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L’isolation des bâtiments, la mal aimée FLASH 72

mardi 29 septembre 2020, par Etienne Vekemans (ECLi 89)

Pourquoi aujourd’hui un article sur l’isolation des bâtiments ? En général, le sujet n’intéresse pas grand monde, tout au plus génère quelques sourires de complaisance. L’isolation n’est pas sexy, mais en plus elle charrie plein d’images négatives : arnaques nombreuses, malfaçons à répétition et pénibilités en tous genres pour les propriétaires et locataires. Alors pourquoi s’embêter avec un sujet qui n’intéresse personne et qui sent la poudre ? Peut-être parce que l’isolation des bâtiments n’est pas aussi simpliste (et de loin) que l’image qu’elle véhicule… Ce qui fait que c’est vraiment le moment de consacrer 6,87 milliards à la rénovation des bâtiments !
• Par isolation des bâtiments on entend quoi exactement ?
• L’isolation ça ne fonctionne pas (si) mal ?
• Qu’est-ce qu’on lui reproche en fait ?
• 7 milliards, ça va le faire ?

Par isolation des bâtiments on entend quoi exactement ?

L’isolation est cette pellicule plus ou moins épaisse dont on recouvre ou tapisse les bâtiments pour éviter que le chaleur (ou le froid, c’est selon la saison ou la latitude) ne s’en échappe. Elle se fixe sur la structure porteuse du bâtiment, puisque par définition, l’isolation c’est principalement de l’air emprisonné, ce qui ne peut pas être porteur.

L’isolation est multiple : il y de la (bio-) diversité dans l’isolation !

 Isolation intérieure (ITI) : en France, l’isolation se fait traditionnellement par l’intérieur par le plaquiste. L’isolation par l’intérieur est en partie responsable des erreurs et imprécisions que cet article déplore. Elle a l’avantage d’être bon marché et de pouvoir être posée en toute saison.

Figure 1 Pose delaine roche (ITI)


 Isolation extérieure (ITE) : elle a beaucoup plus de sens, supprime les accidents thermiques (appelés ponts thermiques) et protège le bâti des intempéries d’hiver et d’été, mais elle reste malheureusement marginale en France, donc forcément plus chère. Elle a également l’inconvénient de se poser « à l’extérieur », donc plus sensibles aux aléas de la météo.

Figure 1 Pose delaine roche (ITI)


 Isolation mixte : elle n’est ni « intérieure » ni « extérieure » puisque qu’il s’agit du mur. Ou plutôt l’isolation remplit le caisson qui forme le mur et devient alors le réceptacle de l’isolation. Surtout pratiqué en construction bois et souvent insufflée. Quelque fois on parle d’isolation « mixte » pour décrire un mixte d’ITI et d’ITE, ce qui renchérit l’ensemble. Peut avoir du sens en rénovation

Figure 3 Caissons bois à remplir d’isolant en combles (PSE insufflé)

 Les matériaux isolants : matériaux dits « industriels » aux propriétés thermiques fixes et en matériaux dits « bio-sourcés » (ou « agro-sourcés » parce qu’issus de l’agriculture), dont les caractéristiques thermiques sont plus évolutives. L’isolant est par essence formé par des matériaux ou l’air (le « vrai » isolant, voire le vide, isolant parfait) est emprisonné dans le matériau, de manière plus ou moins efficace, ce qui fait que « l’isolant parfait » n’a pas encore été trouvé. Il faut donc faire avec l’imperfection… On citera les isolants ici :
a) Isolants industriels : laine de verre, laine de roche, polyuréthane (PU), polystyrène expansé (PSE) et extrudé (XPS), VIP (vacuum isolation panel), etc.
b) Isolants bio-sourcés : laine de mouton, laine de bois, plume d’oie ou de canard, ouate de cellulose (produite à base de vieux journaux), etc.
c) L’isolant peut aussi se décliner selon le niveau de « recyclage » ou de « réemploi » de celui-ci. Ce sont des aspects nouveaux qui sont mis en oeuvre depuis peu par le biais de plateformes locales qui ont vu le jour dans la cadre de la RSE.

Figure 4 La station polaire « reine Elisabeth » en Antarctique très isolé (VIP)

L’isolation ça ne fonctionne pas (si) mal ?

On a longtemps fait de l’isolation des bâtiments sans le savoir, comme Mr Jourdain faisait de la prose. Tout comme on met des vêtements chauds l’hiver, on a mis dans les murs des composants variés pour se prémunir du froid : bauge en Bretagne, paille dans la Beauce, pisé en Savoie…
Ce n’est qu’avec le premier choc pétrolier (1973) qu’on a compris qu’il fallait avoir rapidement des idées puisqu’on n’avait pas de pétrole (Quelle chance, à postériori !). Il a donc fallu se pencher sérieusement sur la façon d’isoler plus efficacement les bâtiments pour diminuer les consommations. Les débuts ont été hasardeux, ce qui explique la consommation élevée du parc des logements existants qui sont si souvent pointés du doigt actuellement. Mais on peut toujours voir le verre à moitié plein ou à moitié vide. Ou en serions-nous si nous n’avions rien fait du tout ? Bien au-delà de la lettre G ? (Comme vous l’avez surement repéré, au-dessus de 450 kWh/m2/a, il n’y a plus de graduations…).

Figure 5

Les réglementations thermiques successives RT2005, RT2012, RE2020, sont venues renforcer le rôle des isolants dans la construction au fil des ans. Le bilan BEPOS de la RE2020, poursuit cet effort dans une certaine continuité.
La déception, c’est qu’on pensait qu’en 10 ans d’efforts on rattraperait 50 ans d’égarements. C’était en oubliant un peu vite l’inertie terrible du monde du bâtiment : On ne construit neuf qu’1% du parc par an. Et c’est à peu près pareil en rénovation. Conclusion : 75% des bâtiments qui seront présents en 2050 sont déjà construits aujourd’hui.
Mais à Paris, la COP21 est venue en 2015 : et pour le bâtiment la pilule va être amère. Il est pointé du doigt comme l’un des deux plus gros contributeurs aux rejets de gaz à effet de serre (GES) de la France avec les transports. Pire ! Sa contribution va augmente en % depuis 2017…

Qu’est-ce qu’on reproche à l’isolation en fait ?

Le « neuf » ne réalise pas les espoirs qu’on y avait placé pour une baisse rapide des niveaux et la « rénovation » ne tient pas davantage ses promesses… Il est vrai que comme l’amiante, l’isolation a été longtemps vue comme la solution « deus ex machina » qu’elle ne peut pas endosser tel que. Pour réduire très fortement les consommations des bâtiments, l’isolation demande une mise en oeuvre soignée couplée avec une conception irréprochable pour éviter ponts thermiques et autres erreurs qui ont fait les scandales de « l’isolation à 1€ » et en même temps la renommée du système « Passivhaus ». (Bien mais cher) En résumé, l’isolation peut répondre au besoin mais c’est un levier exigeant si le but est de réellement faire baisser les consommations et la facture.
IL serait facile de lancer l’anathème sur les uns ou les autres, mais comme la pandémie de Covid19 nous l’a rappelé, les choses sont plus complexes dans les détails. En rénovation, le DPE est un outil assez récent (Nathalie Kosciusko-Morizet/gouvernement Sarkozy) et qui est empreint depuis le début de gros manques. Il est à remarquer que le gouvernement actuel a lancé une refonte complète qui devrait aboutir fin 2020.
Parallèlement, la construction neuve se plaint des règlementations pesantes qui l’accablent mais on oublie de dire que la quasi absence de contrôles sur le terrain (1 contrôle en 100 ans en IDF, risque nul), lui permet de continuer à construire à peu près ce qu’elle veut, comme elle veut pour maintenir ses marges. Mais les contrôles en eux-mêmes sont compliqués à organiser. En fin de chantier, tout est joué. « Il faudrait être tous les jours sur le chantier » dit un spécialiste. C’est bien de la vie dans « le monde d’après » dont il est question maintenant : à chacun de faire sa part.

Alors, oui, il suffit de regarder ailleurs la maison qui brûle, (ce n’est pas ce qui manque en ce moment) et de jeter le bébé avec l’eau du bain, mais ça ne changera rien à la facture…

7 milliards, ça va le faire ?

La première impression est que ça parait énorme ! Mais 4 Mrds pour les bâtiments publics, 2 Mrds pour le privé (sur 2 ans) ça reste bien peu. Le plan de relance a surtout pour effet de marquer la direction :
• 2 Md€ pour les logements privés
• 500 M€ pour le parc social
• 200 M€ pour le parc tertiaire des TPE/PME
• 4 Md€ pour la rénovation des bâtiments publics de l’Etat et des collectivités (hors hôpitaux et EHPAD inclus dans le Ségur de la santé / volet cohésion sociale) + 650 M€ pour les projets vertueux de construction des collectivités + 100 M€ pour les personnes en situation de grande précarité

Pour plus d’information : https://www.gouvernement.fr/france-relance

Il faut garder à l’esprit que si on veut résoudre le problème des passoires thermiques et celui des précaires énergétiques, ce plan ponctuel ne résoudra pas tout, c’est surtout de la continuité dans les décisions après 2022 qui déterminera les avancées. On se rappellera au passage du montant des 30 Mrds d’euros par an sur 10 ans demandés par certains pour y parvenir. En tout cas c’est une première pierre posée sur l’autel de la rénovation énergétique et qui va dans le bon sens, trouvant sa place dans le plan I4CE du HCC (Haut Conseil pour le Climat) et la SNBC 2 (Stratégie Nationale Bas Carbone) de l’ADEME.

https://www.hautconseilclimat.fr/wp-content/uploads/2020/07/effets-macroeconmiques-plan-relance-ademe.pdf

Messages

  • Le 29 septembre 2020 à 12:55 par Mickael Moos

    Bonjour,

    merci pour ce résumé limpide.

    Quelques ajouts : Du fait de la pressions de lobbys puissants, l’ITE, qui est la règle partout en Europe peine toujours à s’imposer dans la construction neuve en France. Et je vois encore et toujours énormément de projets neuf en ITI. Bâtiments qu’il faudra rénover et dont le confort thermique est altéré dès la conception !

    Je ne vous parle que pour la suite de Façade, qui est mon domaine depuis 8 ans maintenant.

    Pour la rénovation, assez trivialement, les solutions constructives massivement utilisées sont a l’encontre du bon sens d’ingénieur, voire d’autres acteurs mal informés.

    PSE et PU (dérivés pétroliers) massivement utilisés alors que l’on souhaite des bâtiments qui ne soient pas des torches à la moindre étincelle.
    Utilisation massive de l’aluminium comme connecteur métallique, et donc ponts thermiques, ce dernier ayant l’une des meilleures (ou pire suivant le point de vue) conductivité thermique => Absurde
    Enfin, les systèmes sous-enduits, qui sont les moins chers à mettre en oeuvre, appelés aussi ETICS dans le jargon. Mais qu’il faut rénover tous les 10 ans du fait des maladies de ce systèmes.

    Bref, on y est pas et on y sera pas car ces méthodes ont la côte. Mais avec tout ces milliards on ira certainement pour un mieux.

  • Le 29 septembre 2020 à 20:01 par Michel Brimbal

    merci pour ce tour d’horizon

    Il y manque un produit peu connu en France, qui a été développé par la NASA et qui est fabriqué par Superior Products : il s’agit de Supertherm, un produit similaire à une peinture contenant des micro pastilles de céramique formant une barrière aux rayons infra-rouges, donc une protection contre les transferts thermiques par rayonnement.
    Deux couches de cette peinture sont équivalents à 10cm de laine de verre, en protection extérieure ou intérieure.

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