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Train à Grande Vitesse : le Bilan Carbone et ses limites

lundi 1er novembre 2010, par Guy Moreau (ECL 69)

Le premier bilan carbone® ferroviaire est celui de la LGV Rhin-Rhône branche Est première phase,148km entre Dijon et Mulhouse actuellement en construction et devant être mis en service en décembre 2011. Cette étude, publiée fin 2009, inclut l’ensemble de la durée de vie du système de transport (conception, construction, exploitation) et prends en compte un périmètre large (infrastructures, gares, matériel roulant).

Ce bilan montre que sur l’ensemble du cycle de vie de 30 ans de la LGV Rhin-Rhône environ 2 millions de tonnes équivalent CO2 (TeC) auront été générées, le poste d’émissions de carbone prépondérant étant, juste après le Génie Civil, l’énergie de traction. Sur un cycle de 30 ans en moyenne 1,2 million de personnes devraient être détournées annuellement de la route et de l’air ce qui devrait permettre d’éviter l’émission de près de 4 millions de tonnes équivalent CO2 . En conséquence, 12 ans après sa mise en service, la LGV Rhin-Rhône devient « carbone positive », les émissions évitées par les reports modaux étant supérieures aux émissions générées par la conception, la construction et l’exploitation-maintenance de la ligne. Cette étude confirme également qu’il ne faut pas négliger la partie amont (conception, réalisation) qui dans ce cas représente plus de 60% des émissions totales.

Une étude récente de l’Union Internationale des Chemins de fer – UIC - a par ailleurs listé les 3 principaux paramètres à regarder pour cerner l’impact carbone du rail en Europe : le mix énergétique du pays, la fréquence du trafic et la construction de tunnels et de ponts. Selon les cas, d’après l’UIC, la part des infrastructures dans l’empreinte carbone d’une ligne peut ainsi varier de 31 % à 85 %.

Précisons aussi que le mix de production électrique qui a servi au calcul est celui de la France, dont 95% de l’électricité vient du nucléaire et des énergies renouvelables. Plus précisément l’intensité carbone du kWh intégrée dans le calcul part de 80g par kWh en 2007, décroit à 60g en 2020 puis à 50g en 2050. Une telle étude n’est donc valable que pour la France car l’intensité carbone du réseau électrique européen est de près de 400g de CO2 par kWh allant, par exemple, de 17g de CO2 par kWh pour la Suède à 610g pour l’Allemagne, loin devant la Chine 870g/kWh.

Cette étude faite pour la LGVRR a aussi permis de fixer quelques ordres de grandeur des émissions générées pouvant être utilisés dans d’autres projets ferroviaires : la construction d’un tunnel monotube « coûte » environ 20.200 TeC par km, la construction et l’aménagement des voies 730 TeC par km, la construction des rames 7 TeC par tonne.
Mais si l’on se place dans la même optique que les suédois pour leur projet de ligne à grande vitesse Götaland, il aurait mieux valu acheter des droits à émission sur le marché du carbone au lieu de construire cette LGVRR !

En août 2009 le Ministère des Finances suédois a demandé à l’Institut de Recherche sur les Transports (VTI) d’étudier si un train à grande vitesse entre Stockholm et Göteborg est un moyen efficace pour réduire les émissions de CO2.

Les conclusions du rapport sont négatives ! Le report de l’avion et de la voiture vers le train ne serait pas suffisant pour avoir des économies significatives : elles seraient de l’ordre de 150.000 TeC par an. Or le coût de la ligne, annualisé sur 40 ans, serait de 810 millions SEK (78 millions €) par an. Pour un même montant il serait possible d’acheter des droits d’émission (environ 14,5 €/T) pour 5.400.000 T !

En appliquant à la LGVRR le même raisonnement, pour cet investissement de plus de 1,7 milliard d’euros il aurait été possible d’acheter 117 millions de TeC, pratiquement 60 fois ce qui va être économisé en 30 ans !
Mais il ne faut pas oublier que ces bilans carbone pour la route et l’avion ne tiennent compte ni des infrastructures, ni de la construction des véhicules, voitures ou avions, car ils existent déjà. De plus ils tiennent compte des améliorations sensibles prévues pour les émissions de CO2 de ces véhicules ; les émissions passant pour les avions de 301g CO2/passager/km en 2009 à 150g en 2040 et pour la voiture de 66g en 2007 à 33,7g en 2050.

Le marché du carbone, et donc le prix de la TeC, n’est qu’un élément d’aide à la prise de décisions et devrait être réservé au choix entre plusieurs projets nouveaux.

Retrouvez également cet article dans le Flash n°20.

Messages

  • Le 26 novembre 2021 à 20:53 par Bouis

    Bonjour, je suis toujours étonné par les comparaisons trains avions. Étonné aussi par les productions de CO2 au km x passager. Le kérosène distribué au départ des aéroports français les années avant le covid était d’environ 7 Millions de tonnes pour 200 milliards de pkt. Donc 3,5kg aux 100km. Ou en multipliant par 3 pour avoir le CO2, 10kg CO2/100km. Donc 100g/pkt. Et ceci avec des avions de moyenne d’âge respectable. Avec des avions récents (2l/100/pkt ou 1,6kg/100/pkt) on descendrait à 48g CO2/pkt. Ajouter l’amortissement de la construction et le CO2 aeroportuaire ne change pas fondamentalement les choses. En revanche pour les trains la quinzaine de milliards d’euros de dépenses extérieures de la SNCF doit bien avoir un impact carbone. Si on suit la moyenne de L’ADEME du ratio français entre chiffres d’affaires et CO2 500 T/M€, ça laisse à penser que pour fournir la SNCF hors énergie, les sous-traitants produisent 500 x 15 000 = 7 500 000 T de CO2 à distribuer sur 100 milliards de pkt ferroviaires donc 75g/pkt. Où est l’erreur ? Certes en consommation marginale l’avion qui ne produit presque que du marginal est un générateur de CO2 impressionnant mais en moyenne il l’est beaucoup moins...

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