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Qu’est-ce qu’une ville durable ?

mardi 1er octobre 2013, par Etienne Vekemans (ECLi 89), Patrice Cottet (ECP 74)

Comme le dit à juste titre l’article Wikipédia consacré à la « Ville durable », Ville durable(1) signifie en français « ville qui dure », par opposition sans doute à « ville fantôme » ou « ville éphémère » - ce que peu de localités revendiquent… Car toute ville a intrinsèquement une propension à durer. Une ville durable est essentiellement une tautologie. Pourtant aucune ville n’a la certitude de durer : l’Histoire est pavée de villes qui n’ont pas eu l’avenir qu’elles espéraient… Ségeste, Sélinonte, Leptis Magna, Cyrène, sans même évoquer plus brutalement les Herculanum et autres Pompéi, ni même les capitales des premiers empires chinois que l’on commence à voir sortir de terre sous les pioches des archéologues.

Comme aucune ville n’a d’assurance sur sa pérennité, beaucoup s’interrogent sur la façon de réduire les risques qu’elles font peser sur leurs habitants. Depuis la conférence de Rio en 1992 qui instaura le « sustainable development »(2) comme modèle pour un avenir pérenne, les villes aussi se penchent sur la question. Certaines villes européennes notamment ont signé en 1994 la « charte d’Aalborg »(3) fixant dans le marbre les objectifs qu’elles se donnent.

S’il n’y a pas de définition de la durabilité(4), ou en tout cas pas de définition d’acception courante de la soutenabilité, il n’y pas non plus de définition de la ville, ou en tout cas elles varient :
-  En Algérie, le terme est utilisé pour une agglomération de plus de 20 000 habitants.
-  En France, l’INSEE définit la ville par une population d’au moins 2 000 habitants.
-  En Suisse, une ville est une commune de plus de 10 000 habitants.

Ce qui n’empêche pas l’ONU d’estimer que 2008 est l’année où pour la première fois, de l’histoire connue, plus de la moitié des humains résident dans une ville(5). Mais malgré ces imprécisions la ville demeure une conception largement partagée de l’humanité qui reflète la volonté d’un projet commun. Bien sûr les villes se forment dans la conscience collective essentiellement à l’occasion de « l’exode rural » qui débute au milieu du XIXème en Europe et se poursuit jusqu’à la fin du XXème dans le reste du monde pour voir émerger des mégalopoles de plusieurs dizaines de millions d’habitants

Liste des mégalopoles au début du XXIème siècle(6) :

On voit ainsi que les villes déterminent pour moitié l’avenir de l’humanité. La ville offre une concentration d’activités administratives et commerciales qui justifie ses défauts. Car la ville a des particularités qui lui donnent un poids dis-proportionné dans la balance environnementale : en effet, la « ville moderne » est quasiment à 100% consommatrice. Aujourd’hui, l’essentiel de son énergie est amenée à renfort de pipelines et autres lignes THT, l’alimentation nécessaire à sa population est livrée par des norias de camions, les biens de con-sommation qui y sont vendus arrivent par containers entiers… Ce qui explique aussi que les villes de l’antiquité et du moyen âge étaient peu nombreuses. Pour pouvoir survivre la ville a besoin d’un arrière-pays considérable et difficile à évaluer, dans la mesure où il a tendance à devenir de plus en plus mondialisé.

Par ailleurs, en ce début du XXIème siècle nous sommes témoins à la fois de la faillite des premières villes issues de la révolution industrielle qui montrent des signes inquiétants d’essoufflement et en même temps d’une course effrénée vers des mégalopoles(7) au développement qui apparaît parfois incontrôlé (cf Chine, Brésil, Pakistan), où pollution et mal-vivre deviennent des thèmes récurrents(8). La mégalopole du XXIème siècle s’est transformée en une consommatrice avide et plus du tout auto-suffisante comme l’étaient les villes d’autrefois(9), grâce à leurs campagnes proches. Ceci la rend très fragile aux stress, et cette fragilité est accrue pour les mégalopoles ou encore les conurbations (regroupement de villes style Boston-Washington sur 750 km et comptant 100 millions d’habitants à l’horizon 2100 appelé « Boswash ») si-tuées à proximité des eaux de l’océan qui, dans tous les scénarios de réchauffement climatique, sont implacablement destinées à monter.

Toutes choses qui devraient presser les décideurs à réduire les effets néfastes des grandes agglomérations. Evidemment dans ce cas-ci comme dans bien d’autres, les solutions vont plutôt à l’encontre des désirs des habitants. La réduction des gaspillages énergétiques passe par des « circuits courts », où producteurs et consommateurs sont rapidement mis en contact. Mais aussi où employeur et employé évitent de passer leur temps précieux dans les bouchons. Et où « habiter » ne vient pas concurrencer « s’alimenter ». Cela passe donc par un urbanisme plus concentré, une réduction de « l’étalement urbain » car ce dernier paralyse la ville dans les bouchons et remplace les champs par des petites parcelles de pelouse. Le constat est sans appel : le modèle d’urbanisme étalé a vécu et pour éviter que la ville ne se transforme en ville fantôme, un urbanisme plus réfléchi doit lui laisser la place(9).

Les solutions sont connues, la mise en route traîne. Evidemment la sensation d’urgence diffère selon les points de vue. Quelle part le présent doit-il accorder à l’avenir ? La réponse est liée à chaque individu et varie énormément. C’est pour cette raison que beaucoup ont vu l’implication des citoyens comme un passage obligé vers une ville plus soutenable. Chaque ville a une manière spécifique d’aborder ces thèmes. La ville de Fribourg en Bresgau (et son éco-quartier Vauban) est un modèle qui a été largement visité et en a inspiré plus d’un. Cela a donné naissance aux « agendas 21 »(10) et autres « label éco-quartiers »(11). Certaines communautés ont souhaité rendre public leurs efforts sous le terme de « vitrine des villes durables françaises »(12). Il n’en reste pas moins que toutes sont confrontées aux réalités économiques et macro-économiques qui rendent leurs efforts difficiles et limités(13), malgré les effets d’annonces. Dans un article à venir, nous ferons une synthèse des « meilleures pratiques » et des résultats.

La prise de conscience des populations ainsi que le ralentissement des progressions démographiques laissent espérer un développement plus harmonieux. Néanmoins, la voie paraît étroite et la ville du XXIème siècle, qui a perdu la résilience de ses aïeules, est devenue éminemment sensible aux aléas de l’Histoire.

Agenda : exposition « Ressources de l’architecture pour une ville durable » présentée par l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble et le CAUE de l’Isère, du 3 au 30 octobre 2013, à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble, 60 avenue de Constantine – Grenoble.

1. Ville durable / Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ville_durable

2. Sommet de la Terre à Rio, 1992, Sustaibnable development, bien malheureusement traduit en « développement durable »

3. Charte D’aalborg, 1994 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_d%27Aalborg

4. l’AFNOR en 2012, a proposé la définition suivante : est « durable » si « les composantes de l’écosystème et leurs fonctions sont préservées pour les générations présentes et futures »,

5. Ville / Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Ville

6. Mégalopole / Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9galopole

7. Création du géographe français J. Gottman

8. La Chine Acculée, la Chine fait de la lutte contre la crise écologique son chantier prioritaire http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2013/08/31/acculee-la-chine-fait-de-la-lutte-contre-la-crise-ecologique-son-chantier-prioritaire_3469304_3216.html

9. Yona Friedmann, la ville http:/ /www.lyber-eclat.net/lyber/friedman/anx2_laville.html

10. Agendas 21 : http://www.agenda21france.org/

11. Label national ecoquartiers : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Lancement-du-label-national,31489.html

12. Vitrine des villes durables françaises : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Vitrine-des-villes-durables,31763.html

13. « La circulation automobile en ville représente la moitié des kilomètres parcourus en France soit 398 milliards de km » http://www.planetoscope.com/automobile/111-nombre-de-kilometres-parcourus-en-ville-par-les-voitures-en-france.html

Retrouvez également cet article dans le Flash n°36.

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