est maintenant évoqué pour l’atténuation alors que le bon ordre de grandeur est plutôt de 1000 Milliards de dollars sur l’ensemble de la planète dont une bonne partie (plusieurs centaines de milliards) devraient aller du Nord vers le Sud. Mais regardons le verre à moitié plein : nous sommes partis de rien et le processus de nouvelles rencontres inclut également les engagements financiers. Nous ne sommes pas à l’abri d’un progrès de ce côté.
Les mots-clés que les ONG auraient aimé voir
Les « énergies renouvelables » sont tout juste citées dans le préambule du projet de « décision » comme un moyen de permettre l’accès à l’électricité en Afrique. Les ONG auraient aimé les voir apparaître plus largement dans l’accord de Paris. Il faut savoir que même les mots « énergie » et « carbone » sont quasiment absents du texte.
L’accord de Paris concerne le climat, il parle donc d’émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), c’est logique. Le dioxyde de carbone représente 75 % des GES et malgré cela, il n’est cité que 5 fois. Les énergies fossiles qui font 65% des GES : zéro occurrence ! Ceci étant probablement dû à l’influence de pays gros producteurs de pétrole. Même l’unité de mesure des GES, la « tonne équivalent CO2 », n’y figure pas ! On voit un chiffre de 55 gigatonnes de… « gaz », sans plus de précision !
Quant aux énergies renouvelables, il est logique de ne pas en parler d’une part parce qu’on ne parle pas d’énergie, autant être cohérent ; d’autre part, le sujet étant le climat, si on parle d’énergie, la solution est dans les énergies bas carbone que sont les renouvelables ET le nucléaire. Or si sur le climat il n’y a plus de débat, sur le nucléaire, il y en a un.
Et si le texte de la « décision » parle des énergies renouvelables dans les pays en développement, et notamment en Afrique, c’est parce que tout le monde s’accorde à ne pas vouloir aller y développer le nucléaire. Mais ailleurs, ce sera à chaque pays de prendre ses responsabilités, n’en déplaise aux anti-nucléaires. Les ONG essaient chaque année de faire de la COP un terrain de bataille contre le nucléaire, ce n’est simplement pas le lieu.
Un accord contraignant ?
Du point de vue du droit international, l’accord n’est pas contraignant. Mais en introduisant des notions de transparence, il force les états à rendre compte à leur opinion publique et au reste du monde de leurs avancées. C’est pour cette raison qu’il est quand-même considéré comme contraignant par les politiques.
Source : http://unfccc.int/resource/docs/2015/cop21/eng/l09r01.pdf
Retrouvez également cet article dans le Flash n°48.