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La Transition Energétique en France et en Allemagne

dimanche 1er décembre 2013, par Alain Argenson (ECN 62)

La transition énergétique, c’est le passage d’un système énergétique carboné basé principalement sur l’utilisation des énergies fossiles carbonées à un système énergétique décarboné.

Pourquoi la transition énergétique ?

1) Pour limiter, autant que faire se peut, le réchauffement climatique rapide confirmé par le dernier rapport du GIEC, qui pointe d’une façon extrêmement probable son lien avec les activités humaines, et ceci principalement par l’intermédiaire de l’augmentation des Gaz à Effet de Serre (GES) dans l’atmosphère, tels que les CO2, CH4, N2O, HFC, PFC, SF6.

2) Pour anticiper l’épuisement des ressources fossiles en les conservant pour d’autres utilisations.

3) Enfin, pour diminuer la dépendance énergétique à ces ressources fossiles (69 milliards d’Euros d’importation en 2012).

Situation comparée de la France et de l’Allemagne :

Données générales (source Eurostat)

Allemagne France
Population 2012 80,5 M 65,6 M
Territoire km² 357 134 543 966
Densité hab/km² 225 120
Forêt en km² 117 415 173 113
PIB Md € 2012 2 666,4 2 032,3
PiB par hab 2012 32 600 € 31 100 €
Conso. Énergie Mtep (2010) 217,4 158,8
Conso. Elec. des ménages par hab. (2010) 1 732 kWh 2 515 kWh
Prod. élec. par hab (2010) 7 813 KWh 8 675kWh
Logements en millions 37,4 28,7

Consommation énergétique finale en tep par habitant (2009)-(source Global Chance/B. Laponche)

Par produit Allemagne France Métropole
Charbon 0,14 0,07
Produits pétroliers 0,90 1,00
Gaz 0,67 0,47
Électricité 0,52 0,58
Chaleur (Hors bio-masse) 0,13 0,064
biomasse 0,12 0,19
TOTAL 2,51 2,36
Par secteur d’activité Allemagne France Métropole
Industrie 0,67 0,49
Transport 0,66 0,72
Résidentiel 0,78 0,72
Tertiaire 0,38 0,37
Agriculture 0,012 0,063

On note une consommation totale supérieure en Allemagne due à l’Industrie. La France consomme plus d’électricité et de biomasse que l’Allemagne, qui de son côté consomme plus de gaz.

Émissions de CO² à partir d’énergie fossile en kg par secteur et par habitant en 2011 (source IEA).

Allemagne France Métropole
Émissions totales 9 141 5 042
Électricité et chaleur 3 968 691
Industrie et construction 1 396 927
Transport 1 819 1 875
Résidentiel 1 088 700

Les émissions sont principalement dues à la production électrique en Allemagne. Il n’est donc pas étonnant que l’Allemagne se soit lancée à corps perdu dans les énergies renouvelables électriques. On remarque également une prépondérance de l’industrie allemande. Le chauffage électrique fortement développé en France et ceci pour une grande part à base de nucléaire conduit à une moindre pollution que les chauffages à partir d’énergies fossiles utilisés en Allemagne.

Engagements internationaux et communautaires

1) Le protocole de Kyoto (adopté en 1997) a conclu que les émissions de GES devaient être réduites mondialement d’au moins 5 % sur la période 2008-2012, par rapport à 1990 (Objectif pour la France = 0, pour l’Allemagne = -21 %).

2) La France s’est engagée par la loi du 13 juillet 2005 à réduire de 3 % par an ses émissions de GES, soit une division par 4 d’ici 2050.

3) Le paquet énergie climat européen (2008) a donné pour objectif 2020 :
- a) faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20 % (23 % pour la France).
- b) réduire les émissions de CO2 des pays de l’Union de 20 %.
- c) accroître l’efficacité énergétique de 20 %.

Les objectifs de la France

Suite à la concertation nationale appelée Grenelle de l’Environnement en 2007, des programmes pluriannuels d’investissement (arrêtés du 15 décembre 2009) ont fixé des objectifs dans le domaine de la chaleur et de l’électricité pour chaque technologie aux horizons 2012 et 2020, en accord avec nos engage-ments européens. Deux objectifs sont importants pour 2020 : 25 000 MW d’éolien dont 6 000 MW en mer (valeurs 2012=7 449MW) et 16 455ktep de biomasse chaleur (valeurs 2006= 13 591 ktep).

La loi Grenelle 1 du 3 août 2009 a fixé un objectif de réduction d’au moins 38 % de la consommation d’énergie dans les bâtiments d’ici 2020, soit 400 000 logements rénovés thermiquement par an.

Et en 2050 ? Le débat sur la transition énergétique qui s’est tenu le 1er semestre 2013 aurait dû définir les moyens de parvenir à l’objectif de division par 4 des GES en 2050, mais il n’y a pas eu consensus entre les participants. Tous se sont accordés pour dire qu’il fallait réduire la consommation énergétique finale, mais certains voulaient une réduction de 50 % alors que d’autres seulement 20 % à échéance 2050 (par rapport à la consommation constatée en 2012). En conséquence il n’a pas été possible de définir un objectif de mix énergétique pour 2050.

Seule conclusion forte de ces débats : des propositions nombreuses pour rénover l’ensemble du parc de bâtiments d’ici 2050, soit un objectif de 500 000 réhabilitations thermiques par an.

Les objectifs de l’Allemagne : « l’Energiewende »

L’energiewende est ancré dans le mouvement anti-nucléaire des années 70 et a rapproché les conservateurs et les environnementalistes. Les crises pétrolières des années 70 et l’accident de Tchernobyl ont conduit à la recherche d’alternatives et à la mise en place en 1991 du 1er tarif d’achat pour la production d’énergie renouvelable.

Le 28 septembre 2010, le gouvernement a adopté un programme pour 2050 dont les objectifs principaux sont : réduction des GES de 80 %, (réf. 1990), réduction de la consommation d’énergie primaire de 50 %, réduction de 25 % (réf. 2008) de la consommation d’électricité, production électrique à 80 % renouvelable, réduction de 80 % (réf. 2008) de l’énergie primaire pour le chauffage des bâtiments.

Durant l’été 2011, suite à la catastrophe de Fukushima, le gouvernement a décidé d’arrêter immédiatement 8 réacteurs nucléaires et progressivement jusqu’en 2022, les 9 centrales nucléaires restantes.
Les résultats sont-ils à la hauteur des objectifs ?

La part des énergies renouvelables dans le mix énergétique final est en 2012 de 13.7 % pour la France et de 12.6 % pour l’Allemagne. C’est un peu moins que prévu.

En France depuis 2009, la consommation énergétique finale oscille autour de 155 Mtep, après un plateau de 160 Mtep de 2001 à 2008. Cette tendance va-t-elle perdurer ?

En Allemagne la consommation finale énergétique a amorcé une baisse depuis 2007, mais reste à confirmer dans les années à venir.

En Allemagne la consommation finale énergétique a amorcé une baisse depuis 2007, mais reste à confirmer dans les années à venir.

En France en 2010, il y a eu 135 000 (0.5% du parc) rénovations énergétiques de logements (source ADEME), donc bien loin de l’objectif des 400 000 de la loi du Grenelle1. En Allemagne c’est environ 1 % du parc qui est rénové par an (env. 350 000logements), or il en faudrait 2 % selon l’Energy Saving Ordinance de 2009. La rénovation thermique est donc pour l’instant en retard sur les objectifs aussi bien en Allemagne mais encore plus en France.

Évolution des émissions de CO2 en T par habitant (source IEA) :

AllemagneFrance Métropole
1990 11,97 6,06
1995 10,63 5,96
2000 10,04 6,21
2005 9,81 6,17
2008 9,74 5,77
2009 9,12 5,45
2010 9,32 5,52
2011 9,14 5,04
Évolution 90-11 -23,6 % -16,8 %

Ces émissions sont en baisse et témoignent d’une plus grande efficacité énergétique.

L’emploi

En France, les ENR (13,5 % de l’énergie finale) représentent 100 000 emplois et le Syndicat des Énergies Renouvelables prévoit 224 000 emplois en 2020. L’industrie nucléaire (22,7 % de l’énergie finale) représente directement 124 000 emplois (étude PWC pour Areva).

En Allemagne, les ENR (12,6 % de l’énergie finale) représentent environ 380 000 emplois.

Conclusion

La France et l’Allemagne se sont engagées dans une transition énergétique très différente, d’abord en terme de programmation, 2050 pour l’Allemagne et 2020 pour la France, ensuite en terme d’objectifs.

L’Allemagne
veut sortir du nucléaire, consommer moins d’énergie et produire de l’énergie renouvelable en quantités importantes.

La France continue dans l’option nucléaire, développe mollement les énergies renouvelables électriques et progresse avec lenteur dans la rénovation thermique des bâtiments, qui est pourtant le challenge principal pour sa transition énergétique.

Retrouvez également cet article dans le Flash n°37.

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