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La vie d’une centrale nucléaire : une journée type au service conduite - Flash 68

mardi 14 janvier 2020, par Clémence Sirvente (IMTA 214)

La centrale de Chinon possède quatre réacteurs en fonctionnement – des REP, réacteurs à eau pressurisés, et emploie entre 2 000 et 3 000 personnes selon les périodes de l’année. Chaque réacteur, appelé unité de production ou tranche, fournit 900 MWe au réseau électrique.

Construits dans les années 1980, chaque réacteur dispose d’un circuit de refroidissement, d’un circuit secondaire et d’un circuit primaire. Leur pilotage est assuré via une salle de commande. Fonctionnant par paire d’unités de production, certains bâtiments industriels sont communs, comme pour le pompage de l’eau en Loire et le rejet des eaux utilisées après filtration et contrôle.

Les équipes du service Conduite de la centrale, assurent le pilotage des unités. Elles travaillent en permanence à la production d’électricité et à la surveillance des circuits. « Hors de question d’éteindre les réacteurs à 18h et de les rallumer à 8h, et encore moins de les laisser fonctionner sans surveillance ». Ces équipes travaillent donc en 3x8, tous les jours de l’année. Chaque journée est ainsi divisée en trois : un quart de matin, un d’après-midi et un quart de nuit.

Je vous propose de suivre le fonctionnement d’une équipe d’après-midi sur la paire de tranche 3-4 de Chinon.

13h20 : après le passage de nombreux portiques de sécurité, l’équipe montante rejoint l’équipe descendante à l’étage des salles de commande. Chaque nouvel arrivant retrouve son alter égo et écoute la relève de ce dernier. Ce rituel permet la continuité des opérations et de la surveillance des réacteurs.

D’un côté, les pilotes de réacteur, dans chaque salle de commande, transmettent les activités en cours, tout en continuant à effectuer la surveillance de la salle de commande.

Dans une salle équipée spécialement pour leur relève, les agents de terrain restituent les étapes importantes du quart précédent à leurs homologues nouvellement arrivés. Leur rôle est d’effectuer une ronde de surveillance et de relevés de paramètres dans l’ensemble de l’installation, ainsi que de manœuvrer les vannes, pompes, robinets et autres éléments dont la manœuvre ne peut pas être commandée depuis la salle de commandes. Ils sont les yeux, les oreilles, le nez et les mains des pilotes.

Chaque équipe est également constituée d’un chargé de consignation, qui connaît à tout instant l’état des circuits – en air, en eau, en huile, vidangés… et qui autorise, ou non, les travaux sur ces circuits.
Le chef d’exploitation et son adjoint sont responsables de la sûreté nucléaire de la paire de tranche. En plus de leur rôle de manager d’équipe, ils sont en relation permanente avec la salle de commande et le service sûreté du site.

La relève entre pilotes a lieu à proximité de la salle de commande, en parallèle de la surveillance, et dure entre 10 et 15 minutes : les pilotes descendants donnent l’état de tranche, les évènements, les temps forts et activités du quart précédent. A la fin de la relève, ils restent quelques minutes pour répondre aux questions des pilotes montants concernant les éventuelles alarmes présentes.

Ce jour-là, la tranche 4 est à puissance maximale disponible, et fournit 870 MWe au réseau. Où sont passés ces 30 MWe qui empêchent de fournir les 900 MWe prévus ? Tout est une question de rendement. La puissance nucléaire produite au sein du réacteur par les fissions des noyaux d’uranium est de 2775 MWth. Cette énergie libérée par les fissions des noyaux d’uranium est transmise à l’eau du circuit primaire sous forme de chaleur. Cette eau, chauffée ainsi à plus de 300°C et sous pression pour rester liquide, passe dans les tubes d’un générateur de vapeur – une grosse bouilloire – afin de transformer l’eau liquide du circuit secondaire en vapeur.

Cette vapeur est ensuite envoyée sur les turbines haute pression, puis basse pression, et les mets en rotation en se détendant. Cette énergie mécanique est transmise à l’alternateur, couplé sur le même arbre que la turbine, où l’énergie sera transformée en énergie électrique et enfin envoyée sur le réseau électrique, après un prélèvement pour le fonctionnement interne de la centrale. Or ces transformations d’énergie ne se font pas sans perte, malgré l’optimisation des centrales actuelles.

Pour augmenter encore le rendement et utiliser presque totalement l’énergie de la vapeur d’eau, la turbine est placée au-dessus d’un gros réservoir sous vide appelé le condenseur. Cet immense réservoir plein d’eau sous forme liquide et gazeuse, est aux conditions de saturation. Pour baisser la pression, il suffit alors de refroidir davantage le condenseur. C’est ici qu’interviennent les grandes tours et leur panache de vapeur caractéristiques des centrales.

En effet, pour refroidir l’eau du condenseur en vue d’abaisser la pression, il existe un circuit tertiaire, appelé aussi source froide : il s’agit soit d’un circuit ouvert, lorsque l’eau du milieu naturel est suffisamment abondante, comme en bord de mer ; soit d’un circuit semi-fermé, pour la plupart des centrales en bord de rivière.

Chinon étant en bord de Loire, on retrouve un circuit semi-fermé, avec une tour aéro-réfrigérante par réacteur.

L’eau du circuit tertiaire est envoyée dans un bassin chaud en hauteur dans la tour, puis tombe en petites gouttelettes jusqu’à un bassin froid en bas de la tour. Ces gouttelettes sont refroidies par un intense courant d’air créé la plupart du temps par la forme même de la tour – effet Venturi. Ce courant d’air entraîne une partie des gouttelettes, qui créent le panache si caractéristique des centrales.

L’eau du bassin froid est ainsi ramenée à température ambiante avant d’être renvoyée dans le condenseur.

C’est ainsi que la puissance électrique transmise au réseau fluctue en fonction de la température extérieure : plus elle est élevée, moins l’eau du circuit tertiaire sera refroidie par l’air et plus la pression du condenseur sera élevée. En effet, aux conditions de saturation, pression et température sont liées.

Revenons à ce début de quart d’après-midi.

Après la relève, l’équipe se retrouve au complet dans la salle d’inter-tranche pour le briefing. Chacun présente les éléments importants qu’il a entendu lors de sa relève. Cette étape permet à chaque acteur de connaître précisément l’état de l’installation.

A la fin du briefing, le planning du quart est présenté.

Pour cette après-midi, sur la tranche 4 :
• Maintenir le réacteur à la puissance maximale disponible
• Une équipe de maintenance travaille sur le graissage d’une pompe RRI
• Réaliser un essai périodique de démarrage d’un diesel de secours.
• Réaliser un exercice incendie

Le circuit RRI est un circuit de refroidissement des échangeurs et des pompes de la partie nucléaire de l’installation. En production, il ne refroidit pas l’eau du primaire (cela est le rôle des générateurs de vapeur), mais il permet aux pompes primaires de ne pas surchauffer, et aux circuits d’appoint de fonctionner normalement.

Ce circuit est lui-même constitué de pompes, qui demandent de la maintenance. Comme dans la plupart des circuits de la centrale, il existe une redondance entre matériels : ainsi, si une pompe du circuit RRI tombe en panne, la sûreté et la production d’électricité sont assurées. Le circuit RRI est composé de 4 pompes. Il est donc autorisé, suite à des études probabilistes de sûreté, de rendre indisponible une des pompes afin d’effectuer de la maintenance, sans devoir arrêter le réacteur.

Pour s’assurer du bon fonctionnement des systèmes de sauvegarde, utiles en cas d’accident, il convient de les tester régulièrement. Ces tests s’appellent des essais périodiques. Certains ont lieu tous les jours, d’autres tous les dix ans, selon l’importance et la fiabilité du matériel testé. Pendant ce quart d’après-midi, il est demandé à l’équipe de conduite de tester le bon démarrage d’un diesel de secours.
Mais pourquoi utiliser un diesel dans une centrale nucléaire ? Afin de pouvoir fonctionner même lorsque toutes les autres sources d’électricité ne sont pas accessibles. Imaginons : le réseau électrique national n’est plus fonctionnel. Le réacteur est à l’arrêt, donc ne peut pas s’auto-alimenter en électricité. La ligne électrique de secours, reliée généralement à un barrage, est coupée elle aussi.
Pour continuer à pouvoir utiliser les pompes des circuits de refroidissement, un diesel démarre alors automatiquement, se couple à un petit alternateur et produit une puissance suffisante pour refroidir le réacteur.

L’essai prévu aujourd’hui vérifie le temps nécessaire au diesel pour démarrer et assurer la puissance nécessaire – quelques secondes. Si le temps de démarrage est trop long, le diesel sera considéré comme indisponible et devra être réparé.

Point suivant : l’exercice incendie. Les agents de terrain passent une grande partie du quart au sein même de l’installation pour inspecter les tuyaux, manœuvrer les vannes, relever les valeurs des capteurs, … Ils possèdent donc une connaissance approfondie des locaux industriels de la centrale. De plus, ils sont présents à toute heure du jour et de la nuit. Ce sont donc eux qui sont appelés en premier lors d’une suspicion d’incendie dans les locaux industriels. Deux fois par semaine, un exercice incendie est organisé : fausse fumée, utilisation d’extincteur, parfois appel des pompiers selon un protocole strict. Tous les agents de terrain participent à ces exercices selon un planning prédéfini sur une année complète. Ainsi, chaque agent reste opérationnel pour gérer un départ de feu à tout moment.

A 20h15, l’équipe se réunit à nouveau pour le débriefing : chacun évoque les éléments marquants de son quart, puis chaque agent attend son remplaçant pour lui transmettre sa relève avant le quart de nuit. C’est ainsi que les équipes de Conduite assurent la sûreté nucléaire 24h/24, 7j/7, tout en continuant à produire l’électricité qui alimente nos foyers.

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