Note de veille de l’IESF : Énergie : des efforts sur tous les fronts
dimanche 21 janvier 2024, par
Dans son dernier tour trimestriel de l’actualité, le comité Énergie d’IESF mentionne notamment : les besoins d’investissements dans le monde face au problème de flexibilité des énergies électriques propres, le grand nombre de professionnels à trouver pour assurer la transition énergétique, l’accord européen pour réformer le marché de l’électricité, le défi fixé par la stratégie française de réduire de 40% à 50% la consommation d’énergie d’ici 2050.
Note de veille du 4ème trimestre 2023
La densité de événements et leur importance dans ce trimestre valent bien un allongement de cette veille. Elle comporte comme d’habitude le trio Monde, Europe, France, très dépendants.
MONDE : Energies fossiles. La COP 28 Dubaï début décembre a laissé la liberté à l’évolution des énergies fossiles tout en leur recommandant d’accélérer leur diminution, le gaz étant aussi reconnu comme un élément de transition.
Charbon : Source Coal 2023, AIE (Agence internationale de l’énergie) 12 décembre : en 2023, la demande devrait encore augmenter de 1,4% pour atteindre 8540 millions de tonnes/an, malgré les fortes baisses en Europe et aux États-Unis de l’ordre de 20% par rapport à 2022, environ 100 millions chacune. Comme d’habitude, ce sont essentiellement la Chine, + 5%, et l’Inde, +8%, qui en sont responsables et ce qui conduit à un nouveau record d’émissions de CO2, +1,2%. L’AIE prévoit néanmoins une stabilisation de la Chine en 2024 et une légère baisse d’ici 2026, 2,3%, grâce à une meilleure production d’hydroélectricité. Mais l’Inde et les pays d’Asie -ASEAN- en sont encore loin. Le prix a néanmoins légèrement baissé mais reste plus haut que celui de l’avant Covid, à cause d’offre plus haute des grands fournisseurs, l’Indonésie, l’Australie, la Russie. Autres sources : En Europe, la Pologne promet l’arrêt total en 2049 avec un déclin lent ; le taux du charbon dans le mix énergétique de l’Allemagne a baissé à 26% par rapport à 31,6% en 2022. La France a décidé- septembre 2023- de convertir ses deux centrales de charbon à la biomasse d’ici 2027.
Pétrole : source AIE 14/11/2023 et IFPEN (Institut français du pétole et des énergies nouvelles) 18/12/2023 : La demande pour 2023 est en hausse à hauteur de 102 Mb/jour, causée par la Chine à 17,1Mb/jour en septembre. La demande en 2024 serait encore en hausse de 1%, puis un palier, suivi par une baisse à partir de 2028-2030. L’OPEP contredit ces prévisions ; elle prévoit une hausse continue jusqu’en 2045, ou plus, à 116Mb/d, pour répondre aux besoins des pays non OCDE et particulièrement de l’Inde. La production suit, malgré les restrictions imposées par l’OPEP et la Russie, grâce aux États-Unis. Suite à la baisse significative du prix au quatrième trimestre, 75$/bbl au lieu de 95, fin du troisième trimestre, l’OPEP et la Russie ont décidé de diminuer encore les quotas ; à noter une légère remontée le 20 décembre, liée à l’intensification des attaques de drones des Houthis sur les pétroliers et autres navires se dirigeant sur le canal de Suez. NB. : guerres, sanctions, quotas : sans eux, on aurait des excédents ; exemple de la fragilité des prévisions : début septembre, l’AIE prévoyait « une importante pénurie de l’offre ». A noter le record de production des États-Unis pour 2023, plus de 13Mbb, grâce au pétrole de schistes, compensant les diminutions de l’OPEP et de la Russie
Gaz naturel : Sources diverses AIE, Cedigaz, Global Gas Outlook, IFPEN. Selon l’AIE, le gaz naturel devrait trouver son pic avant 2030, après l’avoir fixé à 2035. Le marché du gaz naturel a été très volatil et le reste encore ; la ressource ne manque pas, mais les risques aléatoires non plus : le géopolitique, le climat, les sabotages de gazoducs, etc. Le gaz naturel liquéfié se développe rapidement pour remplacer des fournitures par gazoduc, surtout à partir des États-Unis, avec possibilité d’être en retard d’ici 2026, fin d’installations d’infrastructures très importantes. Cette volatilité se voit encore plus dans les prix de gros ; exemple européen : le prix proposé le 21/12/2022 pour 2024 était de 80€/Mwh ; celui proposé le 24/11/ 2023 pour 2024 de 32€/Mwh. Pour l’Europe, les stocks pleins pour traverser les besoins hivernaux et un quatrième trimestre relativement doux vont probablement éviter le risque de blackout ; par ailleurs, son prix reste le chef d’orchestre de celui de l’électricité de gros pour 10 ans.
Energies propres : World energy outlook ; AIE 2023 présentée début octobre : si la COP 28 n’a pas suivi à la lettre, cette étude approfondie l’y a aidée. Selon l’AIE, pour atteindre le 1,5°C en 2050, il faudrait que les énergies électriques propres contribuent à 8O% des besoins, dont 50% le solaire. NB : l’éolien n’est pas cité. Mais la tendance des STEPS- scénarios de politiques déclarées-en est très loin. Il faut donc investir plus dans les réseaux et les batteries répondant aux problèmes de flexibilité, et dans toutes les autres énergies propres pour les flexibilités à court terme et aux variations saisonnières : hydroélectrique, nucléaire, les combustibles fossiles soutenus par les CCUS (captage, utilisation et stockage du carbone), la biomasse et l’hydrogène. Précision : pour les CCUS, la réserve de projet est de 400 millions de tonnes de captage de CO2 opérationnels d’ici 2030, et pour l’hydrogène, électrolytique de 400GW. 118 pays sur 198 se sont engagés à multiplier par trois les capacités des énergies renouvelables d’ici 2030 comme recommandé par l’AIE ; 2O pays se sont engagés à multiplier par 3 les capacités du nucléaire d’ici 2050.
Sociétal : Echos octobre : transition énergétique : 7 millions de professionnels à trouver, dont 55% pour les États-Unis et la Chine. Pour la France, 130.000 ; 10% de très haut niveau, 50% de formation sur 2 à 3 ans, solaire 44%, éolien 24%, bio 17,5%. Aujourd’hui 130.000
EUROPE : Réforme du marché de l’électricité. Présentée en mars 2023, cette réforme a trouvé un accord entre les ministres européens en octobre après une bataille serrée entre l’Allemagne et la France, l’Allemagne ne voulant pas que le nucléaire bénéficie de son coût sur l’électricité, par rapport au sien. La France a eu gain de cause. Le conseil de l’Union européenne et le parlement l’ont ratifié le 14 décembre, avec une version visant à rendre le prix de l’électricité moins dépendant des prix volatils des énergies fossiles, surtout du gaz. La France a obtenu que son parc nucléaire soit couvert dans le texte. Au coeur de l’accord, les « contrats par différence » - les CFD-, passés entre les producteurs et les Etats. L’Etat intervient et comble la différence si le prix du marché tombe en dessous d’un prix convenu ; s’il est plus élevé au-dessus d’un prix convenu, le surplus revient à l’Etat ; d’où une plus grande stabilité pour le consommateur. Pendant ce temps, l’Allemagne décidait d’accorder 12 milliards d’aides aux industries très consommatrices, pour devancer la France, réduits par deux quelques semaines plus tard, pour équilibrer le budget national.
FRANCE : Stratégie française pour l’énergie et le climat (SPEC) : Elle inclut la SNBC, Stratégie Nationale Bas Carbone, la PPE, programmation Pluriannuelle de l’Energie, et la PNACC, Plan National d’Adaptation au Changement Climatique. Trois défis sont à atteindre par la nouvelle SPEC : Réduire de 40 à 50% la consommation d’énergie d’ici 2050, disparition du charbon pour la production électrique d’ici 2027 avec le zéro carbone et de la dépendance aux énergies fossiles en 2050, enfin +10% de production électrique en 2030, puis 55% en 2050, doublement de la chaleur bas carbone en 2035. Elle a 5 objectifs : baisse de la consommation, augmentation des énergies décarbonées, adaptation des réseaux, garantir la sécurisation d’approvisionnements, préserver le pouvoir d’achat et la compétitivité. Les trois piliers de la SPEC ont été mises en consultation ce trimestre.
Le nucléaire : le nucléaire est enfin reconnu dans le monde et l’Europe ; le Conseil européen vient d’introduire le nucléaire dans le NZIA-Net Zéro Industry Act, lui permettant d’être traité comme les autres technologies. Le gouvernement s’intéresse au développement des SMR -Small and Medium Reactor- en aidant 8 « start-up », tout en favorisant les SMR Nuward. Les douze membres de l’association des pays européens nucléaristes, avec Israël, ont appelé la Commission européenne à créer une alliance industrielle, pour une production électrique dès 2030 ; elle est déjà favorable aux SMR et au développement de la quatrième génération. Un SMR alimentant les électrolyseurs à haute température permettent un gain économique de 20 à 30%, grâce à leur chaleur fatale. Orano signe un contrat stratégique avec la Mongolie sur l’uranium et les métaux rares dont le lithium, et le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).
Question : Faut-il croire que les mini-chaudières de Nukathom peuvent remplacer les chaudières au fuel ou aux gaz des immeubles ?
La chaleur : Plan de développement pour la chaleur renouvelable, métropole et outre-mer, dont stockage souterrain d’eau chaude de haute température, produite par le voltaïque excédentaire en été, chaleur destinée aux besoins hivernaux. Première centrale en Gironde. Projet majeur pour l’Ile de France, 15 milliards d’euros. Début, l’inauguration d’une centrale géothermique à St-Denis pour le village des athlètes des Jeux Olympiques.
L’Éolien : accélération des projets terrestres, dû à l’Etat, qui a indexé les prix contrats à l’inflation. 54 dossiers ont été retenus pour une puissance de331MW, s’ajoutant aux mille MW retenus en début d’année ; le prix, en forte hausse, est de 86,94/MWh moyen ; NB : ce qui va lui faire dépasser le coût nucléaire, en tenant compte des nombreux investissements des infrastructures, de 15% de l’intermittence et du stockage. 2 projets flottants sont en examen, pour une puissance de 750MW chacun, pour une décision en 2024 et un démarrage en 2032. L’ensemble conduira à un doublement en 2035, mais pas au triplement demandé. La situation européenne est plus grave, provoquée par l’inflation, non indexée, et la hausse importante des matériaux ; le prix moyen de l’éolien terrestre est passé de 2,4 millions d’euros par éolien, à 3,2 millions. En Grande-Bretagne, c’est encore pire pour le flottant, + 66%.
Nouvelles technologies : Stockage hydrogène sous forme solide, prix de l’invention européenne 2023, CNRS Grenoble ; projet France et Norvège, chaleur et navigation, et au Maroc pour stockage chaleur. Verre fluoré faisant passer le taux de transmission de15% à 80% dans la fibre ; société bretonne, Le Verre Fluoré, équipe de recherche Strasbourg et Sétif, Algérie ; commercialisation en cours. Lasure autonettoyante à nanoparticules, supprimant les besoins de nettoyage des panneaux solaires en permettant d’éviter que les nanoparticules se rassemblent et deviennent visibles, et donc d’avoir de meilleurs résultats que les autres lasures ; inventeur Stéphane Danièle, université Claude-Bernard à Lyon. Commercialisation en démarrage par Neoformula, filiale de Cap Trading, Rhône.
Bruno Wiltz, vice-président du comité Énergie, 25/12/2023