Quelle place pour les ingénieurs dans les débats sociétaux ? L’exemple de la transition énergétique
samedi 8 janvier 2022, par
Résumé : Les scientifiques et les ingénieurs sont très peu audibles dans les grands débats de société. Après une brève analyse des causes nous montrons à partir du cas particulier des débats liés au défi climatique et à la transition énergétique en quoi la diffusion d’un savoir scientifique permettrait de sortir des débats manichéens entre opinions et positions dominées par le poids de l’imaginaire.
Le progrès dépassé ?
Devant l’incapacité de la science et des techniques à répondre à des attentes démesurées, la première tentation dans nos sociétés urbanisées est de se tourner vers une nature idéalisée, bonne et généreuse et apte à nous apporter tout ce dont nous avons besoin sans aucune médiation. Ainsi le vent, le soleil pour l’énergie, les médecines douces, naturelles, permettraient de nous sortir des difficultés et problèmes apportés par ce maléfique progrès, vu comme un pacte Faustien dont il faudrait se délier. Mais ce serait là jeter le bébé avec l’eau du bain !
Une telle attitude est l’expression d’un individualisme poussé à tel paroxysme qu’il empêche de voir que l’homme n’a pu survivre et l’humanité se développer qu’en construisant des savoirs et des structures sociales lui permettant d’affronter et de tirer les ressources nécessaires d’une nature plus ou moins généreuse. Cet aveuglement, cette incapacité à voir le rôle tenu par les structures sociales, les infrastructures, le savoir et le savoir-faire accumulés depuis des millénaires, conduit directement à une surestimation des capacités de l’individu isolé.
Ainsi dans le domaine de la santé il suffirait de mener une vie saine, en « harmonie » avec la nature, pour développer ou renforcer une immunité « naturelle » et globale à même de nous rendre résistant à tous les agents pathogènes, sans plus recourir aux inventions de la chimie. Dans le domaine de l’énergie les sources renouvelables constituent la vraie panacée et il suffit de renouer avec le vent et le soleil et cesser de jouer aux apprentis sorciers pour sortir définitement des ressources fossiles et du nucléaire, symbole par excellence du pacte Faustien évoqué plus haut.
Mais du Rousseauisme naïf à ses perversions les plus dangereuses il n’y a qu’un pas.
Les débats confisqués
La situation devient en effet beaucoup plus dangereuse lorsque ce rôle positif et indispensable est totalement retourné. Les structures, les infrastructures et les techniques lentement inventées, et mises en place au cours de siècles de développement de l’humanité sont maintenant imaginées par certains, dans un paroxysme de paranoïa, entièrement contrôlées par des forces cupides ou malveillantes, voire maléfiques. Le désir d’une société parfaite est devenu tellement grand que les dysfonctionnements inhérents à toute entreprise humaine ne sont plus admis, pas plus que l’idée d’un progrès possible. Dans le domaine de la santé les agents pathogènes dangereux ne peuvent ainsi avoir été conçus que dans de dangereux laboratoires contrôlés par des puissances suffisamment perverses pour inventer et diffuser des maux avec pour seul but d’étendre leur pouvoir en produisant les remèdes pour les combattre.
Bien sûr de tels points de vue extrêmes ont existé de tout temps, mais le contexte actuel de nos sociétés et le développement extraordinaire des réseaux sociaux leur ont permis de se répandre plus largement. De fait ces réseaux contribuent souvent à isoler des groupes dans des bulles, où ils ne reçoivent que les « informations » aptes à les conforter dans leurs opinions, (cf. Gérald Bronner [1]). Tout cela nourrit les paranoïas, la recherche de boucs émissaires [2] et contribue à la radicalisation des positions.
Les médias traditionnels, en privilégiant les points de vue exrêmes, et les faits bruts à caractère sensationnel, pour faire monter l’audience, ne contribuent pas non plus à faire naître des débats apaisés et éclairés.
Le gros problème est alors que sur les grands sujets de société ces débats tendent à se radicaliser et à opposer des visions manichéennes, car fondées sur des émotions, des peurs, et des opinions, traduisant souvent une méconnaissance des faits et un grand poids de l’imaginaire dans la perception.
Le relativisme ambiant, où toutes les opinions se valent, et le souci (louable) de respect de toutes les opinions, conduisent finalement à laisser le champ libre dans les débats publics aux seuls militants. Les derniers débats publics sur le renouvellement de la PPE [3], le PNGMDR [4] et le projet Cigeo, auxquels j’ai participé en tant que responsable de la commission énergie de la Société Française de Physique ont constitué pour moi des exemples éloquents.
Les prises de position éclairées des académies, des sociétés savantes ne comptent pas davantage que des opinions biaisées, et l’on voit poindre le risque d’une judiciarisation croissante (cf. « l’affaire du siècle ») voire de prises de décisions fondées sur des sondages (cf. https://theconversation.com/developpement-de-la-filiere-hydrogene-quels-usages-privilegier-quels-defis-surmonter-161246).
Mais cela traduit une perte de confiance envers les élites et les institutions, y compris scientifiques, avec au pire le risque d’une remise en cause de tous les apports des Lumières.
Alors que faire ?
Ayons l’audace du savoir ! pour prendre une formule librement inspiré du sapere aude des Lumières.
Le savoir peut permettre de sortir des débats manichéens opposant camps du bien et du mal, le blanc et le noir, pour entrer dans des débats éclairés, où finalement le choix implique souvent une prise de responsabilité devant les risques des options discutées. Le débat change de nature, mais il n’est pas supprimé ! Ce renversement est essentiel : la science n’impose pas sa vérité et une voie toute tracée ; elle engage et augmente au contraire notre responsabilité. Mais le savoir est quelque chose qui se construit !
Il faut aussi faire comprendre que la temporalité de la science en construction n’est pas du tout celle des médias et des faits divers.
Deux cas illustratifs de grande actualité :
1. La Pandémie de covid-19 : Pierre Le Coz dans un tout récent article de la revue Etudes (octobre 2021) intitulé « Ethique et vaccination » reprend les trois interrogations fondamentales que Kant plaçait au cœur de sa philosophie : « Que puis-je savoir ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? ». Mais déjà la réponse à la première question pose problème : le fait, l’information brute, ne constitue pas à lui seul un savoir. Quant à la deuxième, l’injonction éthique , elle est très mal reçue dans une société où triomphe l’individualisme, les « j’ai envie, j’ai pas envie, c’est mon droit … ». C’est l’articulation entre responsabilité personnelle et collective qui fait débat. « Kant l’a établi : une morale rationnelle réclame que le principe qui inspire nos actions soit non contradictoire et universalisable. Or, si tout le monde prenait modèle sur l’attitude d’un opposant au vaccin, l’épidémie repartirait de plus belle, obligeant l’État à des mesures contraires aux libertés et aux attentes de tous, « vaccino-sceptiques » compris ».
2. La Transition énergétique : Une source typique de biais de perception provient du défaut de connaissance des rôles et poids énergétiques des structures et services collectifs qui permettent à nos sociétés de se maintenir. Cette méconnaissance fausse la perception de la répartition entre consommation individuelle et collective, et est en partie à l’origine de la vogue du "small is beautiful". Cette image trompeuse des énergies renouvelables, porteuses d’une promesse d’autonomie et de société décentralisée a été popularisée par des utopistes très influents comme Jeremy Rifkin (cf. « l’économie hydrogène ») : "L’ère du pétrole touche à sa fin ouvrant la voie d’une extraordinaire révolution économique. Un nouveau régime énergétique apparaît, susceptible de reconstruire la civilisation sur d’autres fondements. Si cette nouvelle technologie n’est pas abandonnée aux grands fournisseurs d’électricité, les piles à combustible permettront à chaque être humain de produire et même d’échanger sa propre électricité. L’ensemble de nos institutions économiques, politiques et sociales, ainsi que nos modes de vie s’en trouveraient transformés".
Tentons de préciser ici sur quelques points ce que nous enseignent les faits et les lois de la nature
Les besoins en énergie et les promesses des renouvelables
En 2019 les consommations d’énergie primaire et finale en Europe se sont élevées respectivement à 19 000 TWh et 13500 TWh. Leurs évolutions respectives depuis 1990 sont représentées Fig. 1 (par source) et Fig 2. Cette dernière fait apparaître l’électricité et disparaître le nucléaire et quasiment tout le charbon. C’est parce que la chaleur qu’ils ont fournie (énergie primaire) a été convertie (plus ou moins selon le rendement) en électricité, d’où la valeur plus faible de l’énergie finale. La différence est de la chaleur perdue.
La consommation rapportée à la superficie de l’UE (423 millions d’ha) correspond à une densité moyenne de 32 MWh/ha pour l’énergie finale. Cela correspond par ailleurs à une consommation annuelle par habitant de 30,2 MWh, (soit 83 kWh/jour) d’énergie finale et de 42,5 MWh, (soit 116 kWh/jour), d’énergie primaire
- Pourquoi consommer autant d’énergie ?
Tout d’abord il ne peut y avoir de survie ni des individus, ni des sociétés humaines, sans apport suffisant en nourriture/énergie. C’est la Loi d’airain de la nature ! Quelques faits :
(1) L’évolution de l’humanité a été marquée par des sauts dans la capacité à transformer la matière, grâce tout d’abord à la maîtrise du feu, puis à l’invention de l’agriculture, et enfin à l’utilisation des ressources fossiles.
(2) L’invention de l’agriculture a conduit à un saut d’un facteur 1000 dans la quantité moyenne de ressources prélevées (du kWh/ha/an à celle du MWh/ha/an). Cela a permis une forte croissance démographique et une augmentation de la consommation par habitant, plus précisément :
6 kWh/jour (en gros 2 kWh de nourriture et 1 kg de bois par individu) pour les groupes de chasseurs-cueilleurs (après la maîtrise du feu).
14 kWh/jour pour les sociétés agraires, jusqu’à 30 kWh/jour (moyen-âge européen).
> 100 kWh/jour dans nos sociétés développées après la révolution industrielle.
- Pouvons-nous espérer collecter toute cette énergie à partir des renouvelables sur notre seul territoire ? sachant naturellement que de façon analogue à l’agriculture seule une fraction de la superficie totale est éligible.
Compte tenu de ses options en termes de politique énergétique, considérons plus particulièrement la situation de l’Allemagne : sa consommation d’énergie finale s’est élevée en 2019 à 2800 TWh. Rapporté à la superficie du pays (35,7 millions d’ha) cela correspond à 78 MWh/ha pour l’énergie finale. La consommation annuelle par habitant se monte à 33,4 MWh (soit 92 kWh/jour).
Cette même année 2019, l’éolien terrestre en Allemagne a produit 101 TWh (pour 53 GW de capacité installée, sur 0,9% du territoire). Rapporté à la superficie totale de l’Allemagne cela correspond à une densité de production moyenne de 2,8 MWh, soit environ 1/35 (3%) de la densité énergétique correspondant à la consommation. La (grande) ambition du nouveau gouvernement fédéral de passer de 0,9% à 2% du territoire d’ici 2045 pour l’éolien terrestre, ne permettra de grimper qu’à 6,2 MWh/ha, c’est-à-dire pas plus de 6% de la densité requise pour couvrir les besoins actuels .
Rappelons que ces 101 TWh qui représentaient 17% de la consommation d’électricité ne couvraient que 3,6% de l’énergie finale consommée ! Et notons que la même année 2019 le solaire photovoltaïque n’a produit en Allemagne qu’environ la moitié de la production de l’éolien terrestre. L’objectif (ambitieux) affiché est un doublement d’ici 2030. Mais ni la contribution du solaire photovoltaïque, ni celle de l’éolien en mer ne changeront le rapport d’ordres de grandeur.
On mesure là directement le potentiel limité en Europe des renouvelables qui ne pourront jamais à elles seules assurer la couverture des besoins même en tablant sur la sobriété et l’efficacité énergétique. L’autonomie énergétique de l’Europe assurée par 100% de renouvelables est une pure chimère.
Outre le problème du potentiel insuffisant il ne faut pas perdre de vue celui de l’impact sur les ressources en matériaux nécessaires à la construction des installations destinées à collecter les flux, qui eux seuls sont renouvelables. Ni non plus celui de la gestion de la variabilité des sources renouvelables.
- Le problème de la gestion de la variabilité
En effet la nécessité de répondre à la demande à tout instant impose de disposer en doublure d’un système pilotable de backup, (thermique à flamme ou nucléaire), dont la puissance en outre doit toujours correspondre à la puissance totale du réseau, quelle que soit la capacité de renouvelables. Ceci explique bien pourquoi les allemands n’ont pas pu réduire la puissance de leur parc pilotable (environ 90 GW) en dépit d’une croissance très forte de leur capacité de renouvelables.
Bien sûr ces centrales de backup fonctionnent de moins en moins souvent et de façon intermittente car la production des renouvelables augmente et est prioritaire sur le réseau. Mais la capacité du système pilotable ne peut être réduite ... et ses coûts de maintenance augmentent ! Oui, mais n’est-il pas possible de stocker les surplus ?
(1) Les batteries ? L’énergie contenue dans toutes les batteries du monde, toutes espèces confondues, est de l’ordre de 1 TWh. Elles ne peuvent offrir une réponse à la hauteur des besoins comme nous le discuterons plus bas.
(2) L’hydrogène ? Ce vecteur énergétique très en vogue sera sans doute nécessaire pour décarboner les procédés industriels, la production de chaleur et les transports, mais certainement pas prioritairement comme solution à ce problème de gestion de la variabilité. (cf. Gérard Bonhomme https://theconversation.com/debat-lhydrogene-produit-par-les-seules-renouvelables-ni-possible-ni-durable-148663
Loin des promesses à la Jeremy Rifkin de décentralisation et d’autonomie, le 100% renouvelable ne fonctionne que si l’on maintient en doublure un système coordonné et à gestion centralisé ! C’est le même problème à petite échelle avec les promesses trompeuses d’autoconsommation. Comme nous allons le voir cela ne fonctionne que si "l’auto-consommateur" reste connecté au réseau !
Le mirage de l’auto-consommation.
Un petit calcul élémentaire suffit pour comprendre l’énorme biais associé à la présentation de ce concept si souvent mis en avant par les promoteurs des énergies renouvelables électrogènes.
Un foyer français moyen consomme 4,7 MWh d’électricité par an, alors que la consommation d’énergie finale (1800 TWh en 2016, dont 27% d’électricité et 61% de fossiles) se monte à 28 MWh/an/hab. soit 77 kWh/jour/hab.).
En se basant sur les données de RTE sur la consommation et sur la production solaire, l’autonomie de ce foyer français moyen pourrait être assurée à partir d’une puissance photovoltaïque de 3 kWc ( 15 m2 de panneaux), mais à condition de pouvoir stocker 25% de sa consommation en inter-saisonnier soit 1,2 MWh.
Ce problème est analogue à celui du dimensionnement d’un réservoir alimenté par des eaux de pluie et devant permettre un arrosage régulier et autonome tout au long de l’année.
Pour un tel foyer, les puissances maximales de stockage et de déstockage seraient respectivement de 2,2 kW et 0,9 kW ; les quantités d’énergie maximales respectivement stockée et destockée sur une journée de 13,6 kWh et 14,5 kWh, et sur une semaine de 76,2 kWh et 88,0 kWh, respectivement).
Si l’on suppose pour simplifier qu’il lui faut 1 MWh de stockage, cela nécessite 40 batteries de voitures (50 kWh nominal avec une capacité réelle de 25 kWh), soit 10 tonnes de batteries, et la construction d’un local spécifique …
Il ne faut donc surtout pas confondre production cumulée sur l’année égale à la consommation avec une véritable auto-consommation. Cela ne marche aujourd’hui qu’en restant raccordé au réseau !
Les lois de la physique, et notamment celles de la thermodynamique, permettent pourtant de mieux comprendre la relation entre besoins en énergie et organisation sociale, ainsi que la nécessité de mises en réseaux. Il faut des infrastructures pour assurer les flux d’énergie et de ressources nécessaires, ainsi que des moyens de stockage pour garantir un approvisionnement régulier et équitable. C’est pourtant la leçon de l’histoire, si l’on remonte à l’invention de l’agriculture et aux conséquences sur l’organisation sociale de la révolution du néolithique.
Ne perdons pas de vue l’objectif de neutralité carbone en 2050, qui va imposer l’électrification de nouveaux usages et la production de substituts décarbonés aux fossiles. Si les sources renouvelables ne sont pas capables de nous offrir un potentiel suffisant et si en outre l’équilibre du réseau électrique impose le maintien d’une capacité pilotable constante, quelles sont les choix envisageables ? Doit-on imaginer comme le gouvernement allemand l’importation massive de gaz, puis celle d’hydrogène ou d’ammoniac produit si possible de façon décarbonée dans des contrées mieux dotées en renouvelables ?
Ou bien faire le choix du nucléaire ?
Le nucléaire, à l’opposé des renouvelables, renvoie généralement à l’image d’une société de contrôle, sans compter celle d’un risque sanitaire diffus et collectif. Limitons-nous ici à une courte discussion sur le problème des déchets souvent présenté rédhibitoire par les opposants au nucléaire. Pour prendre position sur un tel sujet il faut partir d’une analyse objective des faits scientifiques. Aucun choix ne peut nous affranchir d’une prise de risque et de responsabilité.
Le problème de la gestion des matières et déchets radioactifs et le projet Cigeo
Il faut bien sûr bien distingue les catégories de déchets selon leur activité et leur durée de vie. Alors que l’ANDRA gère environ 1,7 millions de m3 de déchets, seulement 3,1% du volume concentrent 99,8% de la radioactivité. Ils corespondent aux catégories MA-VL et HA avec respectivement 2,9% et 0,2% du volume et 4,9% et 94,9% de la radioactivité.
Dans le cas du projet CIGEO de stockage profond des déchets nucléaires à haute activité et vie longue (HA-VL) il faut tout d’abord analyser précisément la nature de ces déchets, leur conditionnement actuel et l’éventuel existence de solutions alternatives. Ces déchets résultent d’un retraitement partiel et consistent en un mélange de produits de fission et d’actinides mineurs, dont seuls ces derniers ont une très longue durée de vie. Ces déchets sont actuellement conditionnés dans des matrices de verres boro-silicatés, ce qui rend très problématique tout éventuel retraitement ultérieur, et limite ainsi grandement l’intérêt de l’obligation de réversibilité inscrite dans la loi.
Eu égard aux très longues échelles de temps considérées, aucune certitude absolue n’existe sur la sûreté du stockage profond, mais les observations faites sur des analogues naturels, (comme le site d’Oklo), ainsi que les études menées sur le concept multi-barrières envisagé, permettent de considérer le risque d’impact radiologique extrêmement faible et en tous cas local, très inférieur à la radioactivité naturelle, et différé (des centaines de milliers d’années).
Il faut donc concrétiser ce projet de stockage profond. Il en va de notre responsabilité envers les générations futures auxquelles nous ne devons pas léguer ce fardeau.
Mais plus généralement la question des déchets radioactifs ne peut pas être traitée indépendamment de la politique énergétique à long terme et du rôle qu’y jouera le nucléaire. C’est là où notre seconde responsabilité vis-à-vis des générations futures est engagée. Or avec les réacteurs à eau de deuxième et troisième génération le nucléaire ne peut pas être durable. Il est donc indispensable de poursuivre vigoureusement les études sur les filières de réacteurs de quatrième génération. Pour une analyse plus détaillée, on pourra se reporter à la prise de position de la Société Française de Physique [4].
En guise de conclusion
Le déficit croissant de culture scientifique, non seulement dans le grand public, mais aussi dans la formation des journalistes et responsables politiques, est sans doute l’une des causes de la difficulté de tenir de véritables débats éclairés sur les grands sujets auxquels nos sociétés sont confrontées. Il faut redonner le goût de la science, de la connaissance et d’une approche rationnelle des faits. Il est indispensable que des scientifiques, des ingénieurs puissent faire entendre des points de vue d’experts honnêtes et non biaisés, et aident à comprendre où se trouve la limite entre ce qui relève d’impossibiltés imposées par les lois de la nature et de choix ouverts. Il faut sortir de la confusion entre savoir, information et communication. Le savoir se construit. Les faits bruts ne suffisent pas. Il faut une mise en perspective, une hiérarchisation des informations, la construction de modèles. Le possible désaccord entre chercheurs sur des sujets encore nouveaux, trop souvent monté en épingle par les médias, ne doit pas conduire à un rejet total de l’approche scientifique.
Si seule progresse l’ignorance, alors nos démocraties seront de plus en plus à la merci des mensonges et manipulations plus ou moins honnêtes propagées dans les médias et les réseaux sociaux.
Références bibliographiques :
[1] Gérald Bronner, « l’apocalypse cognitive ».
[2] Jean-Pierre Dupuy, « la catastrophe ou la vie » (Seuil, 2021).
[3] https://www.sfpnet.fr/avis-de-la-sfp-sur-la-programmation-pluriannuelle-de-l-energie-fevrier-2020
[4]https://www.sfpnet.fr/avis-de-la-sfp-sur-la-5eme-edition-du-plan-national-de-gestion-des-matieres-et-dechets-radioactifs-pngmdr
Si vous souhaitez approfondir le sujet avec l’auteur : gerard.bonhomme@univ-lorraine.fr