Accueil > Publications > La filière biogaz, des perspectives de forte croissance pour la France et (...)

La filière biogaz, des perspectives de forte croissance pour la France et pour l’Europe

mardi 20 octobre 2020, par Adrien Zyngerman, Cécile Adnot (ECM 06), Clément Lefebvre

Cet article synthétise les principaux éléments suite au Webinaire sur la filière biogaz, qui a eu lieu le 9 septembre 2020.

Résumé
Le biogaz, obtenu par méthanisation ou digestion anaérobie, est composé essentiellement de méthane et de dioxyde de carbone. Il est appelé à jouer un rôle essentiel et croissant dans un mix énergétique diversifié. Que ce soit pour des usages thermiques, process, ou comme carburant Gaz Naturel Véhicule (GNV), des études récentes ont démontré sa pertinence pour décarboner des usages clefs de notre paysage énergétique. Au-delà de l’énergie, c’est l’activité agricole et l’agronomie, le dynamisme économique des territoires ruraux ou encore la gestion des déchets qui bénéficient du développement de cette filière multi-services. Selon l’AIE dans son Outlook for biogas and Prospects for organic growth datant de mars 2020, biogaz et biométhane pourraient d’ores et déjà permettre de couvrir environ 20% de la demande mondiale de gaz.

Principes de la méthanisation

Collecte : Le biométhane est produit à partir de la dégradation de matières organiques, des déchets ménagers, agricoles, de déchets des industries agroalimentaires et des résidus de traitement des eaux usées.
Méthanisation : Une fois collectés, les déchets sont transportés sur le site de traitement. Ils y sont stockés et transformés en biogaz dans les digesteurs. Le résidu solide et/ou liquide appelé digestat, est à son tour stocké pour en faire de l’engrais organique.
Epuration : Etape où le biogaz est traité afin d’obtenir un gaz aux propriétés équivalentes à celles du gaz naturel, qu’on appelle biométhane.
Injection : C’est à cette étape que le biométhane est odorisé et contrôlé. S’il est conforme aux spécifications du réseau, il y est alors injecté.
Valorisation : Produit localement, le biométhane permet le développement du territoire et favorise l’émergence d’une économie circulaire. Utilisations : chauffage, cuisson, eau chaude, process, engrais (utilisation du digestat) et biocarburant.

La méthanisation en quelques chiffres

La production mondiale de biogaz provient principalement d’Europe et d’Asie, la part des Amériques augmentant progressivement (avec le développement du marché US et Canada).
La croissance de la production de biométhane depuis 2010 a stimulé le marché mondial du biogaz. La croissance du marché européen du biogaz est principalement due à l’essor de la production de biogaz à partir de matière agricole (cultures dédiées et déchets)

Figure 1 : production de biogaz par continent (2018). Source ENEA Consulting
Historiquement développée autour de la cogénération à partir de gaz de décharge et de petites unités agricoles, la filière biogaz est actuellement portée par le développement du biométhane avec des unités plus importantes, principalement dans l’UE

Figure 2 : Sources de biogaz dans l’UE (2000 - 2018). Source : ENEA Consulting

Externalités positives

Les services rendus sont complexes à évaluer économiquement ; la pertinence de la filière passe pourtant par la valorisation de ces bénéfices.
Etat 30 €/MWh
• Émissions de gaz à effet de serre évitées
• Coût évité pour le traitement de la pollution des nappes phréatiques
• Création d’emploi
• Bénéfices additionnels non monétisés :
o -10 à -30 % importation de NG (indépendance énergétique et balance commerciale)
o Dynamique de Transition Énergétique au sein des territoires et du monde agricole
o Création d’emploi en territoire rural
Consommateurs d’énergies (industriels, particuliers) 20 €/MWh
• Production d’une énergie non variable et stockable (pour un usage final chaleur, coût d’adaptation du réseau gaz pour le biométhane inférieur à celui de l’intégration des EnR variables sur le réseau électrique)
• Limitation de l’augmentation des coûts de distribution et de transport du gaz, grâce au maintien d’un certain volume de gaz en transit
Producteurs de biodéchets (IAA, collectivités) de 0 à 20 €/MWh
• Réduction des coûts de traitement des biodéchets
Agriculteurs, 5 €/MWh (nombreux bénéfices non monétisés)
• Diminution du recours aux engrais minéraux azotés
• Bénéfices additionnels non monétisés
o Diminution du recours aux autres intrants minéraux (phosphore, potassium, etc.)
o Impact positif des CIVE sur la culture principale
o Préservation de la biodiversité en lien avec le développement des CIVE (pollinisateur)
o Diversification des sources de revenus

ENEA Consulting illustre les innovations de la filière par plusieurs initiatives, répondre aux enjeux de demain :
• La collecte des biodéchets des professionnels et des ménages triés à la source à partir de 2023 (Axibio, Biotank, etc…).
• La valorisation des biodéchets des collectivités à petite échelle (Tryon, BioBeeBox, etc…).
• La « collecte du laitier » pour la production du biogaz non épuré auprès de petites unités au plus près du gisement (Sublime Energie).
• L’accès à l’énergie et le renforcement des performances de l’agriculture dans les pays en voie de développement (Atec* Biodigesters, Sistema.Bio, etc…)

Mécanismes de soutien actuels

Le Gestionnaire du registre des garanties d’origine (GO) - GrDF
• Créé une garantie d’origine sur demande du fournisseur de gaz naturel
• Détruit la garantie d’origine après la déclaration de vente ou d’utilisation de la GO auprès du fournisseur de gaz naturel
Producteur de biométhane :
• Produit puis vend du biométhane au tarif d’achat réglementaire (+éventuellement premium pour la GO) au fournisseur de gaz naturel
• Injecte le biométhane sur le réseau après contrôle du gestionnaire du réseau de gaz naturel
Fournisseur de gaz naturel
• Achète du biométhane à un producteur (prix de la GO inclus)
• Peut proposer des offres de gaz renouvelables à ses clients grâce à l’utilisation des GO.
• Verse 75% de la valorisation de la GO au Gérant du compte de compensation – Caisse des Dépôts (sauf usage de mobilité 0%)
Gestionnaire du réseau de gaz naturel - GrDF
• Achemine le biométhane jusqu’au consommateur final
Gérant du compte de compensation
• Verse une compensation au fournisseur (pour l’achat de biométhane au tarif de rachat, hors valeur de GO)

Evolutions réglementaires en cours
• Nouveaux tarifs d’achat (fin 2020 ?), mise en place d’un guichet ouvert sur les projets < 20 ou 25 GWh/an et appel d’offre pour les autres (baisse perspectives 2030 de 5 à 15% des niveaux de rémunérations), fin des tarifs pour ISDND et STEP
• Gestion des GO par l’Etat et mises aux enchères : entrée en vigueur en novembre 2021, mises aux enchères en 2023
• Fin d’exonération de TICGN ciblée pour les GO
• Transposition au plus tard en juillet 2021 de la directive européenne RED II, pour la mise en place d’un marché européen de la Garantie d’Origine
• Evolution du Système EU-ETS (quotas de CO2 sur les marchés) et de la prise en compte du biométhane dans ce dispositif

Perspectives à 2030

• La plupart des pays européens pourraient présenter un registre de GO biométhane, contribuant à un marché européen ouvert et intégré.
2 leaders de marché, l’outsider italien : La France et le Danemark devraient constituer les principaux exportateurs européens de GO biométhane. L’Italie constitue potentiellement un exportateur sérieux, grâce une forte stratégie de soutien à la mobilité.
Des importateurs nets : La Pologne, la Suède, l’Autriche, la Suisse et la Belgique devraient présenter des demandes en biométhane supérieures aux offres nationales et donc recourir à l’importation de GO sur le marché européen en 2030.
Des importateurs probables : L’Allemagne, déjà importatrice en2020, devrait continuer à recourir au marché européen, tout comme les Pays-Bas, L’Espagne ne devrait pas développer massivement sa production d’ici 2030 et pourrait recourir à l’importation pour décarboner ses usages gaz.
• Avec sa sortie de l’Europe, il est difficile de prévoir le positionnement du Royaume-Uni sur le futur marché européen de GO. Sans stratégie définie, la production pourrait être amenée à stagner alors que la demande devrait croitre pour accélérer la décarbonation du mix national.
Rapport de l’AIE “outlook for biogas and Biomethane“

Clément Lefebvre (X2012) Consultant énergie chez ENEA-Consulting, en particulier dans le secteur des Bioénergies
Adrien Zyngerman (UTC2013) Responsable de l’agence France Biométhane chez ENGIE Entreprises et Collectivités
Cécile Adnot (ECM2006) Vice-Présidente Centrale-Energies

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.