Les réseaux de chaleur sur datacenters
mercredi 1er juin 2016, par
Des projets de récupération de la chaleur des datacenters via un réseau de chaleur ont déjà vu le jour en France comme à l’étranger. Le nombre de datacenters augmente d’année en année et le potentiel de chaleur fatale également. Lors des assises des énergies renouvelables en milieu urbain, les datacenters ont été présentés comme une source sérieuse de chaleur pour les franciliens. Une cartographie représentant les datacenters et les réseaux de chaleur en Ile-de-France a été réalisée par la DRIEE (Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement et de l’Energie Ile de France).
Des obstacles dans le développement de cette ressource existent pourtant. Certains gestionnaires de datacenters peuvent être réticents à l’idée de ne plus contrôler parfaitement la thermique de leur centre. Des problèmes d’adéquation de la température des datacenters et de celles de la plupart des réseaux de chaleur actuels sont également souvent évoqués.
Les datacenters représentent bel et bien une source de chaleur non négligeable mais l’exploitation de cette ressource demande peut être encore quelques ajustements techniques et juridiques.
Néanmoins quelques réalisations sont en cours, tels les exemples ci-après.
Exemple 1 à la Courneuve
Interxion, géant du stockage de données, prévoit la construction d’un nouveau datacenter à La Courneuve sur l’ancien site d’Eurocopter. Cette ferme de données sera la plus grande de France avec 20 000 m². Ce bâtiment nécessite une capacité électrique de 100 MW, soit l’équivalent d’une ville d’environ 80 000 habitants.
Pour autant l’entreprise n’entend pas négliger l’environnement malgré son activité énergivore. Elle a signé un partenariat avec EDF en s’engageant à ce que 90% de l’énergie consommée provienne des énergies renouvelables. Interxion va même plus loin puisque sur le site de La Courneuve sera intégré un système de recyclage de la chaleur afin d’alimenter le réseau de chaleur de la ville. Un échangeur thermodynamique permettra de remonter la température de 25 à 60 degrés.
Exemple 2 à Val d’Europe
Le nouveau quartier du Val-d’Europe construit par le groupe Euro Disney en partenariat avec les pouvoirs publics à Marne-la-Vallée exploite la chaleur émise par un datacenter pour chauffer les bâtiments de son parc d’entreprises. La chaleur est collectée et distribuée par le biais d’un réseau de chaleur, pour une puissance de 2,4 MW à fin 2013 et de 7,8 MW en 2015. Le réseau couvre ainsi les besoins de chauffage et d’eau chaude de plusieurs centaines de clients, représentant une surface totale de 600 000 m². A terme, cette énergie de récupération fournira 26 GWh pour chauffer 600 000 m² de locaux sans émission de CO2 : à Paris Val d’Europe, elle permettra d’économiser annuellement le rejet de 5 400 tonnes de CO2.
En concertation avec le Syndicat d’agglomération nouvelle du Val d’Europe, Dalkia a ainsi construit ce nouveau réseau de chaleur qui est alimenté par une énergie de récupération provenant de ce datacenter. Une première en France. En effet, ces centres de données, constitués d’équipements informatiques puissants, sont de très gros consommateurs d’énergie, notamment pour être en permanence rafraîchis par des groupes de production de froid. Un datacenter de 10 000 m² consommerait ainsi autant en électricité qu’une ville moyenne de 50 000 habitants. En outre, la consommation électrique de ces centres représente un coût important en termes financiers mais également un impact considérable sur l’environnement. « Dalkia a donc eu l’idée de récupérer les volumes d’air chaud générés par les groupes de production de froid et de les valoriser au bénéfice du réseau de chaleur », explique Jean-Philippe Buisson, directeur Dalkia Ile de France. Habituellement perdue, la chaleur dégagée par les groupes froids et évacuée sous forme d’un air chaud est récupérée par des échangeurs thermiques. En sortie d’échangeurs, une eau à 55 °C chemine dans les canalisations du réseau du parc d’activités et assure la production de chauffage et d’eau chaude.
Par ailleurs, une chaufferie gaz de 5 MW a été prévue pour assurer l’alimentation du réseau en secours.
La réalisation de ce projet a un coût important évalué à plus de 4 millions d’euros. L’établissement bancaire, propriétaire du datacenter et du bâtiment de 10 000 m2, a pris en charge 10% de l’investissement, le reste étant à la charge du gestionnaire du réseau, Dalkia. En outre, la filiale de Veolia Environnement et d’EDF a entrepris des démarches pour obtenir une subvention du Fonds chaleur de l’Ademe et a ainsi obtenu une aide de 1 million d’euros.
Pour amortir ces investissements et réduire les frais de maintenance, la société bancaire a signé un contrat de 25 ans avec Dalkia qui rachète à bas prix la chaleur récupérée issue des groupes froids. Les abonnés, quant à eux, bénéficient d’une tarification selon la puissance souscrite d’environ 8 centimes d’euros par kWh. « Ce tarif est moins cher que l’individuel électrique et légèrement supérieur au chauffage au fioul. Mais, le prix de cette énergie renouvelable restera très stable alors que celui des énergies fossiles risque encore de progresser ces prochaines décennies », souligne Jean-Philippe Buisson.
Avec l’augmentation du nombre de datacenters - 99 actuellement en France - et grâce à ce projet, Dalkia espère convaincre d’autres propriétaires de centres informatiques de la pertinence de ce système. Plusieurs contacts ont déjà été pris, mais aucun nouveau projet de récupération d’énergie issue de datacenters n’a encore été annoncé.
Petites chaudières numériques
Même si l’informatique peut être certainement beaucoup plus éco-responsable, elle constituera une part toujours croissante des bilans énergétiques. Alors, pourquoi ne pas, tout simplement, acter cet état de fait et utiliser la chaleur dégagée par les serveurs pour, par exemple, chauffer bureaux ou logements. Chez certains utilisateurs, la chaleur produite par les serveurs est récupérée et utilisée pour chauffer les bureaux. Mais l’on peut également envisager d’implanter un datacenter près d’un bureau, d’un logement collectif ou même d’un écoquartier, et ainsi récupérer la chaleur produite. Exactement comme l’on cherche de plus à plus à relier les usines et centres d’incinération, producteurs de chaleur fatale, à des quartiers de bureaux ou de logements, consomma-teurs de chaleur.
La société française Stimergy compte même en faire un modèle d’affaires. Son projet : développer des petites chaudières numériques, constituées d’une vingtaine de serveurs, et logées, tout simplement, dans les caves d’immeuble, les chaufferies d’hôtels ou de bâtiments publics. La chaleur fatale dégagée est récupérée pour produire une partie de l’eau chaude des habitants. Une première chaudière numérique a ainsi été installée à l’université de Lyon 3.
Stimergy se rémunère en louant la capacité de ses serveurs à des entreprises utilisatrices, qui disposent ainsi d’un cloud assez original. Mais s’il est situé dans un endroit a priori peu banal –et peu avenant–, ce « centre de données » est, bien entendu, fortement sécurisé.
Conclusion
La récupération des énergies fatales constitue un axe de développement intéressant pour utiliser au mieux l’énergie consommée. Exactement comme l’on cherche de plus en plus à relier les usines et centres d’incinération, producteurs de chaleur fatale, à des quartiers de bureaux ou de logements, consommateurs de chaleur, la récupération de chaleur des datacenters est appelée à se développer.
Sources :
– Assises des EnR en milieu urbain
– Article du moniteur du 8/10/2013 : les Parisiens se chaufferont-ils aux disques durs ?
– Sur le même sujet : Helsinki – 4500 logements chauffés par un datacenter
– Voir aussi : Les nouvelles sources d’énergie pour les réseaux de chaleur
– Réalisations et exemples
– Datacenters et chauffage
Retrouvez également cet article dans le Flash n°50.