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L’après Copenhague : Back to the future

vendredi 1er janvier 2010, par Emmanuel Meneut (ECM 90)

La dernière négociation internationale sur le climat (COP 15) sous l’égide de l’ONU du 7 au 18 décembre 2009 dernier a débouché sur… un échec selon beaucoup de participants : diplomates, ONG, certaines entreprises et bon nombre de pays d’Afrique, d’Asie mais aussi la France et le Brésil. Quelles sont les conclusions réalistes que nous apprend cet événement ?

L’analyse d’un événement international consiste à identifier les acteurs, leur stratégie et le contexte des rapports de force afin d’établir l’enjeu véritable de la négociation. Si Copenhague fut un échec, c’est celui d’un certain type d’acteurs, avec une stratégie particulière, dans un environnement donné.

La réalité du changement climatique, la position des scientifiques

Tout d’abord rappelons le dernier diagnostic sur le changement climatique établi par le groupe d’experts de l’ONU, le GIEC (mise à jour du 4ième rapport du GIEC pour la COP 15 avant la prochaine évaluation prévue pour 2013). Les émissions de CO2 en 2008 sont supérieures de 40% par rapport au niveau de 1990. Le maintien des taux actuels d’émissions pendant 2 décennies (la durée de diffusion des innovations technologiques dans le domaine de l’énergie et des transports) donne une probabilité de 25% de dépasser une augmentation de température moyenne du globe de 2°C.

Cette température augmente de 0.19°C par décennie depuis un quart de siècle et l’origine anthropogénique du réchauffement est très probable. Ce taux mesuré est en adéquation avec les modèles utilisés et affinés depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992.

En revanche, la vitesse de fonte des glaciers, du Groenland et de l’Antarctique s’accélère. Dans l’Arctique, la fonte pendant les étés 2007-2009 fut de 40% supérieure aux prédictions des modèles. De même, la hausse du niveau des océans (3.4 mm/an sur les 15 dernières années) est supérieure de 80% aux prédictions.

Évolution de la concentration des gaz CO2 et CH4, les gaz à effet de serre les plus importants et dont l’origine est l’activité économique

Les experts ont averti les participants que des composantes du système climatique (calotte glaciaire, forêt amazonienne, pluies des moussons) pourraient être modifiées de façon irréversible d’ici à 2100. Ainsi, le franchissement de seuils critiques au-delà desquels le climat changerait radicalement de façon non linéaire est probable dans le scénario « Business As Usual ». La recommandation du GIEC est alors de limiter l’augmentation de température moyenne à 2°C en 2100. Pour cela, il faudrait atteindre un maximum d’émission de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2020, puis, converger en dessous d’un taux d’émission de moins d’une tonne de CO2 per capita, soit 90% de baisse par rapport à 2000 pour les pays développés.
Ainsi, la communauté scientifique a établi un diagnostic basé sur des observations et un scénario s’appuyant sur les connaissances acquises et validées.

Les acteurs des négociations climatiques

Cette communauté scientifique, dont les normes de fonctionnement garantissent un niveau de fiabilité de ses recommandations, fut appuyée par la grande majorité des ONG. Ces dernières ont relayé et diffusé ces informations grâce à des campagnes médiatiques.

Leur objectif était d’informer l’opinion publique, surtout dans les pays développés, opinion qui exerce une pression sur les dirigeants des pays qui participent et élaborent les engagements internationaux. Beaucoup d’entreprises financent ou sont partenaires de ces ONG. Elles font par ce moyen la promotion de leurs solutions et elles favorisent le développement des marchés qu’elles occupent. Tous ces acteurs, communauté d’experts, ONG et entreprises constituent la gouvernance mondiale dans le cadre fixé par l’ONU.

Aucun d’entre eux n’ayant la moindre légitimité politique, leur stratégie est celle de l’influence, pour orienter la décision des acteurs politiques.

Depuis la fin de la Guerre Froide, ces acteurs ont pris une telle importance que d’aucuns ont cru qu’ils détenaient le pouvoir par leur capacité à fixer le calendrier des négociations politiques et à promouvoir les meilleurs solutions, reposant souvent sur des mécanismes de marchés. Le 18 décembre dernier, la plupart des acteurs non étatiques cités ci-dessus se sont retrouvés à Copenhague vraiment déçus. Car les États, démocratiques ou non, qui ne pouvaient ignorer les impacts du changement climatiques, n’ont pas renoncé pour autant à leurs souverainetés, montrant clairement la limite de l’influence des ONG, des entreprises et de la communauté scientifique sur la scène internationale.

Les phénomènes physiques qui vont induire un ensemble d’impacts sur les sociétés humaines sont résumés sur la carte des catastrophes climatiques à venir ci-dessous.

Quasiment tous les États sont concernés. Mais n’est-ce pas le poids important de ces effets qui ont conduit les dirigeants à prendre conscience des phénomènes climatiques et leurs impacts sur les populations ?. Dès lors, leur stratégie s’est inscrite dans les normes existantes de la communauté internationale, telles qu’elles régissent la prolifération nucléaire, le droit des mers ou des réfugiés.

Le cadre international

La configuration de pouvoir dans laquelle se sont déroulées les négociations sur le changement climatique a été définie par la CNUCCED (1992) et le seul traité contraignant (au sens de la réciprocité des parties) est le protocole de Kyoto (1998). Les Etats qui l’ont ratifié s’obligent à le respecter selon le principe de réciprocité du droit international. Mais tous les pays ne sont pas signataires de ce traité. Dans cette structure de pouvoir, le processus de négociation repose sur la puissance d’action, financière et technologique.

Le processus de négociation

Il s’est déroulé par phases successives. A chacune d’entre elles, il y a eu des acteurs, experts, diplomates, chefs d’Etat, avec un niveau de responsabilité et une marge de manœuvre de plus en plus stratégique. Ils confrontaient leur position et l’objectif était de convaincre les autres participants sur les avantages de leur proposition. Un processus de construction de coalitions permettait de faire avancer sa proposition au mieux de ses intérêts. Ainsi, la proposition du président Obama de financer l’aide aux pays pauvres, sous réserve que les pays émergents acceptent qu’un organisme international contrôle les niveaux d’émissions de GES, fut une tactique pour contraindre la Chine à accepter un accord contraignant.

Compte tenu de l’organisation de la communauté internationale, il n’y avait pas d’autre mode de fonctionnement possible. Si les acteurs non étatiques l’ont cru, ils ont confondus influence et pouvoir de décision, gouvernance et gouvernement.

Les résultats de la COP 15

Pour résumer, l’accord de Copenhague a reconnu :
- l’objectif de limiter à 2°C le réchauffement climatique d’ici à 2100
- Une ébauche de financement, $30 milliards d’ici à 2012 et $100 milliards à partir de 2020, sera la concrétisation de la solidarité internationale des pays développés à destination des pays les moins avancés afin de les aider à s’adapter.
Mais il a complètement oublié, sciemment, les grands instruments incitatifs, tels que le marché des quotas ou la taxe carbone.

La situation après Copenhague

Aucun État n’a abandonné sa souveraineté, faut-il en conclure que c’est un échec ? Il y a simplement des pays qui ont obtenus un résultat proche de ce qu’ils souhaitaient et d’autres non.

En effet, à l’issue de la conférence de Copenhague, le premier constat qui s’impose pour tous les acteurs de la société civile, c’est qu’il y a eu des gagnants et des perdants. A la lecture des déclarations, les premiers (les États-Unis, Chine, Inde, Nicaragua, Bolivie, Soudan, Venezuela) voulaient éviter un accord contraignant et un contrôle international, pouvant nuire à leur développement économique. Les seconds (Brésil, Afrique du Sud, Union Européenne) voulaient mettre en place des mécanismes pour intégrer le coût des externalités dans les coûts de production.

Un autre constat : les stratégies médiatiques des ONG et des organisations internationales sont à revoir autant dans les pays développés que dans les pays émergents. Il faudra intégrer quelques arguments réalistes pour justifier auprès de plusieurs milliards d’êtres humains que le mode actuel de vie « à l’Occidentale » n’est pas durable !

Mais, finalement, le constat le plus marquant fut le comportement des participants étatiques les uns par rapport aux autres. Les négociations ont été marquées par l’absence de confiance, voire de la méfiance. Le fond de la négociation était systématiquement détourné au profit de la gestion du processus. Cela permettait de gagner du temps pour contraindre les participants sur un accord de dernière minute à minima.

La prochaine négociation aura lieu à Mexico en fin 2010. Le changement climatique est devenu un enjeu de pouvoir au sein de la société internationale, comme la finance internationale. Ainsi, cette conférence marque le début concret de ce changement de portée. C’est une bonne nouvelle, car ce sera désormais un sujet incontournable comme le furent les armes nucléaires à l’époque de la Guerre Froide, l’enjeu étant alors déjà la survie de l’humanité.

Vous pouvez retrouver cet article dans le flash n°15

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