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Hydrogène : le carburant vert du futur ?

mercredi 1er octobre 2014, par Guy Moreau (ECL 69)

Centrale-Énergies a organisé le 15 mai dernier une conférence sur les nouvelles perspectives de l’hydrogène comme carburant « écologique » et son utilisation dans des piles à combustibles.

Notre environnement énergétique actuel, en particulier pour la mobilité, est essentiellement basé sur les énergies fossiles qui ne seront pas éternelles aux coûts actuels. De plus, des considérations écologiques telles que le changement climatique du au CO2, la pollution atmosphérique, le bruit, … prennent de plus en plus d’importance. D’où le succès croissant des énergies renouvelables : hydrauliques, solaires, éoliennes, mais ces deux dernières sont par nature intermittentes. Le challenge est d’utiliser au mieux ces énergies, qui n’émettent pas de CO2, en développant une nouvelle filière permettant leur stockage pendant les pics de production et leur transport. Le vecteur le plus intéressant pour cela est l’hydrogène. En effet, comparé aux énergies fossiles, l’utilisation de l’hydrogène ne produit ni CO2 ni polluant mais de l’eau ; de plus il peut être transporté dans le réseau gazier existant en mélange avec le gaz naturel jusqu’à 6%.

Rappelons que l’hydrogène est un vecteur d’énergie et non une source d’énergie primaire. Il doit être produit à partir d’une multitude de sources, typiquement gaz naturel (hydrocarbures), charbon, éthanol, ... et plus particulièrement par électrolyse à partir d’eau et d’électricité. Comme le dit Jules Verne dans L’Île Mystérieuse : « je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène, qui la constituent, utilisés isolément ou simultanément, fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables ». Sa production nécessite d’investir de l’énergie pour l’obtenir et aucun des moyens de production n’est totalement exempt de pollution sauf si, dans le cas de l’électrolyse, l’électricité utilisée est décarbonée car provenant du nucléaire ou d’énergies renouvelables.

Dans ce dernier cas cela permettrait d’assurer, grâce à la flexibilité de la production d’hydrogène électrolytique, une fonction de gestion et de stabilisation du système électrique. En effet, la production d’hydrogène électrolytique serait alors corrélée à la disponibilité d’électricité sur le système électrique ; elle atteindrait sa capacité maximale pendant les creux de consommation et serait réduite à son minimum pendant les pointes de consommation. La production d’hydrogène serait alors le consommateur flexible utilisé pour adapter la demande d’électricité à la production.

L’hydrogène comparé aux carburants fossiles a un énorme avantage. En effet sa densité massique énergétique 35,7 kwh/kg est près de trois fois celle de l’essence, par contre sa densité volumique 600 kwh/m3 à 200 bar est faible, moins de 6 % de celle de l’essence ou le tiers de celle du gaz naturel ! L’hydrogène est un gaz qui ne peut être stocké que sous forme gazeuse sous pression à 350 ou 700 bar ou sous forme liquide à très basse température -253°C. D’autres formes de stockage solide sont en phase avancée de prototypage par fixation chimique sur des hydrures métalliques à basse pression.

L’utilisation de l’hydrogène peut se faire principalement sous deux formes : par combustion interne dans un moteur, mais le rendement est très défavorable, ou dans une pile à combustible générant de l’électricité, évitant ainsi le cycle de Carnot, on obtient alors un rendement global (hydrolyse et génération d’électricité) de près de 35%. Il peut aussi être utilisé pour convertir du CO2 (qui est abondant …) en gaz (Power to Gas), produits chimiques – méthanol MeOH (projet VITESSE2) - ou carburants liquides (Power to Liquid), car il y a des domaines où ces derniers seront essentiels pendant longtemps : aviation, transports lourds, … La pile à combustible ou PAC (FuelCells - FC) semble être la voie la plus prometteuse. Son origine est ancienne, le premier prototype remonte à 1953, mais le coût des matériaux, par exemple le platine, et celui de l’hydrogène comparé aux autres sources d’énergies électriques a freiné son développement. Elle est adaptable à un grand nombre d’applications aussi bien pour du nomade (recharges de lampe de poche, de téléphone, d’ordinateur) que pour du stationnaire (projet MYRTE : génération d’électricité et de chaleur pour des sites isolés – refuges, îles ; projet THEMIS : alimentation pour relais de télécoms ou TV) ou pour de la mobilité (vélos, voitures, bus, véhicules utilitaires, chariots élévateurs). Beaucoup de ces applications ont déjà dépassé le stade de prototype pour maintenant être vendues et accessibles au grand public. La commission européenne coordonne un partenariat public/privé ayant pour objectifs de diviser le coût des PAC destinées au transport par un facteur 10, améliorer leur rendement de 10% et démontrer la faisabilité de production d’hydrogène à grande échelle à partir d’ENR. Il s’agit du FCH 2 JU (Fuel Cells and Hydrogen 2 Joint Undertaking) ayant démarré en juin[1] avec un budget de 1,3 milliard d’euros. De gros progrès ont déjà été réalisés : les PAC récentes utilisent moins de platine qu’un pot catalytique et des développements récents permettent même de s’en passer. De plus l’hydrogène produite par hydrolyse est à un coût marginal grâce aux surplus d’électricité généré par les renouvelables ou le nucléaire.

Concentrons-nous sur un cas important d’utilisation : la mobilité, en particulier sur l’utilisation de la PAC à basse température (PEM Proton Exchange Membrane– pile à membrane d’échange de protons). Cette dernière peut équiper tout véhicule électrique dans tous les domaines du transport : terrestre, fluvial, maritime (par exemple, la marine allemande a équipé ainsi certains de ses sous-marins), … En ce qui concerne le transport terrestre on peut distinguer deux principaux types d’usage : les véhicules utilitaires de livraison urbaine ou périurbaine et les véhicules particuliers. Il y a aussi des applications de niches qui se développent comme les engins de manutention. Dans ce domaine on peut citer le « Don Quichote project » avec des chariots élévateurs chez Colruyt en Belgique, aussi le fait que chez IKEA près de Lyon 20 chariots élévateurs à PAC sont prévus d’ici fin 2014, sans oublier que près de 4 000 chariots à PAC fonctionnent déjà aux États-Unis.

Pour des véhicules la PAC présente des avantages par rapport à l’électricité fournie par batterie tel le temps de recharge (de l’ordre de 5mn), ou le fait qu’elle chauffe : en hiver au lieu d’utiliser l’électricité pour le chauffage et le désembuage ce qui diminue le rayon d’action, on récupère la chaleur dégagée par la PAC. Bien entendu, l’avantage n°1 est son rayon d’action, de l’ordre de 500 km. Tout ceci est obtenu avec un stockage moins volumineux et moins lourd que des batteries qui ont d’ailleurs une durée de vie limitée. La PAC peut être aussi utilisée en hybridation d’un véhicule électrique (VE) - remplaçant ainsi une partie des batteries, on parle aussi dans ce cas de prolongateur d’autonomie. Cela permet de compenser le manque de puissance instantanée de la PAC par un appel à la batterie. La différence entre un véhicule à PAC « pur » et un hybride PAC / Electrique étant la taille de la batterie.

Les premières expériences en France portent sur des véhicules utilitaires avec un objectif de l’ordre de 1500 d’ici à 2020. Les flottes captives en sont la première cible car elles permettent de diminuer l’investissement en nombre de stations de recharge et de préparer la transition vers un réseau national de stations. Un bon exemple est l’expérience menée par La Poste en Franche-Comté avec un HyKangoo, un VE de série équipé d’un prolongateur d’autonomie utilisant une PAC.

En Europe il y a plus de 150 voitures à PAC (FCEV[2]) en service. Au niveau mondial, les principaux constructeurs automobiles - dont Honda, Toyota et Hyundai – ont des projets de commercialisation de voitures grand-public à piles à hydrogène d’ici à 2015. Daimler, Ford et Nissan comptent le faire vers 2017. Certains semblent même se réorienter vers cette solution : Toyota a annoncé récemment qu’il ne renouvellerait pas son contrat d’achat de batteries à Tesla et Honda a annoncé fin 2013 qu’il arrêtait la production de sa voiture électrique Fit EV ; de plus le gouvernement japonais vient d’annoncer une prime à l’achat de 14 500€ pour tout véhicule à PAC, ainsi la future Toyota FCV ne coûterait plus à la vente que 36 500€.

Mais pour que la vente et la circulation de voitures grand-public à PAC (FCEV) se développe de nombreux verrous doivent encore sauter.

Le premier est son image : la « peur de l’hydrogène » considéré comme ultra-explosif est souvent évoquée avec une référence à la catastrophe du dirigeable Hindenburg en 1937. Pourtant l’ampleur de la catastrophe n’est pas dû à l’hydrogène mais aux toiles de l’enveloppe du dirigeable en « aircraft dope » et au carburant diesel embarqué. En réalité l’hydrogène est plus sûr que l’essence car il s’échappe directement dans l’air au lieu de s’accumuler au ras du sol. En 2001 le Dr Swain simulât deux incendies de voitures, une à essence l’autre à PAC. Le résultat est clairement en faveur de la PAC[3]. Plus récemment, Hyundai mit le feu à son crossover Tucson à PAC et il n’y eu pas d’explosion. En 1970, aux États-Unis, un camion-citerne rempli d’hydrogène fit une sortie de route en montagne répandant son chargement, il n’y eut aucun incendie.

Un autre point important est le manque de stations d’approvisionnement. C’est un peu le dilemme de la poule et l’œuf : pas de FCEV pas de station, pas de station pas de FCEV. Mais la situation commence à évoluer. A fin mars 2014 il y avait 186 stations publiques dans le monde dont 9 en Californie. Ce dernier état possède un plan de financement pour 100 stations, 68 d’ici 2017 dont 19 co-financées par Toyota. Au niveau de l’Europe, il existe des initiatives pour contribuer au développement d’une infrastructure hydrogène, en particulier les projets H2 Mobility en Allemagne et en Grande Bretagne depuis 2009. Une initiative identique réunissant de nombreux industriels, des organismes publics et des associations est en cours de discussion en France depuis 2013, les premiers résultats devraient être publiés cette année. Les objectifs au niveau de l’UE sont de 1 000 stations,
dont 50 à 60 en France, et 500 000 FCEV à l’horizon 2020. L’hydrogène utilisé dans ces stations étant au départ à moins d’un tiers d’origine électrolytique mais devenant à long terme, 2050, à plus de 90 % fourni par électrolyse et à près de 50 % grâce à de l’électricité d’origine renouvelable.

Les deux technologies, électrique ou pile à combustible (seule ou plus probablement en complément d’une batterie) sont complémentaires. Le VE rechargé chez soi ou au bureau pour les petites distances, le FCEV à charge rapide pour des usages variés en particulier les longs trajets. Les deux permettent de réduire quasiment à zéro les émissions de CO2 et de particules polluantes ainsi que les nuisances sonores. Seuls les transports routiers lourds, du fait des puissances nécessaires, resteront dans un futur lointain au carburant liquide mais produit par synthèse à partir de l’hydrogène. Bien que la route soit longue avant une utilisation généralisée de l’hydrogène, cette technologie a tout pour s’imposer et d’ici 2050 elle devrait avoir remplacé majoritairement les carburants fossiles.


Illustration 1 : Logo de l’initiative de l’UE

[1] www.fch-ju.eu

[2] FCEV : Fuel Cell Electric Vehicle

[3] http://evworld.com/article.cfm?storyid=482

Retrouvez également cet article dans le Flash n°41.

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