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Automobile du futur : le grand match ! (Flash n°63)

lundi 25 février 2019, par Eric Trochon (ECL95)

En 2017, Nicolas Hulot annonçait la fin de la commercialisation des véhicules diesel et essence d’ici 2040. À moins que de nouvelles technologies ou de nouveaux combustibles émergent, il nous restera en 2040 le choix entre les véhicules électriques et les véhicules à hydrogène. Bien sûr nous aurons aussi le co-voiturage, l’auto-partage, les transports en commun voire ... les drones. Mais il y aura encore des voitures .
Des véhicules électriques équipés de batterie de 100 kWh permettant de parcourir plus de 500 km entre 2 recharges sont disponibles [1]. On nous annonce des stations de recharge d’une puissance de 100 voire 350 kW [2]. Est-ce cela le futur de la mobilité pour tous, des batteries énormes associées à la charge rapide ? Ou est-ce l’hydrogène, les véhicules à pile à combustible, associé à des stations de recharge en hydrogène vert ? Projetons nous dans le futur avec non pas un mais trois matchs pour les départager !

Le match du conducteur

Nous sommes en 2040. Que choisir entre un véhicule électrique équipé d’une batterie de 100 kWh et un véhicule à pile à combustible stockant 5kg d’hydrogène ?

Autonomie

Un véhicule électrique consomme de 50 Wh / km (Renault Twizy) à 200 Wh / km (Tesla Model S) d’énergie [3]. C’est plus si on fait appel au chauffage ou à la climatisation. C’est plus aussi sur autoroute. Retenons 200 Wh / km. Avec 100 kWh d’énergie stockée, l’autonomie est donc de 500 km. C’est autant que ce que la Toyota Mirai offre avec ses 5 kg d’hydrogène [4]. Egalité !

Temps de recharge

Avec l’hydrogène, pas besoin de charge rapide, le plein se fait en 5 mn à la pompe aussi facilement qu’aujourd’hui. Avec l’électrique, on nous promet au mieux de récupérer 80% de l’autonomie en 15 minutes. Victoire l’hydrogène !

Coût à l’achat

Ici pas de quoi différencier nos concurrents : les véhicules électriques équipés d’une batterie de 100 kWh et les véhicules à hydrogène sont tous les 2 hors de prix ! Plus de 70000 €. Mais d’ici 2040 ils ont le temps de se démocratiser. Match nul !

Coût à l’usage

Le coût de l’hydrogène certifié vert est élevé de 15 € le kg [5]. La consommation d’un véhicule hydrogène étant de 1 kg / 100 km [4], on arrive à un coût de 15 centimes par km. 15 centimes, c’est le prix du kWh d’énergie électrique [6] avec lequel un véhicule électrique parcourt … 5 km ! Grosse différence ! Toutefois le prix de l’hydrogène vert devrait baisser à 7 voire 6 € par kg. C’est tout de même une victoire sans appel pour l’électrique !

Infrastructure

Pas toujours facile de recharger un véhicule électrique, surtout si on habite dans un logement collectif comme 45% des français [7]. Mais la France compte tout de même plus de 25 000 stations publiques de recharge électrique [8] et à peine une vingtaine de stations de recharge hydrogène [9]. Ça va changer car le plan hydrogène vise 400 à 1000 stations en 2028 [10] mais on ne pourra jamais faire le plein d’hydrogène à la maison. C’est donc une large victoire pour l’électrique !

Le match de la planète

Nous sommes toujours en 2040 et cette fois c’est la fibre écologique qui parle. Que le véhicule soit électrique ou à hydrogène, il est sans émission à l’usage et c’est salutaire pour nos poumons. Mais les 2 motorisations se valent elles aussi sur le plan des émissions de CO2 qui sont responsables du réchauffement climatique ?

Bilan carbone à la fabrication

Actuellement, le bilan carbone d’une batterie est de 175 kg de CO2 émis par kWh de batterie fabriqué soit plus de 17 tonnes de CO2 pour une batterie de 100 kWh [11]. C’est davantage que ce qu’une voiture hybride émet sur 150000 km ! Bien sûr, cela peut s’améliorer en produisant les batteries dans des pays comme la France ou la Norvège où le bilan carbone de l’électricité est bas.
Dans un véhicule hydrogène, il y a aussi une batterie mais elle est beaucoup plus petite. Le bilan carbone pour la batterie, la pile à combustible et le réservoir serait de 3 tonnes de CO2 [12] et il peut aussi s’améliorer. C’est donc une large victoire de l’hydrogène !

Bilan carbone « puits à la roue »

Le bilan carbone du puits à la roue comprend la production et la distribution de l’énergie et son utilisation par le véhicule.

Commençons par l’hydrogène. Un véhicule hydrogène alimenté en hydrogène vert n’émet pas de CO2 pour son énergie et juste de la vapeur d’eau pour son fonctionnement. C’est un vrai véhicule 0 émission du puits à la roue.

Si l’hydrogène était produit par reformage d’hydrocarbures comme c’est le cas à plus de 95% aujourd’hui, alors il serait beaucoup moins cher mais 10 kg de CO2 sont émis pour 1 kg d’hydrogène produit [13]. Combiné à la consommation d’un véhicule hydrogène (toujours 1kg / 100 km), cela fait 100 g CO2 / km soit pas mieux qu’un véhicule hybride ou qu’un diesel récent. Pas d’autre choix donc que d’utiliser de l’hydrogène vert, obtenu par électrolyse de l’eau, et d’en payer le prix…

Le véhicule électrique maintenant. Et là ça se complique. Pas pour ses émissions à l’usage, qui sont nulles, mais pour les émissions liées à la production de son énergie. En France, produire 1 kWh d’électricité ne produit que 100 g de CO2 grâce au nucléaire [14] mais c’est près de 500 g aux USA, 700 g en Chine [15]. Combiné à la consommation d’un véhicule électrique (toujours 200 Wh / km), on arrive à 20 g de CO2 par km en France mais 100 g par km aux USA et 140 g par km en Chine. Un véhicule hybride ou diesel fait mieux aux USA, en Chine et en fait dans la plupart des pays. La victoire revient donc à l’hydrogène (vert) !

Le match du réseau électrique

Cette fois nous sommes en 2050. Le parc s’est renouvelé et il n’y a plus que des véhicules 0 émission ! Bye-bye les pots d’échappement et les 2/3 de la facture pétrolière (21 milliards en 2017) ! Combien sont ces véhicules ? Le développement du co-voiturage, de l’auto-partage et des transports en commun a réduit le parc mais le kilométrage moyen a augmenté à cause de l’auto-partage et des parcours qui sont faits à vide par les voitures autonomes [16] !

Admettons que nous ayons en 2050 25 millions de véhicules légers parcourant 20000 km par an. Et si ces véhicules étaient tous électriques ? Ou au contraire s’ils étaient tous à hydrogène ? Quelles conséquences pour le réseau ?

Energie

Notre véhicule électrique consomme 200 Wh / km. En roulant 20000 km par an, sa consommation annuelle est donc de 4 MWh. Si tout le parc est électrique soit 25 millions de voitures, on arrive à 100 millions de MWh soit 100 TWh. C’est 19% de l’énergie produite par le réseau français en 2017 [17] ce qui est beaucoup !
Regardons l’hydrogène vert maintenant. Il faut 65 kWh pour en produire 1 kilogramme par électrolyse de l’eau et le comprimer à 700 bars [18]. Combiné à la consommation d’un véhicule hydrogène, (1 kg / 100 km), on arrive à 650 Wh / km soit plus de 3 fois la consommation d’un véhicule électrique ! Sur un an, un véhicule hydrogène consomme donc 13 MWh et 25 millions de voitures hydrogène consommeraient 325 TWh soit plus de 60% de l’énergie annuelle produite par le réseau aujourd’hui. Impossible ! L’électrique emporte donc cette manche.

Puissance

Que se passera-t-il quand un million de conducteurs voudront recharger en même temps en 30 minutes leurs batteries de 100 kWh sur la route des vacances en France ? Un million consommant 200 kW, cela fait 200 GW soit bien davantage que la capacité du réseau EDF (130 GW) [17]. Et 1 million c’est juste 4% du parc… La charge rapide pour tous ? Impossible ! Et si le constat est vrai en France, un pays exportateur d’électricité, il est bien sûr encore plus vrai ailleurs ! Avec l’hydrogène, pas besoin de charge rapide donc pas de problème de puissance pour le réseau. L’hydrogène prend sa revanche !

Résultats

Quel est le grand gagnant ? Pas facile … Mais il y a un grand perdant ! Que l’hydrogène ou l’électrique triomphe, ça va être compliqué pour le réseau ! Dans le monde entier il faut davantage d’énergies renouvelables pour :

  • faire face à l’énergie demandée par les véhicules,
  • faire face aux appels de puissance liés à la recharge des véhicules électriques,
  • produire l’hydrogène vert et en réduire le coût,
  • améliorer le bilan carbone du kWh électrique,
  • améliorer le bilan carbone de la fabrication des batteries.

Le choix du véhicule quant à lui dépendra comme toujours de l’usage :

Pour qui roule beaucoup (VRP, chauffeurs routiers, taxis) l’hydrogène sera incontournable grâce au temps de recharge. Mais ça risque de tousser à cause du prix de l’énergie …

La plupart des gens se rendent à leur lieu de travail en voiture [19] avec un parcours de moins de 100 km dans 95% des cas [20]. Pour cet usage le véhicule électrique est parfait ! Et pas besoin d’attendre 2040 pour en acheter un, ni de le prendre équipé d’une énorme batterie car une batterie de 20 kWh suffit pour faire 100 km et elle a l’avantage de se recharger en une nuit en 16A et d’émettre beaucoup moins de CO2 pour sa fabrication qu’une batterie de 100 kWh. Et puis pourquoi ne pas réduire au minimum non seulement la batterie mais aussi le véhicule ? La planète vous en saura gré. Là aussi la Chine est en avance avec plus de 4 millions de LSEV (Low Speed Electric Vehicle) en circulation [21].

Et pour ceux qui veulent un véhicule polyvalent qui les emmène au bureau tous les jours et qui permet aussi de partir en vacances à l’autre bout de la France avec toute la famille, alors le bon véhicule sera ni l’électrique ni l’hydrogène mais les 2 ! Ce sera le véhicule hydrogène rechargeable ou Plug-in Fuel Cell Electric Vehicle (PFCEV) tel que la Mercedes GLC F-CELL [22] ou le Kangoo ZE-H2 équipé par Symbio [23]. La batterie de 13,8 kWh de la GLC F-CELL offre plus de 50 km d’autonomie et se recharge en moins d’une nuit. Elle permet de faire 80% des trajets quotidiens au meilleur coût. Et son réservoir de 4,4 kg d’hydrogène offre plus de 450 km d’autonomie supplémentaire et se recharge en 5 mn. Le meilleur des 2 mondes !

Conclusion

Alors l’avenir de l’automobile sera-t-il plutôt électrique ou hydrogène ? J’espère que vous en êtes maintenant convaincus, les 2 solutions sont tellement complémentaires qu’elles vont cohabiter pacifiquement et souvent fusionner avec les Plug-in Fuel Cell Electric Car.

L’enjeu est ailleurs. Dans « automobile » il y a « mobile » mais il faut aussi penser « stationnaire » plus que jamais ! Et c’est maintenant que 2040 et 2050 se préparent en développant l’infrastructure de recharge.

Pour l’électrique : ce ne sont pas les bornes publiques qui font défaut car 95% des recharges se font à la maison [24] ce qui n’est pas toujours facile pour les 45% de français qui vivent en résidence collectiveV. C’est plutôt là que le bât blesse. Pour l’hydrogène, la France vise 400 à 1000 stations publiques en 2028 [17].

L’avenir de l’automobile reste incertain mais les stations capables de créer et distribuer au même endroit l’énergie verte sous forme d’hydrogène ou d’électricité ont clairement de l’avenir ! Et elles pourraient ressembler à ceci :


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