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Géopolitique - La prolifération du nucléaire

mercredi 1er septembre 2010, par Emmanuel Meneut (ECM 90)

Une nouvelle Amérique ? Le président Obama semble avoir modifié l’approche des USA au regard de l’arme nucléaire. Compte tenu du poids de la prolifération nucléaire sur le développement du marché de l’électricité d’origine nucléaire, nous vous proposons une synthèse sur ce phénomène de politique internationale. Cette nouvelle diplomatie fait l’objet de conférences et d’événements festifs comme le rassemblement « Bonnaroo Music & Art Festival » dans la campagne de Manchester dans l’état du Tennessee du 10-13 juin 2010 lors duquel le film « Countdown to zero » sur le risque de prolifération fut projeté, débattu et soutenu par des pétitions.

Ainsi, l’homme le plus puissant de la planète aurait-il rejoint les jeunes chevelus américains du mouvement, maintenant ancien, des hippies pacifiques…

Est-ce bien cela ? Résumons la situation, dans les années 1970, les USA possédaient un armement atomique au moins équivalent à celui de l’URSS en terme numérique et certainement supérieur en termes de qualité et de fonctionnement. Les déboires des sous-marins soviétiques de la fin de l’Empire seraient un exemple flagrant de cette faible qualité.

A l’époque, et ce jusque dans les années 1980 où le chanteur Sting déclamait son pacifisme contre l’arme nucléaire dans son titre « Russians » affirmant « I hope the Russians love their children too », les hippies prônaient le désarmement total, voire unilatéral. Cela avait d’ailleurs le don d’énerver ceux qui profitaient de la dissuasion nucléaire, comme l’avait bien résumé le président Mitterrand : « les pacifistes sont à l’Ouest et les missiles à l’Est », lors de la crise des euromissiles en janvier 1983.

L’objectif de la Maison Blanche pendant la Guerre Froide était de maintenir au moins l’équilibre, voire la supériorité, par rapport à la menace soviétique. La prolifération, pendant la Guerre Froide était une prolifération verticale.

Aujourd’hui quel serait l’impact d’un désarmement nucléaire complet ? La supériorité militaire américaine conventionnelle est telle qu’aucun pays, ni la Russie ou la Chine, ne pourrait espérer tenir une confrontation quelconque. De facto, les USA retrouveraient leur place de puissance hégémonique qu’ils ont occupée de 1991 à 2001, cette place étant celle du vainqueur de la Guerre Froide. Ainsi, l’objectif des dirigeants américains n’a pas changé par rapport aux années 1970. Il s’agit de maintenir le plus haut niveau de capacité d’influence sur les affaires internationales afin de préserver les intérêts américains au mieux. Ce qui a changé ce sont les moyens. Il ne s’agit pas là d’une quête insatiable de la domination du monde. Non, c’est un comportement standard de la scène internationale compte tenu de la permanence du risque d’irruption d’un conflit armé pouvant atteindre les intérêts nationaux. Il suffit d’évoquer les risques liés au pétrole et la place de la voiture dans la société américaine pour réaliser que tous les présidents cherchent à maintenir cette capacité d’action internationale.

Finalement, ce sont les hippies qui ont changé d’objectif. Dans les années 1970 le mouvement hippy était en partie subversif et il voyait la suprématie américaine comme un danger pour l’épanouissement de la liberté. Aujourd’hui, tout autre régime politique que le régime de démocratie libérale reposant sur une économie de marché et une société de consommation est perçu par les jeunes, les chanteurs et les acteurs de la société civile comme une menace sur la liberté individuelle.

Ce changement est significatif de la modification de la société civile et donc de la nature de la menace que représente la prolifération nucléaire. Aujourd’hui, c’est la prolifération horizontale qui est source de menaces.

Ajoutons à cette évolution que la nécessité de la lutte contre le changement climatique et le poids croissant de l’énergie nucléaire rend cette menace de prolifération horizontale encore plus prégnante car elle implique de facto l’ensemble des acteurs, entreprises et organismes de sécurité, de la chaîne de valeur du nucléaire dans la politique internationale.

L’abandon de la prolifération verticale

Depuis la fin de la Guerre Froide, ce type de prolifération s’est considérablement réduit et adaptée aux menaces nouvelles. Ainsi, lors de la Guerre du Golfe de 1991, les dirigeants politiques américains ont dissuadé Saddam Hussein d’avoir recours aux armes chimiques ou biologiques grâce à la menace de l’arme nucléaire. Cette fonction dissuasive reste l’un des moyens incontournables de régulation des relations internationales, mais elle ne nécessite pas forcément un déploiement vertical de ces forces, comme au temps de la Guerre Froide.

La prolifération au cœur du système international

Le pouvoir destructeur de la fission nucléaire provient de la réaction en chaîne et de l’énergie qu’elle libère. C’est ce phénomène naturel qui peut être utilisé pour détruire. Il fut mis en avant par A. Einstein dans sa lettre au président F.D. Roosevelt pour l’inciter à développer la bombe atomique.

Plus précisément, ce qui conduisit le président Roosevelt à mobiliser des ressources pour ce projet plutôt que de construire plus d’engins militaires conventionnels, c’est le risque que les Nazis acquièrent cette technologie avant les alliés et bénéficient d’un avantage stratégique. Le moteur de la prolifération, c’est donc la configuration du système international et les risques de conflits. Cela n’a pas vraiment de sens de croire que l’électricité d’origine nucléaire serait plus répandue s’il n’y avait pas eu d’explosions atomiques car c’est une situation très improbable. Parmi tous les acteurs de la Communauté internationale, au moins un acteur développe nécessairement l’emploi militaire de l’énergie nucléaire. C’est ce qu’illustre l’histoire de la prolifération et des mesures de contrôles mises en place.

L’histoire de la prolifération

Elle fut marquée par l’émergence, par prolifération horizontale, des nouveaux acteurs successifs dans le club des puissances nucléaires. Ainsi, la période de 1945 à 1968 avait vu l’arrivée, après les USA et la Grande Bretagne, des « autres » vainqueurs de la seconde Guerre Mondiale, URSS, Chine et France. La période de 1968 à 1974 correspondait à l’arrivée d’Israël et de l’Inde. Ensuite la période de 1974 à 1991 voyait l’émergence de l’Afrique du Sud. Enfin, depuis 1991 ce furent le Pakistan, la Corée du Nord et les divers programmes clandestins dont celui de l’Iran.

Les caractéristiques de l’ordre nucléaire mondial

Depuis 1968, le TNP est le traité international qui règle les échanges de technologie nucléaire entre les États pour une durée illimitée. Il est complété par la réglementation des exportations du Groupe des Exportateurs Nucléaire (NSG) depuis 1974.

Ce cadre est caractérisé par son conservatisme. Il y a les 5 puissances atomiques reconnues et les autres. Celles-ci ne veulent pas perdre leur prédominance et celles-là n’y renoncent qu’avec de plus en plus d’exigences de contreparties. La prolifération s’inscrit donc comme un risque systémique au cœur de la Communauté internationale et hors de portée des entreprises. Aucune évolution majeure n’est visible à l’horizon, hormis la nécessité de développer le nucléaire civil pour s’adapter à la nécessaire transition énergétique vers moins d’ énergies fossiles.

pays fournisseurs

Les pays fournisseurs – Canada : 1 ; Inde : 2 ; France : 4 ; Corée du sud : 6 ; USA et Japon : 12 ; Russie : 13 ; Chine : 15

L’enjeu de la prolifération nucléaire pour les entreprises

cout de l’électricité d’origine nucléaire

Pour les acteurs de la chaîne de valeur de l’électricité Nucléaire, il s’agit d’un enjeu en terme d’image et celui-ci est double. D’une part, la société civile et les populations ne doivent pas associer les centrales de production d’électricité nucléaire avec l’usage politico-militaire de cette technologie. D’autre part, il s’agit d’appréhender le risque associé à cette activité avec un risque de pollution acceptable. L’enjeu est de taille et il nécessite deux moyens pour y répondre. Le premier est le niveau de fiabilité des règles qui structurent l’exportation de cette technologie, en plus de la fiabilité de la technologie employée, et de la priorité à la sécurité sur la rentabilité des installations. Le second, est la communication à destination de l’opinion publique pour la convaincre de la réalité de cette double fiabilité. Les écarts du coût de l’électricité d’origine nucléaire est ainsi un critère du compromis rentabilité et sécurité des acteurs de la filière.

Le danger, c’est de voir le niveau de prolifération horizontale corrélé avec le développement et l’exportation de la technologie nucléaire. Ce serait un sérieux frein au développement de cette industrie. Pour y répondre, toutes les ressources de la diplomatie publique devront être déployées par l’ensemble des entreprises du NSG avec l’appui de la diplomatie classique. La densité de développement des centrales en Chine montre l’enjeu auquel sont désormais confrontés les dirigeants chinois.

Mais compte tenu de l’enjeu de souveraineté associé à la technologie nucléaire, la clé de ce défi réside au niveau de la légitimité et de la force des États de la Communauté internationale.

Vous pouvez retrouver cet article dans le Flash n°19

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