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La construction bois en neuf et en rénovation - Flah 69

mardi 28 avril 2020, par Etienne Vekemans (ECLi 89)

Coronavirus, Acte I :

« Le Monde diplomatique » nous y avait fortement exhorté à la fin de l’année dernière, en titrant « En 2020, on arrête tout, on réfléchit ». Mais on ne l’aurait certainement pas écouté si le Covid-19 ne nous y avait contraint.
Le confinement ordonné le mardi 17 Mars 2020 par le Gouvernement de la République Française nous offre -brutalement et sans préavis- le temps de la réflexion que l’on cherchait sans le trouver. Maintenant il est là ! Ne le laissons pas filer inutilement : il est précieux ! Il y a tant de décennies à rattraper !
Nous espérons avant tout que vous vous êtes confinés sereinement et que cette newsletter vous trouve en bonne santé. C’est vrai, cette lettre d’information est un peu particulière, parce que marquée du sceau du « Covid19 ».
En effet sa rédaction a débuté « avant » la crise du coronavirus, elle se poursuit alors que le confinement a été prolongé et que l’économie « non essentielle » est à l’arrêt, notamment le premier secteur d’activité économique français : le bâtiment, dont 90% des chantiers le sont.
Et comme le sujet abordé est son avenir elle sera sans doute lue « après » la catastrophe, « après » la crise économique, à un moment ou le « business » sera peut-être reparti mais certainement pas « as usual » et qu’en tout état de cause, ce qui se sera passé pendant ce « confinement » fera que ce qui se mettra en place « après » sera différent, autre et que sans être devin, "Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées". (E. Macron, 20/03/2020).
A ce titre, cette newsletter, qui se voulait une suite et une conclusion donnée à la conférence du 26 février 2020, « La construction bois en neuf et en rénovation : la réduction de l’empreinte carbone des bâtiments. Chance ou contrainte ? », arrive à « point nommé.
Ce papier reprend les grandes leçons et tente d’y voir plus clair sur les sujets abordés et, voire accessoirement, de répondre à la question posée, ce qui ne se fait généralement pas pendant la conférence par manque de temps.

La construction bois

Pourquoi une conférence sur la construction bois ?
Le groupe « urbanisme et habitat » de Centrale-Energie, se penche depuis des années lors de ses conférences annuelles sur la réduction de la consommation d’énergie dans le bâtiment. Celle-ci est intimement liée comme bien souvent à son corollaire négatif : celui des rejets de CO2. Or depuis la COP21 et les accords de Paris en 2015, et de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, de la « Stratégie nationale bas carbone » (SNBC) ou « Stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone » mais aussi depuis la promulgation en novembre 2019 de la loi énergie-climat, le bâtiment est confronté à une obligation de réduction de ses rejets de CO2. Mais ceux-ci ne font que croître depuis 2014 (le bâtiment a vu ses émissions augmenter entre 2014 et 2017 de +8%).
[Rappel, la stabilisation à 2°C du réchauffement climatique, oblige de limiter les rejets de CO2 à environ 1000 G Tonnes de rejets de CO2 cumulés (voir les travaux et vidéos de Jean Jouzel, climatologue du GIEC). Avec des rejets mondiaux proches de 40 Gigatonnes annuels, cela nous incite à agir vite.]

Quel rapport entre « bois » et « énergie » ?
La filière bois est traditionnellement divisée en « bois-énergie » et « bois-construction ». On a déjà souvent parlé du « bois-énergie » à CE. Il s’agit d’un mode de chauffage très traditionnel, très apprécié partout dans le monde (ravages dus au déboisement pour la production de charbon de bois) et en France (premier producteur européen de bois-énergie avec 9 Mtep par an) auquel on consacrera une conférence prochainement. Il offre l’avantage d’un mode de chauffage à base d’un combustible renouvelable, non fossile. En revanche la pression sur la ressource est élevée et en France, même si la forêt progresse depuis que les combustibles fossiles sont massivement utilisés, il faut se souvenir des paysages glabres du début du siècle dernier, résultats d’une pression trop forte sur la ressource. Dernier avatar de la combustion du bois, ce sont ses rejets de particules fines, ce qui lui a valu son interdiction récente dans les centres urbains (Londres, Paris centre, Montréal, etc.…)
Contrairement au bois-énergie, le bois-construction est un stockage net de carbone, au moins tant qu’on ne démolit pas les bâtiments, évidemment. Le bois est dans la tradition le matériau noble par excellence. Celui dont on faisait les vaisseaux de la Royale ainsi que les charpentes des cathédrales. Plus prosaïquement il a été le matériau essentiel de la construction des villes et des campagnes au moyen âge et au début des temps modernes jusqu’à ce que la révolution industrielle ne mette en avant la construction métallique (Haussmannienne), puis que l’arrivée de la « pierre liquide » au début du XXème siècle ne remplace le travail des charpentiers et autres compagnons. Le miracle économique des « 30 glorieuses », on le doit bien plus aux travaux des Vicat (inventeur du béton moderne à base de clinker), Eiffel (ECP 1855 et inventeur du calcul des structures) et Freyssinet (inventeur du béton précontraint) voire à l ’héritage de l’organisation Todd qui implanta les usines à béton de manière systématique sur le sol français, qu’à la construction bois.
Aujourd’hui, le « bois-construction » ne représente plus qu’une faible partie de la construction neuve (15%). Pourtant la construction bois moderne pourrait être bien plus qu’un puits de carbone (CCS : Carbon Capture & Storage) : il reste un matériau noble aux qualités multiples pour des bâtiments plus confortables et résilients. C’est ce qu’ont présenté les deux orateurs de la soirée-conférence : Julien Pemezec pour les travaux de Woodeum, promoteur bois et Sébastien Delpont, pour ceux d’Energiesprong France.
Le béton est responsable de 8% des rejets de CO2 dans le monde ! Mais la filière s’engage à 80% de réduction d’ici 20 ans.
En 1900 les rejets étaient d’1 T CO2 / habitant en Europe ! Derniers moments de neutralité carbone à comparer aux 7 T CO2 / habitant aujourd’hui et encore c’est sans compter les tonnes de CO2 importées de l’étranger, qui ferait monter le curseur à 11 T CO2 par habitant et par an ! (Cependant en 1900 on était loin de la caverne et de la bougie !)
Les questions reliées au bois sont : le feu, les IGH (Immeuble Grande Hauteur), CCS, REX (Retour d’EXpérience), réduction de la durée du chantier, des nuisances.
http://www.hoho-wien.at/
https://www.hkarchitekten.at/de/projekt/lct-one/

Le « neuf » : l’état de l’art de la construction bois actuelle :
Woodeum, créée il y a 6 ans, résulte de l’association de Unibail et de BNP Paribas Immobilier.
Il s’agissait de s’occuper du « très grand mauvais élève » des rejets de carbone : le bâtiment ce méconnu responsable de 25% des rejets de carbone, a égalité des rejets de carbone avec le transport !
Woodeum a travaillé avec Carbone 4, alors très peu présent dans le bâtiment avec comme objectif : « comment réduire les rejets de CO2 dans le bâtiment neuf » ?
Pendant son cycle de vie le bâtiment rejetterait 60% des émissions de carbone à la construction et 40% des émissions à l’exploitation. Attention statistique faussée, car calculée sur une durée de vie du bâtiment fixée artificiellement à 20 ans, ce qui est beaucoup trop court. Si l’on part sur une durée de vie du bâtiment de 125 ans (moyenne française) il est davantage question d’impact de l’exploitation que de la construction : c’est d’ailleurs ce qui se retrouve dans beaucoup de publications scientifiques.
Fédérer autour de WOODEUM 150 acteurs de la construction qui visent une réduction de l’empreinte carbone : c’est le but de l’association BBCA (Bâtiment Bas Carbone) pour œuvrer à la réduction de l’empreinte carbone sur le cycle de vie du bâtiment.
Le bois ? Plein de vertus :
• Avantage de la préfabrication bois : réduction du temps d’exécution, intervention possible en secteur très contraint, la préfabrication permettant de se glisser partout. Surcoût maîtrisé par des chantiers plus courts (de 4 à 6 mois)
• Réduction des nuisances : chantier « sec », faible nombre de rotations de camions, avec une réduction de leur nombre de 6 à 8 fois et diminution du bruit.
• Solution moins impactante pour les riverains, moins intrusives à l’époque où l’on va de plus en plus construire la ville sur la ville.
Gros avantage écologique :
• Pour 1m3 de béton : 470 kg de CO2 émis.
• Pour 1m3 de bois : 460 kg de CO2 stocké.
• À l’échelle d’un logement de 60 m2 : 30 T de CO2 stockés, équivalent à 120.000 km en voiture
• Le bois est 15 fois plus isolant que le béton. Il en résulte un plus grand confort avec une qualité de vie ressentie supérieure à celle espérée.
• Également, réduction de charges, du fait de la très bonne isolation.
• Faible inertie ce qui est un avantage aussi en période de grandes chaleurs
• Avantage hygroscopique : capacité d’absorber l’humidité excédentaire de la pièce, grâce au procédé CLT-Cross Laminated Timber. C’est une Invention française de 1947, remise à jour par l’industrie autrichienne dans les années 90

• Très grande professionnalisation des acteurs de la construction bois. « Bouygues » a réellement fait sa révolution culturelle, en formant des maçons à la construction bois.
• Intérêt de la légèreté du matériau : 8 étages en surélévation du périphérique Porte de Brancion à Paris. Possibilité de grande hauteur, avec une tour de 17 étages à Lyon, mais on doit tout redémonter, quand on part dans les hauteurs.
• L’adhésion à la construction bois sera plus forte si on a de beaux bâtiments avec de belles architectures (abandon des cubes en béton), des prestations intérieures de qualité, en inscrivant dans la modernité ce matériau qui a traversé les siècles. Un plus est également la qualité de l’air, avec le double flux.

Il faut cependant noter :
• Les immeubles ont quand même besoin de béton pour les fondations
• La construction bois demande plus d’ingénierie que le béton, mais le développement du BIM permet d’engager un vrai dialogue très précis avec les entreprises
• Comparaison des coûts bois/béton : 140 Logements à Ris Orangis chiffrés à 1.470 EUR/m2. Pour Eiffage (béton), c’est chiffré à 50 EUR moins cher, mais pour le bois, c’est compensé par la réduction des charges.

Les opérations :
À Pantin / Canal de l’Ourcq : 120 logements
Un central téléphonique Orange, avec de vrais enjeux de vibration.
On a déjà livré 360 logements et 700 sont en travaux.
On a livré 12.000 m2, et 180.000 m2 sont en développement.
A Lyon : 119 logements, avec la première opération « bas carbone ».

A Meudon : 280 logements.

Les Questions que l’on peut se poser ?
• La filière ? elle se structure vitesse grand V chez les architectes, dans les bureaux d’études, les cours à Centrale Paris. Pour l’approvisionnement, chez les producteurs de CLT en France, cela monte en puissance, comme chez Piveteau : « Ne faut pas me demander la forêt en un an » !
• Durabilité bois/béton ? Les plus vieux bâtiments sont en bois ! Il n’y a pas de problème. Il faut protéger le bois pour être dans une atmosphère stable. Le feu ? Il est beaucoup moins dangereux que l’acier. Les traitements du bois et les colles ? Ces problèmes qui remontent à 30 ans sont maintenant résolus.
• Les termites ? le bois est une barrière physique naturelle, il y a lieu d’employer des lasures et de surveiller la structure. A la Réunion : les barrières sont dans les fondations. Les traitements chimiques sont interdits.
• La réglementation ? une Association est créée pour porter les messages : Adivbois
• Fenêtres ? en PVC ? Non ! Mais en bois-alu ou bois-bois.
• Solutions semblables à celles de Energiesprong en rénovation, cf. ci-dessous ? Oui
• On peut tout faire sur le bois ! Même imiter la pierre comme certains le souhaitent !!

La rénovation en bois :
C’est quoi le sujet ? Sortir les 7 millions de précaires énergétiques de leur situation très douloureuse par une massification de la rénovation
Aujourd’hui il y a deux choix possibles :
1. Beaucoup de rénovations pas chères, peu ambitieuses.
2. Très peu de rénovations très ambitieuses.
Ou encore « LA » solution Google, avec ses filiales comme Katera, qui n’en est pas une car elle dépossède des tas d’entreprises au profit de quelques multinationales aux pratiques d’optimisation fiscales douteuses (Avec 20% de la chaîne de valeur qui ira aux Bermudes).
« Ne pas attendre le débarquement des américains »
La rénovation énergétique est un « produit d’appel » pour les GAFA (cf. les « stations-services » pour les hypermarchés. Le seul but poursuivi est de prendre des parts de marché aux Walmart&Co).
Scénario certain ? Non. Plausible ? Oui

Energiesprongc’est quoi l’esprit ?
La rénovation c’est le comme « bio » : avant c’est un produit cher auquel personne ne comprend rien. Aujourd’hui, le bio c’est 20% du marché.
Mais comment créer un « désir de rénovation ? »

Energiesprong ?
- une solution hollandaise qualifiée de « saut énergétique » ou « d’énergie zéro garantie sur 30 ans ». C’est le « Zara » de la rénovation énergétique qui vise à faire beaucoup de rénovations relativement peu chères.
Cette politique hollandaise est atypique, avec des équipes payées à 100% par la puissance publique.
Les financements de l’intermédiation sont établis par des facilitateurs. Les prêts consentis se remboursent sur les économies d’énergie futures. Les locataires ont la même facture d‘énergie, mais avec un confort largement accru, un aspect moderne et flatteur. Le travail, c’est de créer des marchés gagnants-gagnants entre maîtres d’ouvrage et fournisseurs de solutions. Ainsi, cela correspond à :
• Des produits réalisés « hors site » (préfabrication)
• Une expérience positive de la rénovation (rapidité de la rénovation avec une semaine seulement sur site)
• Assurer des volumes grâce à la standardisation (changer l’écosystème des fournisseurs de rang1).
• Une expérience positive de la rénovation (une semaine sur site).
• La fierté de rembourser des travaux plutôt qu’une facture de consommation. (« viralité positive » de la rénovation).
• De la visibilité « marché » : grâce à la mutualisation inter-maître d’ouvrage.
• 50% du marché pris par des PME « agiles » (pas que les « majors »).
• En 5 ans, faire baisser le prix des rénovations de 50% (sans subvention étatique).
Il n’y a pas de recette unique.
Il s’agit de passer de la culture « projets » à la culture « produits »
C’est une approche en rupture face aux approches classiques.
Cela nécessite de la discipline de la part des Maîtres d’ouvrage

Retour d’expérience :
On admet un premier projet où on se « rate ». On progresse de projet en projet. L’enjeu est aujourd’hui « d’amorcer la pompe », d’être « un relais de croissance pour le BTP » et de faire rentrer la construction bois sur le « marché de la rénovation ».
Adapter le concept au contexte français avec :
• Amélioration du concept
• Agrégation de la demande
• Activation des acteurs économiques
• Retours d’expérience des projets qui sont en R+5 en Hollande
Quelques exemples :
Le projet de Hem (banlieue de Lille, Vilogia, 10 logements) ;
• Moins de non-qualité
• Satisfaction des locataires
Le projet de Longueau (ICF Habitat, 12 logements en bande).
Le projet de Chateaugiron (Neotoa, 4 maisons individuelles).

Les Questions ?
• Le modèle de financement ? (Caisse des Dépôts et Consignations CDC, etc.)
• Les bâtiments de 13 étages sont possibles ? (<7 étages : 80% du marché)
• Bilan carbone ? (Solution bois. On s’améliore)
• La loi de 1948 : beaucoup de logements sans chauffage avant 1948 ! La loi incitait les bailleurs à installer des chauffages en autorisant l’indexation du prix du loyer sur le nombre de chauffages ! Difficile de réduire le nombre de chauffages !

Pour aller plus loin + liens cités :
• Le bois-construction sur wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bois_(mat%C3%A9riau_de_construction)
• le bois-énergie sur wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Bois_%C3%A9nergie
• le concours Energiesprong : http://www.energiesprong.fr/lancement-du-concours-dinnovation-energiesprong-2019/
• le site de Maître Cube : http://www.maitrecube.fr/
https://www.propassif.fr/actualites/38-paul-petit.htm
https://www.propassif.fr/actualites/26-renovation-et-construction-passive-a-colmar.htm
https://www.propassif.fr/actualites/24-renovation-d-une-cantine-scolaire-labellisee.htm
https://www.batiactu.com/edito/google-a-imagine-sa-premiere-tour-35-etages-bois-58900.php?MD5email=3d2ca68aa92727da8a1609b8e0d2c083&utm_source=news_actu&utm_medium=edito
http://www.piveteaubois.com/fr/non-classe-fr/panneaux-clt-hexapli

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