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OPECST : Un rapport qui dérange ?

dimanche 1er février 2015, par Patrice Cottet (ECP 74)

Le rapport de l’OPECST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) portant sur « Les freins à l’innovation en matière d’économies d’énergie dans le bâtiment : le besoin d’une thérapie de choc », rédigé par le député Jean-Yves LE DEHAUT et le sénateur Marcel DENEUX, est paru en juillet 2014.
http://www.senat.fr/opecst

Ce rapport avait été demandé par le parlement suite à divers dysfonctionnements apparus ces dernières années, citons en autres :
- la cessation d’activité de plusieurs entreprises de fabrication de ouate de cellulose, suite à des directives et arrêtés habilement orientés pour faire barrage à cette technologie ;
- la difficulté des fabricants d’isolants minces à faire reconnaître l’efficacité de leurs produits ;
- la disparition, de la réglementation thermique, des critères portant sur les gaz à effet de serre, axe pourtant jugé prioritaire dans le Grenelle de l’Environnement ;
- l’abandon constaté dans les projets de construction du chauffage électrique, de la pompe à chaleur, du solaire thermique, au profit du gaz ;
- la lourdeur des procédures pour faire prendre en compte, par le moteur de calcul de la réglementation thermique, des caractéristiques des systèmes nouveaux.

L’Office parlementaire a auditionné de nombreux acteurs, fait des visites de sites et d’usines, s’est déplacé à l’étranger pour consulter des universitaires, constructeurs, architectes. Les principales conclusions de ce rapport portent, en langage très diplomatique, sur la nécessité :
- de clarifier les conflits d’intérêt identifiés parmi les divers acteurs en charge de la mise en œuvre de la politique énergétique dans le bâtiment ;
- d’accélérer les procédures d’agrément et de prise en compte des nouveaux procédés dans les outils de calcul, et de les rendre transparents ;
- de rapprocher les calculs théoriques avec les consommations réellement observées dans les premières années de vie d’un bâtiment ;
- de s’orienter au plus vite vers des standards drastiquement plus performants que la tendance actuelle, en mentionnant spécifiquement le standard passif ;
- de former les professionnels et de développer la thermique du bâtiment, actuellement parent pauvre, dans les programmes universitaires et formations professionnelles, etc… ;
- de supprimer les crédits d’impôts d’économie d’énergie qui se sont montrés inefficaces ;
- d’envisager l’intervention de tiers financeurs pour les travaux d’économie d’énergie, ou, alternativement, favoriser le financement par divers dispositifs, etc….

A notre grand regret, le rapport ne cite pas des éléments qui, pour nous, semblent essentiels, car ils faussent la vision des consommations dans le bâtiment en les minimisant systématiquement, et, partant, minimisent les besoins de performance :
- les températures de référence qui sont à 19°C de jour et à 16°C la nuit, loin de la réalité ;
- une surface de référence hors tout, destinée à augmenter artificiellement la performance annoncée - alors que les architectes utilisent maintenant une surface dite « utile » pour éviter toute équivoque ;
- des consommations basées sur une moyenne, et pas sur l’année la plus froide ;
- la non prise en compte dans le calcul des consommations maximales en kWhep, pour les énergies fossiles primaires, des énergies d’extraction, de traitement, de transport, pourtant imposées à l’électricité ;
- la non prise en compte de l’énergie domestique (grille de refroidissement du réfrigérateur, audiovisuel par exemple) qui devient non négligeable dans le cadre de bâtiments performants.

Ce rapport qui dénonce l’immobilisme du secteur du bâtiment a-t-il de grandes chances d’aboutir à des résultats tangibles ? Nous l’espérons. Il y a urgence : pour preuve, l‘influence du lobby gaz-promoteurs a été de faire adopter récemment pour les bâtiments collectifs une prolongation, du 01/01/2015 au 01/01/2018, de la dérogation dont ils bénéficiaient (57,5 kWh/m²/an au lieu de 50). Cela ne va pas renforcer la crédibilité de la France pour le prochain sommet mondial sur le change-ment climatique, qui se déroulera à Paris fin 2015.

Interview d’Etienne Vekemans, président de La Maison Passive France, par Centrale-Energies

La Maison Passive avait été auditionnée le 13 février dernier par l’OPECST, quelle a été votre contribution ?
L’objectif de La Maison Passive était d’expliquer l’évolution du Label Passif, et pourquoi celui-ci constitue l’avenir de la construction sur le territoire français. Dans ce cadre, un pont à construire entre la RT actuelle et le Label Passif devient incontournable.

Dans son rapport préliminaire, l’OPECST semble confirmer ce point de vue ?
Le passif EST l’avenir de la construction en France, il est donc nécessaire d’anticiper normativement cette avancée à venir. L’Office commence par prendre acte du principe passif. Le principe en est simple : récupérer toutes les formes d’énergie dans un bâtiment quand celles-ci sont disponibles, les restituer quand on en a l’utilité.
Cherchant à favoriser l’innovation, il faut donc encourager les législateurs à ne pas rater le coche du label passif. Je cite le rapport : « Voir comment la réglementation thermique française pourrait faire un peu plus de place au label passif nous éviterait sans doute de perdre une nouvelle bataille d’arrière-garde. »

Et l’innovation ?
La Maison Passive est ravie de constater qu’innovation dans le bâtiment et standard passif sont envisagés comme les deux faces de la même pièce aux plus hauts sommets de l’Etat.

A votre avis, pourquoi l’OPECST est-il si attaché à faire émerger un référentiel passif, c’est-à-dire un label ?
Tout simplement parce que pour l’organisme en charge de l’innovation au sein du Parlement, la perspective d’évolution du secteur du bâtiment est claire : le modèle de demain sera le standard passif. Autant le développer correctement dès l’origine, en favorisant le label Bâtiment Passif™.

La réglementation française permet-elle de passer facilement au standard passif ?
Pour cela je cite le député Le Déhaut :
« Lorsque les progrès de la construction permettront de généraliser la performance du label passif, une modification réglementaire deviendra nécessaire concernant la définition d’un ‘logement décent’ au sens du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent. L’article 3 du décret prévoit en effet qu’un logement doit comporter ‘une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion’ ; or, le but des progrès de l’efficacité énergétique consiste justement à essayer de se passer d’un chauffage, en stockant l’énergie renouvelable lorsqu’elle est disponible pour mieux l’utiliser lorsqu’on en a besoin. Les bâtiments les plus avancés en matière d’efficacité énergétique risqueraient ainsi, faute d’une évolution de la réglementation, de ne pas être considérés comme ’décents’. »
A travers cet exemple anecdotique, on voit donc tout le chemin qu’il reste à parcourir, et nous devrons donc travailler ensemble pour l’élaboration de la prochaine RT...

Retrouvez également cet article dans le Flash n°43.

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