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Retour sur le nucléaire français

vendredi 4 mars 2022, par Christiane Drevet (ECN 65)

Nous revenons sur le parc nucléaire français actuel, en termes de localisations, puissances, dates de construction et sur les prospectives à 2050 des scénarios de mix électrique de RTE - rapports d’octobre 2021 et février 2022 et article Les enseignements des études RTE et ADEME d’Alain Argenson (ECN 62)

1) la localisation des centrales françaises, avec leurs puissances respectives, est représentée ci-dessous :

Source : IRSN.fr Source : IRSN.fr
2) Jean-Pierre Hutin (ECN 73) lors de sa conférence devant Centrale-Energies en janvier 2017 nous a présenté l’âge des différentes centrales françaises. Nous en reportons le graphique ci-dessous :

3) Nous pouvons maintenant dresser le tableau de ces différentes centrales afin de se faire une idée plus précise de la date où elles atteindront 50 puis 60 ans, voire 70 ans, à supposer que l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) ait donné son aval à la prolongation de 10 ans pour chacune d’elles à la 4ème visite décennale (âge de 40 ans), puis à la cinquième visite (âge de 50 ans), voire à la sixième visite (60 ans), comme nous allons le voir.



Ce calendrier est remarquable, car la France a été capable de construire en un temps record de 20 ans, 58 centrales, soit 3 centrales par an en moyenne, dont les 56 en service et les deux de Fessenheim fermées aujourd’hui.

L’ensemble des 56 centrales représente 28, 8 + 26 + 5,8 = 60,6 GW .

4) Afin de mieux comprendre ce que cela impliquerait en terme d’énergie nucléaire pour le futur, nous rappelons ici certains faits récents :

• "La loi-énergie-climat du 8 novembre 2019", inscrivait l’objectif de neutralité carbone en 2050 pour répondre à l’urgence climatique et à l’Accord de Paris, avec la sortie des énergies fossiles. A l’époque, pour y répondre, une voie importante est le développement des énergies renouvelables. Par ailleurs, conformément aux engagements du président de la République, confirmés à l’occasion de la présentation de "la Stratégie française pour l’énergie et le climat" de novembre 2018, les deux réacteurs de la centrale nucléaire de Fessenheim devaient être arrêtés d’ici l’été 2020 (cela a maintenant été fait). Le ministère de la Transition écologique et solidaire avait par ailleurs signé un projet de territoire pour Fessenheim afin d’accompagner cette transition. La diversification du mix électrique, dans le cadre d’une stratégie de réduction lissée et pilotée des capacités nucléaires existantes, devait être poursuivie pour atteindre 50 % de la production en 2035, avec la fermeture de 14 réacteurs de 2025 à 2035 (réponse d’EDF aux actionnaires en mai 2021).

• A ce jour, il n’y aurait plus d’objectifs de fermetures de centrales du parc actuel, ce qui pourrait être réévalué lors du débat parlementaire sur la PPE de 2023, compte tenu des futures décisions à prendre sur le mix électrique à 2050 liées à l’objectif d’atteinte à cette date de la neutralité carbone (abandon total des énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz). Notons que les premières prolongations de 10 ans des réacteurs ayant atteint 40 ans ont été effectuées avec succès à fin 2021, impliquant 8 réacteurs de 900 MW les plus anciens (cf tableau ci-dessus "900MW - 32 centrales" et réponse d’EDF aux actionnaires en mai 2021). Les décisions de prolongation pour 10 ans sont prises au cas par cas par l’ASN sur présentation d’un dossier instruit par EDF

• Il est bien apparu dans l’étude RTE d’octobre 2021, reprise en février 2022, que la France aura besoin des deux types d’énergie, renouvelables et nucléaire, pour répondre à l’objectif de décarbonation du mix électrique Ceci semble justifié, compte tenu de la nécessité de beaucoup plus d’électricité à cette échéance. Il est proposé ainsi par RTE 6 scénarios de mix électrique, dont deux conservent des réacteurs du parc actuel dit nucléaire historique et 3 autres y ajoutent du nouveau nucléaire, des EPR2. Dans le résumé qui en est fait par Alain Argenson, il est repris 3 de ces scénarios :
M0 : 100% ENR
N1 : ENR, à 74% du mix + (nucléaire historique + nouveau nucléaire), à 26% du mix
N03 : ENR, à 50% du mix + (nucléaire historique + nouveau nucléaire), à 50% du mix.

5) La parc nucléaire français en 2050 selon RTE :
Reprenons les énergies nucléaires nécessaires dans les deux scénarios N1 et N03, et déduisons-en l’âge des réacteurs historiques qui seraient à conserver :

Dans les deux cas, des réacteurs nucléaires du parc actuel devront avoir été prolongés au-delà de 50 ans, et il faudra conserver quelques réacteurs ayant eu l’autorisation de l’ASN de dépasser 60 ans. Des situations intermédiaires sont évidemment possibles. La construction d’autres réacteurs SMR pourraient remplacer ces réacteurs ayant dépassé 60 ans (cf. point 6). Les autres réacteurs du parc actuel (tous ceux de 900 mW et les autres de 1300 MW) seront à l’arrêt, à moins que l’autorisation de dépasser 60 ans pour certains d’entre eux n’ait été donnée par l’ASN, en fonction des besoins. Sinon, ils devront à terme avoir été démantelés. Notons que les quatre plus anciens réacteurs du parc actuel, à Bugey, auront atteint 70 et 71 ans en 2050.

6) Annonce récente de Mr Macron sur le nucléaire
L’annonce de Mr Macron de 6 EPR2, avec en option 8 autres EPR2 (cf. « M Macron confirme le virage nucléaire français » le Monde du 12 février 2022), correspond approximativement aux scénarios N1 et N03 du rapport RTE. Les 2 premiers seraient mis en service en 2035, avec début de la construction en 2028, après un débat national. Le coût en serait pour le lot de 6 de l’ordre de 50 milliards d’euros (par effet de série et de simplification de la construction). Le financement du nouveau nucléaire fera l’objet d’un article à paraître. Notons également le financement à hauteur de 500 millions d’euros du 1er projet Nuward (Small Modular Reactor, SMR) pour 2035, soit 2 réacteurs de 170 MW chacun (cf. la conférence de Centrale-Energies sur ce sujet en janvier 2020). Un autre bouquet de 500 millions d’euros pourrait aussi être affecté à l’étude de nouveaux projets SMR.
En 2035, 29 des 32 réacteurs de 900 MW auront atteint 50 ans et EDF devra avoir demandé à l’ASN l’autorisation de leur prolongation de 10 ans au-delà de 50 ans, en fonction des besoins en énergie électrique à cette date et du chemin de montée en puissance qu’auront pris les 2 EPR2 et les ENR.

7) Concernant les ENR
Le déploiement en masse des ENR dans tous les scénarios de RTE (y compris dans le N03 correspondant à 50% de nucléaire), et particulièrement de grands champs de solaire et d’éoliennes en mer, constitue une gageure, compte tenu du retard que la France a déjà pris par rapport à ses objectifs.

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