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La Politique Agricole Commune : -Historique et Perspectives

samedi 1er mai 2010, par Jacky Rousselle (ECL 81)

Cet article présente l’histoire de la politique Agricole Commune (PAC) et les perspectives d’évolution en France, avec en particulier la Loi de Modernisation Agricoles en cours de discussion en préalable à la PAC 2013.

La Politique Agricole Commune est apparue peu après l’établissement du Traité de Rome de 1957 instituant la Communauté Economique Européenne. Des instruments financiers ont été mis en place entre 1960 et 1962 : droits de douane sur les produits importés dans la CEE, Fonds Européen d’Orientation et de garanties agricoles (FEOGA), avec mécanismes d’intervention sur les marchés : prix d’intervention et achats publics avec retrait de quantités pour soutien des marchés, subventions à l’exportation. Ces mécanismes sont spécifiques à chaque Organisation Commune de Marché (OCM) : exemple – l’OCM de la viande, ou celle du blé ou du sucre.

Quant à eux, Les consommateurs ont subi avec ces mécanismes des prix intérieurs très supérieurs en général aux prix mondiaux (exemple : sucre, viande bovine), alors que les producteurs ont de leur côté bénéficié de garanties d’écoulement et de protection vis-à-vis des importations.

La productivité a aussi été forte : en France, un tiers des actifs étaient employés dans le secteur agricole dans les années 1950 contre un actif sur 30 actuellement. Ces mécanismes ont permis la croissance de la production mais ont créé des problèmes d’excédents dans les années 80.

En particulier, certains marchés bénéficiaient de droits de douane très faibles acquis lors d’accords internationaux antérieurs (exemple ; corn gluten feed, manioc, soja,..) et les prix élevés intérieurs freinaient cependant la demande de ces produits. Aussi, se sont développés au fil du temps des importations massives pour l’alimentation animale. A la fin des années 80, les éleveurs de porcs et de volailles ne faisaient consommer que ces types de produits importés.

Globalement, des stocks considérables sont apparus dans les années 80 par surproduction et manque de demande : ainsi, les stocks publics ont atteint 25 millions de tonnes de céréales et -900.000 tonnes de viande bovine en 1991.
En même temps, les subventions à l’exportation se sont accrues pour écouler ces stocks.

Des critiques des pays tiers sont apparues pour remettre en cause les taxes à l’importation et les subventions à l’exportation. Le système perdurait, sans remettre en cause le niveau des prix d’intervention malgré ces déséquilibres entre l’offre et la demande.
Encore en 1995, quand le deutsche mark se dévaluait, il a été réalisé des ajustements pour maintenir ces prix et donc les revenus des agriculteurs allemands.

Afin de faire évoluer ces tendances pour l’OCM du lait, des quotas laitiers furent institués en 1984 . De même, des quotas pour le sucre avaient déjà été établis depuis la fin des années 60. Mais les quotas laitiers ont été calés à des niveaux supérieurs à la consommation intérieure aussi de coûteuses restitutions à l’exportation sont été nécessaires. Cependant, l’institution de ces quotas laitiers fut globalement favorable pour l’OCM du lait puisque le secteur du lait ne représentait plus que 6 % des dépenses du FEOGA Garanties alors qu’il en représentait 60% en 1984.

D’autres mesures furent établies aussi dans les années 80 pour inverser ces tendances : mesures très coûteuses de gel de terre volontaire , programmes d’extensification de la production, aides à la diversification mais tout ceci ne faisant que déplacer les problèmes entre secteurs.

La grande inflexion de la PAC de 1992 

Sous l’impulsion du commissaire européen Ray Mc Sharry et en parallèle du cycle de négociation commerciales internationales de l’Uruguay du GATT, deux moyens furent proposés pour tenter de concilier l’offre et la demande : d’abord étendre à d’autres secteurs que celui du lait le principe des quotas, mais cela ne fut pas retenu. La mesure fut de baisser le prix d’intervention et de compenser la perte pour les agriculteurs par des aides directes leur revenant. Elle permettait de moins financer du soutien de prix, du stockage et des subventions à l‘exportation et de les remplacer par des aides gouvernementales.

Ainsi, pour l’OCM des céréales, le prix garanti fut réduit de 35% et les aides directes aux agriculteurs furent calculées sur le nombre d’hectares en céréales, avec obligation de laisser en jachère des surfaces au-delà d’une certaine taille d’exploitation.

Pour l’OCM des viandes bovines, les prix garantis furent réduits de 15% et furent ajoutées des aides par tête de bétail, pour compenser le manque à gagner. Ces dernières aides étaient conditionnées à un nombre maximal d’animaux par hectare et même des compléments d’aides étaient accordés pour des systèmes plus extensifs.

Ces aides directes, dites « découplées », car non liées aux quantités produites, étaient compatibles avec les futurs accords de l’OMC de 1994 qui ne les limitaient pas, contrairement aux autres aides liées aux quantités produites ou de type soutien de marché.

La réforme de la PAC de 1992 incluait aussi un volet de mesures agro-environnementales.

Les effets de la réforme de 1992 furent effectivement de baisser les dépenses de type stockage ou subventions à l’exportation qui passèrent de 10 Milliards d’€ en 1992 à 3,7 Milliards d’€ en 2001. Mais du fait de la compensation intégrale des baisses des prix d’intervention par les aides directes, le soutien fut alors payé par les contribuables et non plus par les acheteurs de produits agricoles. Le budget de la PAC augmenta mais les aides directes continuèrent d’inciter fortement à la production. Les bénéfices environnementaux furent limités.

La réforme permit avec bénéfice d’accroître la demande en céréales moins coûteuses pour l’alimentation animale et elle contribua à diminuer les excédents précédemment vus.

L’agenda 2000 de la PAC (accord de 1999)

Il permit de réduire encore les prix d’intervention, de 20% pour la viande bovine et de 15 % pour les céréales mais cette fois, la baisse de prix ne fut que partiellement compensée par les aides directes. Suite à la conférence de Cork en 1996, cette réforme introduisit aussi l’encouragement au développement d’activités rurales complémentaires ; ceci par un financement par prélèvement sur les aides directes de grandes exploitations (aides directes dites modulées). Ces financements sont les aides dites du second pilier de la PAC et sont donc liées aux activités de développement rural : aménagement du territoire, entretien de paysages, maintien de la biodiversité.
Le Règlement sur le Développement Rural (RDR) entra en vigueur en 2000.
Les aides directes proprement dites sont dites aides du premier pilier de la PAC.

La réforme de la PAC de 2003

Elle a encore baissé les prix d’intervention pour rapprocher les prix européens des prix mondiaux selon les OCM. L’accord a aussi introduit un plafond pour les aides directes du premier pilier. Mais surtout, l’accord de 2003 a entièrement découplé les aides de la production en attribuant les aides sous la forme d’un paiement unique, qu’il fut alors possible de toucher sans obligation de produire. L’aide devint le Droit à Paiement Unique (DPU) toujours applicable en 2010.

En France le montant de ces aides représente quelque 6 Milliards d’€. La réforme de 2003 conditionna ces aides au respect de « normes en matière d’environnement, de santé publique, de santé et de bien-être des animaux, ainsi qu’au maintien des terres dans de bonnes conditions agronomiques et environnementales ». Cette réforme donna plus d’autonomie aux Etats membres pour leur politique agricole. Enfin, elle s’expliqua par la nécessité de rendre compatible la PAC avec le cycle de Doha de l’OMC entrepris en 2001. Les ministres des Etats membres de l’OMC ont déclaré en décembre 2005 l’objectif d’éliminer toute subvention à l’exportation en 2013.

Le budget de la PAC au niveau européen 

Au 1er janvier 2007, le FEOGA est devenu le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds Européen Agricole de Développement Rural (FEADER).

Le FEAGA est doté de 293,1 milliards d’euros sur la période 2007-2013. Il finance surtout les restitutions à l’exportation, la régulation des marchés agricoles, les paiements directs aux agriculteurs.

Le FEADER est doté de 69,7 milliards d’euros sur la période 2007-2013 et finance les programmes de développement rural et d’environnement donc les mesures du second pilier.

Au total, le FEAGA et le FEADER représentent un budget de 362,7 milliards d’euros sur la période 2007-2013, soit 42% du budget européen de 864 milliards d’euros sur la période. La PAC est ainsi le plus gros budget de dépenses de l’Europe (UE 25).

L’agriculture est donc beaucoup plus aidée que l’industrie.

Une étude OCDE de 2006 a évalué au niveau de l’UE 25 le montant total des aides et les a comparées à la valeur de la production agricole pour l’année 2005 : ces aides égalent 107 milliard d’euros, soit 40% de la valeur des productions agricoles.

En comparaison, les aides aux Etats-Unis représentent 43 milliards de dollars soit 19 % de la valeur des productions agricoles, mais l’UE possède 5 fois plus d’exploitations (même étude OCDE 2006).

Les aides de la PAC pour la France en 2010
 

Les aides sont distribuées aux agriculteurs par deux organismes : les Agences de Services et de Paiements (ASP) et l’organisme France AgriMer.

Les ASP versent 9 milliards d’euros répartis en 7 milliards d’aides du premier pilier venant à 100% de l’Europe (aides directes découplées : Droits de Paiement Unique DPU ; aides restantes couplées à la production en nombre de têtes : vaches allaitantes, aides ovins, caprins,..) et en 2 milliards d’aides du deuxième pilier de la PAC (55% venant de l’Europe et 45% ajoutés par l’Etat français). Ces aides du deuxième pilier concernent 4 axes : 1) la modernisation des installations et les aides à l’installation : le bien –être des animaux, la récupération des eaux pluviales, la minimisation de la pollution ; 2) des mesures agro-environnementales : moins de pesticides et d’engrais, la préservation des écosystèmes du type talus, bosquets, haies (mais pas en création) 3) un développement rural du type tourisme, gîtes ruraux ; 4) des groupements d’actions locales du type animations.

FranceAgriMer gère des fonds venant à 100% de l’ Europe (environ 1 milliard d‘euros) dédiés aux crédits d’intervention sur les marchés (stockage, soutiens des prix, aides à l’exportation).

Les douanes collectent les taxes restantes à l’importation.

Projet en 2010 de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (perspective de la PAC 2013).

Les objectifs principaux en sont : un programme national pour l’alimentation, la volonté de privilégier les productions locales, celle d’accroître la compétitivité de l’agriculture française, l’établissement d’un observatoire des prix et des marges.

D’autres objectifs sont à retenir : la mise en place d’un fonds national de gestion des risques en agriculture, l’engagement de travaux pour le développement d’assurances récoltes, la réduction de moitié du rythme de perte des terres d’ici 2020. Ce rythme est actuellement de l’ordre de la perte d’un département français tous les 10 ans.

Il convient de mentionner les programmes nationaux de protection de l’environnement : Ecophyto 2018 pour réduire de 50% si possible l’usage de produits sanitaires à l’horizon 2018 ; le plan «  Objectifs Terres 2020 » pour protéger les sols agricoles, , mieux utiliser l’eau, mieux maîtriser l’énergie, contribuer à la biodiversité, restaurer un meilleur état écologique des eaux ; le Plan de Performance Energétique ( PPE) 2009 –2013 pour le développement de diagnostics énergétiques et d’énergies renouvelables,..) ; le plan de développement de l’agriculture biologique.

En conclusion, l’agriculture doit évoluer pour diminuer ses externalités négatives : mauvaise qualité des eaux par pollution aux nitrates, phosphore et pesticides ; irrigation excessive (en France, elle représente annuellement plus de 5 milliards de mètres cubes d’eau, soit 60% de la consommation finale) ; destruction de la biodiversité par disparition de haies, de marais , de mammifères et d’insectes ; érosion et disparition des sols.

Des techniques se développent : agroforesterie mixant cultures et arbres alignés ; couverture des sols, compostage, abandon du labour.
En parallèle, les productions non alimentaires se développent par la chimie verte, l’éco habitat.

L’ingénieur Centralien devra ainsi développer ses connaissances sur ces sujets car il recherchera de plus en plus dans le futur des approvisionnements tirés de l’agriculture.
Quant à l’évolution pour l’après 2013 du budget de la PAC, elle n’est pas encore définie et les négociations restent difficiles entre les pays européens.

Vous pouvez retrouver cet article dans le Flash 17 de mai 2010

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