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Réduction des émissions de CO2, quelle contribution du chauffage électrique dans les bâtiments à l’horizon 2035 ? Impact sur le système électrique

mercredi 3 mars 2021, par Alain Argenson (ECN 62)

Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte ( LTECV ), La Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique.

Adoptée pour la première fois en 2015, la SNBC a été révisée en 2018 2019, en visant d’atteindre la neutralité carbone en 2050,
La neutralité carbone c’est un équilibre entre :
• les émissions de GES sur le territoire national ;
• l’absorption de carbone : par les écosystèmes gérés par l’être humain et par les procédés industriels (capture et stockage notamment)

Pour le bâtiment l’objectif de réduction des GES est en 2050 une décarbonation complète. Le secteur du bâtiment c’est en 2018, 53 millions de tonne de CO² attribuable au chauffage soit 15% de celles du territoire.

La Stratégie Nationale Bas Carbone repose sur 3 piliers :
1 Une très forte amélioration de la performance des bâtiments via des normes plus strictes pour la construction neuve et un grand programme de rénovation performante des logements et bureaux anciens permettant d’amener le parc au niveau d’un bâtiment basse consommation (BBC) en moyenne d’ici à 2050. Dans un rapport récent l’ADEME a écrit : le nombre de rénovations « BBC ou équivalent » est à ce jour négligeable au regard des rythmes à atteindre. Pourrons nous faire plus ?
2 L’amélioration du rendement des solutions de chauffage – via le choix de solutions performantes comme la pompe à chaleur ;
3 Le remplacement des installations de chauffage utilisant des énergies fossiles par des solutions bas-carbone – comme les modes de chauffage électrique performants, les réseaux de chaleur utilisant des sources renouvelables et de récupération, ou l’utilisation du bois et de la biomasse

En résumé l’on peut dire que cette stratégie repose principalement sur l’utilisation de l’électricité soit sous forme de Pompe à Chaleur soit utilisation de l’effet joule. Cette dernière ne pouvant être utilisée que dans des bâtiments performants de niveau BBC donc principalement des bâtiments neufs.
L’étude garde un % du chauffage par les réseaux de chaleur et les chaudières et poêle à biomasse.

Cet accroissement du recours à l’électricité dans le chauffage n’est pas sans poser de problème pour le réseau électrique. RTE et l’ADEME ont donc étudiés l’incidence sur le réseau de ce recours massif à l’électricité, notamment pendant les pointes hivernales. (Voir rapport complet : https://www.ecologie.gouv.fr/etude-ademe-rte-decarboner-chauffage-dans-secteur-du-batiment-lhorizon-2035)

L’étude RTE-ADEME évalue les conséquences de la politique engagée dans le secteur du bâtiment à long terme, en se situant à l’horizon 2035. Celui-ci se situe à mi-chemin de l’atteinte de la neutralité carbone et correspond au cadrage global utilisé depuis 2017 pour le mix électrique (c’est notamment l’échéance à laquelle la part du nucléaire dans la production d’électricité devrait être de 50%).

Les scénarios étudiés pour 2035

1 Un « contrefactuel ». Poursuite des tendances actuelles sur l’efficacité des bâtiments, des solutions de chauffage et le chauffage électrique, et atteinte des autres objectifs de la SNBC de développement des réseaux de chaleur et de la biomasse.
2 Le scénario A-SNBC 1. Il constitue le scénario de référence de l’étude. Les objectifs sur l’efficacité (des bâtiments et des solutions de chauffage) et le recours accru à l’électricité (via des PAC) y sont atteints ;
3 Un scénario (B). La rénovation des bâtiments est menée à bien et l’efficacité énergétique se déploie rapidement, mais sans inflexion vers l’électricité s’agissant de la part des différentes solutions de chauffage.
4 Un scénario (C). L’inflexion vers le chauffage électrique se matérialise par le développement de solutions efficaces (pompes à chaleur électriques). En revanche, les efforts sur les performances des bâtiments et notamment l’accélération de la rénovation des bâtiments existants ne parviennent pas à se concrétiser
5 Un scénario (D). L’inflexion vers le chauffage électrique se matérialise dans le cadre de la bascule vers les vecteurs décarbonés, mais ni la politique de rénovation des logements, ni les mesures de renforcement de l’efficacité des solutions de chauffage ne se traduisent dans les faits. Ce scénario fait office de stress-test pour le système électrique, avec le développement des radiateurs électriques dans des logements mal isolés.
6 Un scénario (X). Apparu en cours d’études. L’objectif de la SNBC sur les réductions d’émission est recherché en priorisant la rénovation sur les « passoires énergétiques », et en mettant l’accent sur l’amélioration de la performance des opérations. La bascule vers des solutions de chauffage bas-carbone est encouragée.

Les conclusions de l’étude sont les suivantes

1 Sur l’ambition générale : l’étude confirme que la rénovation des bâtiments couplée au développement des solutions de chauffage électriques efficaces constitue une solution pertinente pour faire baisser les émissions selon la trajectoire et les budgets carbone définis par la SNBC (scénario A-SNBC 1) soit une baisse de 53MtCO² à 25MtCO². La consommation électrique annuelle associée au chauffage serait stable (55TWh) voire diminuerait légèrement à l’horizon 2035.
L’atteinte du niveau BBC pour la moitié des bâtiments en 2035 est très incertaine au rythme actuel si l’on se réfère à l’ADEME.

2 L’étude souligne que la non-atteinte d’une seule des dimensions étudiées (efficacité du bâti, performance des solutions de chauffage, bascule vers des solutions de chauffage bas-carbone dont l’électricité) conduirait à un retard par rapport à la trajectoire de la SNBC. (Scénarios B, C et D).
Dans le cas où le développement des solutions de chauffage électrique se produit selon la trajectoire du scénario de la SNBC via des solutions efficaces comme les pompes à chaleur, mais sans inflexion notable sur le rythme et la performance de rénovation du bâti à l’échelle française, l’écart demeure de +5 MtCO2/an par rapport à l’objectif.

3 Un dernier scénario propose la rénovation des passoires thermiques (catégories F et G) au niveau BBC et des solutions de chauffage efficaces pour tous les bâtiments. Dans ce cas l’objectif de la SNBC peut être atteint avec une consommation électrique en augmentation à 60TWh

4 L’électrification progressive du chauffage, si elle est accompagnée de progrès d’efficacité énergétique, ne conduit pas à faire augmenter la consommation d’électricité à moyen terme. L’étude souligne l’importance que les réglementations « bâtiments » qui orientent vers l’électricité et d’autres vecteurs bas-carbone y associent une bonne isolation du bâti et des équipements de chauffage efficaces.

5 Les scénarios où l’électrification s’accélère mais où les objectifs d’efficacité ne sont pas atteints engendrent une augmentation de la consommation d’électricité du chauffage et la pointe peut dépasser le niveau actuel de 100GW.
Il apparaît par conséquent nécessaire d’accroître le développement des solutions de flexibilité pour assurer la sécurité d’approvisionnement.
Le scénario X de rénovation des passoires thermiques n’augmente pas la pointe de consommation.

6 Sur le bilan économique : l’étude conclut à l’importance de prioriser les efforts de rénovation vers les logements les plus énergivores (« passoires thermiques ») et souligne l’intérêt des approches de rénovation performantes.
Le ciblage des logements les moins performants couplé à l’exigence de performance sur les rénovations présente des atouts pour la lutte contre le changement climatique. Le ciblage des passoires thermiques permet d’éviter pratiquement l’émission de la même quantité de CO2 (à 1,5 MtCO2/an près) qu’un scénario de rénovation généralisé (scénario A-SNBC 1), mais avec deux fois moins de rénovations annuelles du bâti. Sous les mêmes hypothèses d’électrification et d’efficacité que le scénario A-SNBC 1 le coût est moindre pour la collectivité (de l’ordre de 300 € par tonne de CO2 évitée, en prenant en compte l’effet rebond, contre 430 €/tCO2 quand les rénovations ne sont pas ciblées)

Conclusion
Sur la base des éléments présentés aux paragraphes précédents, le ciblage des rénovations sur les logements les plus énergivores apparaît un choix économique efficace du point de vue de la collectivité, permet de réduire la précarité énergétique et permet d’atteindre l’objectif de réduction dans le bâtiment des GES de 50% en 2035.

Annexe : La flexibilité
Encourager la flexibilité de la consommation alors que les usages électriques sont amenés à se développer fortement constitue une politique sans regret
a. Le chauffage est un usage thermosensible. Il n’est pas l’origine de la « pointe du soir » observée chaque jour de semaine, en hiver, aux alentours de 19h. En revanche, il constitue le principal facteur pour expliquer le niveau moyen de consommation durant une journée donnée l’hiver.
b. Dans le scénario central de la SNBC, l’évolution des pointes de consommation ne pose pas de difficulté. Pour autant, du fait du développement de nombreux usages électriques, encourager la flexibilité des usages rend le système électrique plus robuste à différents aléas et concourt par ce biais à accompagner l’atteinte des objectifs climatiques.

Plusieurs moyens d’accompagner la croissance des usages thermosensibles sont considérés dans l’étude :
1 Le pilotage de la recharge des véhicules électriques, qui est susceptible d’offrir jusqu’à 8 GW de flexibilité supplémentaires à condition d’être généralisé massivement.
2 Le pilotage du chauffage électrique, soit par le biais d’effacements courts « cascadocycliques » en roulement sur un parc – mais son effet agrégé est limité – soit par des effacements longs. En intégrant les effets de reports, un effet positif sur les marges de l’ordre de 2 GW apparaît atteignable.
3 Le développement de pompes à chaleur hybrides électricité/gaz. L’étude montre que la pointe pourrait être réduite de l’ordre de 1,4 GW par million de pompes à chaleur hybrides installées en substitution des pompes à chaleur électriques, par rapport au scénario central de la SNBC

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