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Que financer avec le Prêt à Taux Zéro ?

mardi 21 octobre 2008, par Patrice Cottet (ECP 74)

Le Prêt à Taux Zéro verra t-il le jour ? Aujourd’hui, les banques gardent leurs disponibilités pour se couvrir, essayer de ne pas couler, ou provisionner pour renflouer leurs confrères imprudents. Et de plus, le Prêt à Taux Zéro est sensé financer des travaux de rénovation, destinés à des ménages qui n’ont pas la trésorerie nécessaire pour les financer cash ; en général ces ménages font partie de la même catégorie socioprofessionnelle que les emprunteurs américains impliqués dans le mécanisme des subprime. Qui acceptera désormais de financer des foyers qui n’auront comme ressource de remboursement que les économies réalisées dans le futur sur le budget chauffage ?

C’est la première question ; la seconde, c’est : comment financer au mieux les économies d’énergies ?

Le crédit d’impôt, comme on l’a vu, n’a été qu’un emplâtre sur une jambe de bois, puisqu’il n’a financé que des aménagements qui se sont révélé peu efficaces, que ce soit en terme de CO² ou de retour sur investissement. Sans contrôle des autorités, il a permis à des opportunistes de s’enrichir rapidement sur le dos et des clients et de la collectivité. Il faudrait le supprimer au plus vite, mais jamais le gouvernement ne saura résister aux lobbies qui se sont constitués.

Donc, il faut trouver quelque chose de plus.

Premier élément de réponse : le parc français est globalement énergivore ; ce qui veut dire qu’il y a du travail, et beaucoup de champs d’application.

Second élément : le premier kilowattheure gagné est le plus facile à gagner. Il est beaucoup plus facile de passer de 500 à 400 kWhEP/(m².an) que de 200 à 100.

Troisième élément : Si cela est possible, il faudrait viser la réalisation du chantier parfait, et amener le bâtiment à un niveau de consommation quasi nul ; mais est-il possible de penser qu’on va réaliser à tous les coups des travaux permettant d’atteindre niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation) ou Passif en rénovation ? C’est à tous coups possible pour les gros chantiers de reconstruction (et non rénovation) qui sont du ressort de bailleurs sociaux ou de collectifs. Ces travaux nécessitent un ré-engineering lourd du bâtiment, et un à deux ans de travaux en milieu préférablement inoccupé ; parfois faisable en pavillon individuel, où les occupants peuvent s’arranger de gros travaux, ils sont plus difficilement concevables en appartement. Il est plus réaliste de penser que les travaux qui feront l’objet d’une demande de PTZ entre maintenant et 5 ans, durée probable du dispositif PTZ, consisteront en aménagements partiels, mettant en œuvre un ou tout au plus deux techniques d’amélioration.

Quatrième élément : il faudra industrialiser les solutions.

A partir de ces constatations de base, on peut commencer à élaborer des solutions.

1/ Industrialisation
Dans un chantier quel qu’il soit, et c’est encore plus vrai en rénovation, l’installation et le retrait du matériel, la mobilisation et la logistique constituent une part importante des dépenses. Il serait primordial que les municipalités s’investissent dans le système, et lancent des appels d’offre à hauteur d’un quartier, pour que l’entreprise adjudicataire passe de pavillon en pavillon, ou d’immeuble en immeuble, en appliquant des procédés constructifs identiques applicable à des bâtiments thermiquement homogènes…ce qui est très souvent vérifié pour des lotissements, des cœurs de quartiers, des immeubles haussmanniens etc. Nous constatons que, sur les problématiques énergétiques, c’est la Région qui a pris le dessus sur le Département ; maintenant il faut redescendre à l’échelle du quartier, donc de la municipalité.

Avec quels moyens humains ? On sait que la crise immobilière actuelle voit diminuer de façon drastiques les mises en chantier neuf. Pour donner un ballon d’oxygène au secteur BTP, il faut réorienter d’urgence les entreprises vers la rénovation.

2/ Solutions techniques
Que cherche-t-on ? N’écoutons pas les lobbys, les pro-carbone qui ne veulent pas de nucléaire, ni les pro-nucléaires qui en veulent d’avantage. Conservons le parc énergétique actuel, réservons le pétrole pour la pétrochimie, et provisoirement des transports et arrêtons de brûler, donc détruire, des hydrocarbures qui sont une ressource essentielle.

Donc premier axe pour le bâtiment : la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas. Les solutions sont donc : Créer un corps de métier par technique d’isolation, capables, on l’a vu, d’intervenir en série au niveau d’un quartier.
Quelques exemples :
- Chantiers d’isolation par l’extérieur, lancés par la municipalité au niveau d’un quartier. Cela aura le mérite de régler le problème des architectes des bâtiments de France, qui continuent à mener un combat d’arrière garde sur l’esthétique originelle de certaines horreurs héritées du passé… quitte à conserver, pour les satisfaire, un exemplaire qu’on érigerait en musée !
- Ces chantiers doivent être synchronisés avec les campagnes cycliques de ravalement. Cela permet d’autoriser les dépassements sur voie publique, et de faciliter les questions de voisinage lorsqu’il s’agira d’isoler un pignon donnant sur une propriété privée voisine.
- Foire à la laine de verre ! Pas sérieux, direz-vous ? Et bien sachez que l’un des premiers facteurs limitatifs de l’isolation des combles, c’est n’est pas le prix, mais le volume à transporter. Par exemple pour dérouler 30cm de laine de verre en comble d’un pavillon de 100 m², le matériau, même roulé serré, occupe 15 mètre cube. Soit 10 allers-retours en petite voiture ! Il suffit donc d’amener un semi-remorque sur la place du village, avec campagne d’information préalable.
- Chantiers d’isolation projetée en plafond des caves, réalisés, là aussi, au niveau d’un quartier, le superviseur de chantier pouvant ainsi coordonner son intervention avec les habitants, les conseiller par rapport à la protection du sol des caves et de ce qui s’y trouve.
- Changement de fenêtres à l’échelle d’un immeuble et, là aussi, d’un quartier, réalisé par appel d’offre municipal. Buts : que le particulier ait accès au vrai prix des fournitures, donc pas à la tête du client comme le font les spécialistes du marketing, et que le chantier soit réalisé par des professionnels traitant simultanément la question des ponts thermiques entre mur et fenêtre.

Second axe : N’utiliser l’électricité que pour ce qu’elle a de plus précieux : la capacité de faire jouer l’effet de levier par le biais de processus thermodynamiques : pompes à chaleur, ou mieux ventilation double flux, chauffe-eau performants ou solaires…Ne plus financer les chaudières à condensation qui ne condensent pas. Ce second axe, néanmoins, deviendra mineur si le premier axe a porté ses fruits. Globalement, le prêt à taux zéro doit donc être mobilisé exclusivement dans des opérations pour lesquelles :

  • 1)au moins une opération d’isolation importante est mise en œuvre, et au moins une énergie renouvelable est installée, et ne doit pas être mono-technique
  • 2)le gain apporté doit être significatif ; on pourra le chiffrer soit en gain en énergie finale, au minimum 200 kWhEF/(m².an), soit en Kilowattheures CUMAC, dont le mode de calcul est relativement simple une fois qu’il a été expliqué
  • 3)en cas de location, plusieurs cas possibles :
    • le locataire refuse tout arrangement, alors le propriétaire n’est pas tenu de faire des travaux ; s’il désire les faire quand même, il pourrait résilier le bail à échéance
    • Le locataire accepte, auquel cas il est évident que celui qui profite des économies participe d’une façon ou d’une autre. C’est un principe de bon sens qui n’a rien d’asocial, car l’opération procède du principe « gagnant-gagnant » 

Retrouvez cet article dans le Flash n°7

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